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FLORISE, l'interrompant.

La mere de Valere est maussade, ennuyeuse,
Sans usage du monde; une femme odieuse!

Que voulez-vous qu'on dise à de pareils oisons ?
GERONTE.

C'est une femme simple, et sans prétentions,
Qui, veillant sur ses biens....

FLORISE, l'interrompant.

La belle emplette encore

Que ce Valere! Un fat, qui s'aime, qui s'adore.
GÉRONTE.

L'agrément de cet âge en couvre les défauts.
Eh! qui donc n'est pas fat? Tout l'est, jusques aux

sots....

Mais le tems remédie aux torts de la jeunesse.

FLORISE..

Non, il peut rester fat. N'en voit-on pas, sans cesse,
Qui jusqu'à cinquante ans gardent l'air éventé,
Et sont les vétérans de la fatuité?

GERONTE.

Laissons cela. Cléon sera donc notre arbitre....
Je veux vous demander, sur un autre chapitre,
Un peu de complaisance, et j'espere, ma sœur....
FLORISE, l'interrompant.

Ah! vous savez trop bien tous vos droits sur mon cœur !

Ariste doit ici....

GERONTE.

FLORISE, l'interrompant.

Votre Ariste m'assomme.

C'est, je vous l'avoûrai, le plus plat honnête-homme...]

GERONTE, l'interrompant.

Ne vous voilà-t-il pas ? J'aime tous vos amis;
Tous ceux que vous voulez, vous les voyez admis:
Et moi, je n'en ai qu'un, que j'aime pour mon compte,
Et vous le détestez! Oh! cela me démonte!

Vous l'avez accablé, contredit, abruti;

Croyez-vous qu'il soit sourd, et qu'il n'ait rien senti, Quoiqu'il n'ait rien marqué? Vous autres fortes têtes, Vous voilà! vous prenez tous les gens pour des bêtes; Et, ne ménageant rien....

FLORISE, l'interrompant.

Eh! mais, tant-pis pour lui,

S'il s'en est offensé !... C'est aussi trop d'ennui,
S'il faut à chaque mot voir comme on peut le prendre!
Je dis ce qui me vient, et l'on peut me le rendre.
Le ridicule est fait pour notre amusement,

Et la plaisantcrie est libre.

GERONTE.

Mais, vraiment,

Je sais bien, comme vous, qu'il faut un peu médire;
Mais en face des gens il est trop fort d'en rire!
Pour conserver vos droits, je veux bien vous laisser
Tous ces lourds campagnards, que je voudrois chasser.
Quand ils viennent, raillez leurs façons, leur langage,
Et tout l'Arriere-ban de notre voisinage;
Mais grace, je vous prie, et plus d'attention
Pour Ariste. Il revient: faites réflexion
Qu'il me croira, s'il est traité de même sorte,
Un maître à qui bientôt on fermera sa porte.

Je ne crois pas avoir cet air-là, Dieu merci! Enfin, si vous m'aimez, traitez bien mon ami!

FLORIS E.

Par malheur, je n'ai point l'art de me contrefaire.
Il vient pour un sujet qui ne sauroit me plaire,
Et je le marquerois indubitablement :
Je ne sortirai pas de mon appartement.

Ce seroit une scene.

Que je suis malade.

GERONTE.

FLORISE.

Eh! non, je ferai dire

GERONTE.

Oh toujours me contredire!
FLORISE.

Mais marier Chloé, mon frere, y pensez vous?
Elle est si peu formée et si sotte, entre nous !

GERONTE.

Je ne vois pas cela. Je lui trouve, au contraire, De l'esprit naturel, un fort bon caractere;

Ce qu'elle est devant vous ne vient que d'embarras: On imagineroit que vous ne l'aimez pas

A vous la voir traiter avec tant de rudesse.

Loin de l'encourager, vous l'effrayez, sans cesse, Et vous l'abrutisser, dès que vous lui parlez.

Sa figure est fort bien, d'ailleurs.

FLORISE.

Si vous voulez ;

Mais c'est un air si gauche, une maussaderie....

GERONTE, élevant la voix,

Lisette.

en voyant revenir

Tout comme il vous plaira. Finissons, je vous prie.
Puisque je l'ai promis, je veux bien voir Cléon,
Parce que je suis sûr de sa décision.

Mais quoi qu'on puisse dire, il faut ce mariage.
Il n'est point pour Chloé d'arrangement plus sage.
Feu son pere, on le sait, a mangé tout son bien;
Le vôtre est médiocre : elle n'a que le mien;
Et quand je donne tout, c'est bien la moindre chose
Qu'on daigne se prêter à ce que je propose.
(Il sort.)

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LISETTE.

Mais, Madame, au ton dont il s'explique,
A son air, où l'on voit, dans un rire ironique,
L'estime de lui-même et le mépris d'autrui,
Comment peut-on savoir ce qu'on tient avec lui?
Jamais ce qu'il vous dit n'est ce qu'il veut vous dire.
Pour moi, j'aime les gens dont l'ame peut se lire,
Qui disent bonnement, oui, pour oui, non, pour non.
FLORISE.

Autant que je puis voir, vous n'aimez pas Cléon?
LISETTE.

Madame, je serai peut-être trop sincere;
Mais il a pleinement le don de me déplaire.
On lui croit de l'esprit; vous dites qu'il en a:
Moi, je ne voudrois point de tout cet esprit-là,
Quand il seroit pour rien. Je n'y vois, je vous jure,
Qu'un style, qui n'est pas celui de la droiture;
Et sous cet air capable, où l'on ne comprend rien,
S'il cache un honnête-homme, il le cache très-bien!

FLORISE.

Tous vos raisonnemens ne valent pas la peine
Que j'y réponde; mais, pour calmer cette haine,
Disposez pour Paris tout votre arrangement.
Vous y suivrez Chloé je l'envoie au Couvent.
Dites-lui, de ma part....

LISETTE, l'interrompant.

Voici Mademoiselle :

Vous-même, apprenez-lui cette belle nouvelle!

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