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endroits pał où cet extérieur tenoit, s'il est permis de parler ainsi, au fonds de caractere qui est le même dans tous les tems. C'est ce qu'a fait l'Auteur du Méchant. Les peintures qu'il a faites des mœurs de ce siecle paroîtront vraies dans tous les âges, même lorsqu'on aura absolument changé de façon de vivre... On trouve dans la scene troisieme du second acte du Méchant une description de Paris telle que Moliere l'eût faite lui-même, s'il avoit vécu de nos jours.... Au reste, ce n'est pas la peine de dire que cette Piece, dont plusieurs vers ont passé en proverbes, est admirablement écrite; on s'y attend assez sur le nom de l'Auteur, étant si accoutumé à cet éloge qu'on l'a réduit à n'en être plus flatté. »

1779,

L'Auteur de la Vie de Gresset, publiée en dit que « dès la premiere représentation du Méchant, quelques personnes, qui auroient dû servir de principal personnage à cette Piece, affecterent d'y reconnoître tout Paris. Gresset fut alors assez mal traité. On se déchaîna contre cette Comédie, qui sera, dans tous les tems une production excellente, un modele de versi

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fication coulante. On écrivit, on composa des brochures bien lourdes, dont on ne se souvient plus. Les coteries se liguerent, l'envie frémit de rage, la médiocrité pâlit, les Journaux se contredirent, et la Piece, dont les critiques trouvoient la marche languissante, parce qu'elle étoit simple, resta.... Les juges équitables y voient une intrigue suffisante, et des scenes piquantes et variées, dans lesquelles le sel de Plaute se joint à l'urbanité de Térence. >>

« On remarque beaucoup de rapport entre cette Piece et Le Médisant, de Destouches, dit encore l'Auteur de cette Vie, ainsi que les Auteurs du Dictionnaire et des Anecdotes Dramatiques, et celui des Observations sur Gresset et sur ses Ouvrages, insérées dans le treizieme volume dit Nécrologe des Hommes célebres de France, année 1778; mais si ces deux Comédies se ressemblent, pour le fonds, quelle différence dans les détails! qu'ils sont supérieurs dans Le Mêchant! Que les portraits y sont variés et les caracteres contrastés avec finesse !.... Cette Piece est la satyre du tems, et la satyre la mieux écrite qui ait paru depuis Boileau, »

Le lendemain de la premiere représentation du Méchant, M. Bailly, sous le nom d'une Muse bourgeoise du Parterre, envoya ces vers à Gresset, à l'occasion de quelques mauvaises critiques que l'on faisoit de cette Piece.

Un membre de Café, Philosophe pédant,
Qui de l'esprit se croit et le juge et l'arbitre,
En sots propos s'égayoit sur le titre
De votre Piece du Méchant.

Quelqu'un dit au mauvais plaisant :
« Pour un Auteur c'est bon augure
» Lorsque dans un Livre nouveau

» L'envie, au désespoir de ne voir que du beau, » De rage, mord la couverture! »>

Ce vers que dit Cléon, en parlant de Chloé, dans la scene septieme du second acte de cette Piece:

La faute en est aux Dieux qui la firent si bête,

et qui est la Parodie qu'a faite Gresset de celuici de la Tragédie d'Alcionée, de Pierre Du Ryer, en parlant de la Princesse Lydie, dont Alcionée est devenu amoureux, quoique la distance des rangs les éloigne l'un de l'autre :

« La faute en est aux Dieux qui la firent si belle, »

fut bien galamment reparodié, en le rétablissant dans son premier état, un jour qu'une Dame de Forqualtier, célebre par sa beauté, arriva dans sa loge, à la Comédie, pendant que l'on jouoit Le Méchant. Le Parterre abandonna un moment la Piece, se tourna du côté de la Dame et lui adressa de grands battemens de mains. Quelqu'un s'écria qu'il ne convenoit point d'interrompre ainsi le Spectacle. Une voix répondit, sur le champ, par ce même vers:

«La faute en est aux Dieux qui la firent si belle ! »

Anecdotes Dramatiques, de l'Abbé de La Porte.

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