Je voudrois bien savoir quelle est cette aventure,
Et pour quelles raisons Ariste m'a prescrit Un si profond secret quand j'aurois cet écrit. Il se peut que ce soit pour quelque gentillesse De Cléon. En tout cas, je ne rends cette piece Que sous condition, et s'il m'assure bien Qu'à mon pauvre Frontin il n'arrivera rien ; Car enfin bien des gens, à ce que j'entends dire, Ont été quelquefois pendus pour trop écrire.... Mais le voici.
En vérité, Madame, il ne vaut point la peine Du moindre sentiment de colere ou de haine : Libre de vos chagrins, partagez seulement Le plaisir que Chloé ressent en ce moment D'avoir pu recouvrer l'amitié de sa mere, Et de vous voir sensible à l'espoir de Valere. Vous ne m'étonnez point, au reste; et vous deviez Attendre de Cléon tout ce que vous voyez.
Qu'on ne m'en parle plus : c'est un fourbe exécrable, Indigne du nom d'homme; un monstre abominable! Trop tard, pour mon malheur, je déteste aujourd'hui Le moment où j'ai pu me lier avec lui.
Il faut, sans tarder, sans mystere,
Je ne sais comment faire, Je le crains.... C'est pour moi le plus grand embarras!
Méprisez-le à jamais, vous ne le craindrez pas. Voulez-vous avec lui vous abaisser à feindre? Vous l'honoreriez trop en paroissant le craindre. Osez l'apprécier. Tous ces gens redoutés, Fameux par les propos et par les faussetés, Vus de près, ne sont rien; et toute cette espece N'a de force sur nous que par notre foiblesse ; Des femmes sans esprit, sans graces, sans pudeur, Des hommes décriés, sans talens, sans honneur, Verront donc à jamais leurs noirceurs impunies, Nous tiendront dans la crainte, à force d'infamies, Et se feront un nom d'une méchanceté
Sans qui l'on n'eût pas su qu'ils avoient existé? Non, il faut s'épargner tout égard, toute feinte, Les braver sans foiblesse, et les nommer sans crainte, Tôt ou tard la vertu, les graces, les talens Sont vainqueurs des jaloux, et vengés des méchans.
Mais songez qu'il peut nuire à toute ma famille, Qu'il va tenir sur moi, sur Géronte et ma fille Les plus affreux discours.
Qu'il parle mal ou bien, Il est déshonoré; ses discours ne sont rien. Il vient de couronner l'histoire de sa vie. Je vais mettre le comble à son ignominie, En écrivant par-tout les détails odieux De la division qu'il semoit en ces lieux. Autant qu'il faut de soins, d'égards et de prudence Pour ne point accuser l'honneur et l'innocence, Autant il faut d'ardeur, d'inflexibilité Pour déférer un traître à la société ;
Et l'intérêt commun veut qu'on se réunisse Pour flétrir un méchant, pour en faire justice. J'instruirai l'univers de sa mauvaise foi,
Sans me cacher. Je veux qu'il sache que c'est moi. Un rapport clandestin n'est pas d'un honnête-homme, Quand j'accuse quelqu'un, je le dois et me nomme. FLORISE.
Non; si vous m'en croyez, laissez-moi tout le soin De l'éloigner de nous, sans éclat, sans témoin. Quelque peine que j'aie à soutenir sa vue, Je veux l'entretenir; et dans cette entrevue Je vais lui faire entendre intelligiblement Qu'il est de trop ici. Tout autre arrangement Ne réussiroit pas sur l'esprit de mon frere. Cléon, plus que jamais, a le don de lui plaire.
Ils ne se quittent plus, et Géronte prétend Qu'il doit à sa prudence un service important. Enfin, vous le voyez? vous avez eu beau dire Qu'on soupçonnoit Cléon d'une affreuse satyre; Géronte ne croit rien. Nul doute, nul soupçon N'a pu faire sur lui la moindre impression....
Mais ils viennent, je crois.... Sortons; je vais attendre Que Cléon soit tout seul.
(Elle sort, avec Ariste.)
E ne veux rien entendre.
Votre premier conseil est le seul qui soit bon.
Je n'oublîrai jamais cette obligation.
Cessez de me parler pour ce petit Valere,
Il ne sait ce qu'il veut, mais il sait me déplaire. Il refusoit tantôt, il consent maintenant! Moi, je n'ai qu'un avis c'est un impertinent ! Ma sœur sur son chapître est, dit-on, revenue. Autre esprit inégal, sans aucune tenue....
Mais, ils ont beau s'unir, je ne suis pas un sot! Un fon n'est pas mon fait; voilà mon dernier mot. Qu'ils en enragent tous, je n'en suis pas plus triste,
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