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Point chassés, mais priés de ne plus revenir.
Comment n'aimez-vous pas un commerce plus stable?
Avec tout votre esprit, et pouvant être aimable,
Ne prétendez-vous donc qu'au triste amusement
De vous faire haïr universellement ?

CLÉON.

Cela m'est fort égal. On me craint, on m'estime:
C'est tout ce que je veux; et je tiens pour maxime
Que la plate amitié, dont on fait tant de cas,
Ne vaut pas les plaisirs des gens qu'on n'aime pas.
Etre cité, mêlé dans toutes les querelles,
Les plaintes, les rapports, les histoires nouvelles :
Etre craint, à la fois, et desiré par tout;
Voilà ma destinée et mon unique goût.

Quant aux amis, crois-moi, ce vain nom qu'on se donne

Se prend chez tout le monde, et n'est vrai chez per

sonne.

J'en ai mille, et pas un. Veux-tu que, limité
Au petit cercle obscur d'une sociéré,

J'aille m'ensévelir dans quelque coterie?

Je vais où l'on me plaît; je pars quand on m'ennuie.
Je m'établis ailleurs; me moquant, au surplus,
D'être haï des gens chez qui je ne vais plus.
C'est ainsi qu'en ce lieu, si la chance varie,
Je compte planter-là toute la compagnie.

FRONTI N.

Cela, vous plaît à dire, et ne m'arrange pas!
De voir tout l'univers vous pouvez faire cas;
Mais je suis las, Monsieur, de cette vie errante.

Toujours visages neufs; cela m'impatiente.
On ne peut, grace à vous, conserver un ami :
On est tantôt au nord, et tantôt au midi.
Quand je vous crois logé, j'y compte, je me lie
Aux femmes de Madame, et je fais leur partie....
J'ose même avancer que je vous fais honneur....
Point du tout, on vous chasse, et votre serviteur !
Je ne puis plus souffrir cette humeur vagabonde ;
Et vous ferez tout seul le voyage du monde.
Moi, j'aime ici; j'y reste.

CLÉON.

Et quels sont les appas,

L'heureux objet?...

FRONTIN, l'interrompant.

Parbleu! ne vous en moquez pas

Lisette vaut, je crois, la peine qu'on s'arrête ?

Et je veux l'épouser.

CLEON.

Tu scrois assez bête

Pour te marier, toi? Ton amour, ton dessein

N'ont pas le sens commun!

FRONTIN.

Il faut faire une fin;

Et ma vocation est d'épouser Lisette.

J'aimois assez Marton, et Nérine et Finette;
Mais quinze jours chacune, ou toutes à la fois,
Mon amour le plus long n'a point passé le mois;
Mais ce n'est plus cela: tout autre amour m'ennuie.
Je suis fou de Lisette, et j'en ai pour la vic!

CLEON.

Quoi! tu veux te mêler aussi de sentiment?

Comme un autre !

FRONTIN,

CLÉON.

Le fat! Aime moins tristement.

Pasquin, L'Olive et cent, d'amour aussi fidele,
L'ont aimée avant toi; mais sans se charger d'elle.
Pourquoi veux-tu payer pour tes prédécesseurs?
Fais de même; aucun d'eux n'est mort de ses rigueurs.
FRONTIN.

Vous la connoissez mal; c'est une fille sage.

CLÉON.

Qui, comme elles le sont.

FRONTIN.

Oh! Monsieur, ce langage

Nous brouillera tous deux.

CLEON, après un moment de silence.

Eh bien, écoute-moi.

Tu me conviens: je t'aime; et, si l'on veut de toi,
J'emplofrai tous mes soins pour t'unir à Lisette.
Soit ici, soit ailleurs, c'est une affaire faite.

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FRO

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RONTIN est amoureux! je crains bien qu'il ne cause. Comment parer le risque où son a:nour m'expose?... Mais si je lui donnois quelque commission

Pour Paris?... Oui, vraiment, l'expédient est bon.
J'aurai seul mon secret, et si, par aventure,
On sait que les billets sont de son écriture,
Je dirai que de lui je m'étois défié,

Que c'étoit un coquin, et qu'il est renvoyé.

SCENE

I I I.

FLORISE,

CLÉON.

FLORIS E.

JE vous cherche par-tout. Ce que prétend mon frere

Est-il vrai? Vous parlez, m'a-t-il dit, pour Valere?
Changeriez-vous d'avis?

CLÉON.

Comment! vous l'avez cru? FLORISE.

Mais il en est si plein et si bien convaincu....

CLEON, l'interrompant.

Tant mieux! Malgré cela, soyez persuadée

Que

Que tout ce beau projet ne sera qu'en idée.
Vous y pouvez compter; je vous réponds de tout.
En ne paroissant pas contrarier son goût

J'en suis beaucoup plus maître, et la bête est si bonne. Soit dit sans vous fâcher....

FLORISE, l'interrompant.

Ah! je vous l'abandonne:

Faites-en les honneurs. Je me sens, entre nous,
Sa sœur, on ne peut moins!

CLÉON.

Je pense comme vous:

La parenté m'excede; et ces liens, ces chaînes
De gens, dont on partage ou les torts ou les peines,
Tout cela préjugés; miseres du vieux tems:
C'est pour le peuple, enfin, que sont faits les parens.
Vous avez de l'esprit, et votre fille est sotte;
Vous avez pour surcroît un frere qui radote:
Eh bien, c'est leur affaire, après tout. Selon moi,
Tous ces noms ne sont rien; chacun n'est que pour soi,
FLORISE.

Vous avez bien raison. Je vous dois le courage
Qui me soutient, contr'eux, contre ce mariage,
L'affaire presse, au moins: il faut se décider.
Ariste nous arrive: il vient de le mander:
Et, par une façon des galans du vieux style,
Géronte sur la route attend l'autre imbécille.
Il compte voir ce soir les articles signés.

CLÉON.

Et ce soir finira tout ce que vous craignez. Premiérement, sans vous on ne peut rien conclure:

D

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