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Je voudrois bien savoir quelle est cette aventure,

Et pour quelles raisons Ariste m'a prescrit
Un si profond secret quand j'aurois cet écrit.
Il se peut que ce soit pour quelque gentillesse
De Cléon. En tout cas, je ne rends cette piece
Que sous condition, et s'il m'assure bien
Qu'à mon pauvre Frontin il n'arrivera rien ;
Car enfin bien des gens, à ce que j'entends dire,
Ont été quelquefois pendus pour trop écrire....
Mais le voici.

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En vérité, Madame, il ne vaut point la peine
Du moindre sentiment de colere ou de haine :
Libre de vos chagrins, partagez seulement
Le plaisir que Chloé ressent en ce moment
D'avoir pu recouvrer l'amitié de sa mere,
Et de vous voir sensible à l'espoir de Valere.
Vous ne m'étonnez point, au reste; et vous deviez
Attendre de Cléon tout ce que vous voyez.

FLORIS E.

Qu'on ne m'en parle plus : c'est un fourbe exécrable, Indigne du nom d'homme; un monstre abominable! Trop tard, pour mon malheur, je déteste aujourd'hui Le moment où j'ai pu me lier avec lui.

Je suis outrée !

ARIST E.

Il faut, sans tarder, sans mystere,

Qu'il soit chassé d'ici.

FLORISE.

Je ne sais comment faire, Je le crains.... C'est pour moi le plus grand embarras!

ARISTE.

Méprisez-le à jamais, vous ne le craindrez pas.
Voulez-vous avec lui vous abaisser à feindre?
Vous l'honoreriez trop en paroissant le craindre.
Osez l'apprécier. Tous ces gens redoutés,
Fameux par les propos et par les faussetés,
Vus de près, ne sont rien; et toute cette espece
N'a de force sur nous que par notre foiblesse ;
Des femmes sans esprit, sans graces, sans pudeur,
Des hommes décriés, sans talens, sans honneur,
Verront donc à jamais leurs noirceurs impunies,
Nous tiendront dans la crainte, à force d'infamies,
Et se feront un nom d'une méchanceté

Sans qui l'on n'eût pas su qu'ils avoient existé?
Non, il faut s'épargner tout égard, toute feinte,
Les braver sans foiblesse, et les nommer sans crainte,
Tôt ou tard la vertu, les graces, les talens
Sont vainqueurs des jaloux, et vengés des méchans.

FLORISE.

Mais songez qu'il peut nuire à toute ma famille,
Qu'il va tenir sur moi, sur Géronte et ma fille
Les plus affreux discours.

ARISTE.

Qu'il parle mal ou bien,
Il est déshonoré; ses discours ne sont rien.
Il vient de couronner l'histoire de sa vie.
Je vais mettre le comble à son ignominie,
En écrivant par-tout les détails odieux
De la division qu'il semoit en ces lieux.
Autant qu'il faut de soins, d'égards et de prudence
Pour ne point accuser l'honneur et l'innocence,
Autant il faut d'ardeur, d'inflexibilité
Pour déférer un traître à la société ;

Et l'intérêt commun veut qu'on se réunisse
Pour flétrir un méchant, pour en faire justice.
J'instruirai l'univers de sa mauvaise foi,

Sans me cacher. Je veux qu'il sache que c'est moi.
Un rapport clandestin n'est pas d'un honnête-homme,
Quand j'accuse quelqu'un, je le dois et me nomme.
FLORISE.

Non; si vous m'en croyez, laissez-moi tout le soin
De l'éloigner de nous, sans éclat, sans témoin.
Quelque peine que j'aie à soutenir sa vue,
Je veux l'entretenir; et dans cette entrevue
Je vais lui faire entendre intelligiblement
Qu'il est de trop ici. Tout autre arrangement
Ne réussiroit pas sur l'esprit de mon frere.
Cléon, plus que jamais, a le don de lui plaire.

Ils ne se quittent plus, et Géronte prétend
Qu'il doit à sa prudence un service important.
Enfin, vous le voyez? vous avez eu beau dire
Qu'on soupçonnoit Cléon d'une affreuse satyre;
Géronte ne croit rien. Nul doute, nul soupçon
N'a pu faire sur lui la moindre impression....

(Entendant du bruit. )

Mais ils viennent, je crois.... Sortons; je vais attendre Que Cléon soit tout seul.

(Elle sort, avec Ariste.)

SCENE V.

GÉRON TE, CLÉON.

GERONTE.

J

E ne veux rien entendre.

Votre premier conseil est le seul qui soit bon.

Je n'oublîrai jamais cette obligation.

Cessez de me parler pour ce petit Valere,

Il ne sait ce qu'il veut, mais il sait me déplaire.
Il refusoit tantôt, il consent maintenant!
Moi, je n'ai qu'un avis c'est un impertinent !
Ma sœur sur son chapître est, dit-on, revenue.
Autre esprit inégal, sans aucune tenue....

Mais, ils ont beau s'unir, je ne suis pas un sot!
Un fon n'est pas mon fait; voilà mon dernier mot.
Qu'ils en enragent tous, je n'en suis pas plus triste,

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