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VIE

DEGRESSE T.

JEAN

EAN-BAPTISTE-LOUIS GRESSET, né à Amiens, en 1709, étoit fils d'un Conseiller du Roi, Commissaire-Enquêteur et Examinateur au Bailliage de la même Ville, qui en fut aussi Échevin, et d'une descendante du célebre Physicien Rohault.

La famille de GRESSET est originaire d'Angleterre, et elle vint, dans le siecle dernier, s'allier en France, aux meilleures familles Bourgeoises d'Amiens.

GRESSET fit ses humanités chez les Jésuites de cette Ville, qui frappés des grandes espérances qu'il donnoit, voulurent l'attacher à leur Société.

Composée, en grande partie, de Gens-deLettres, tous les jeunes gens dont cette Société avoit dirigé l'éducation, et qui montroient

quelques heureuses dispositions, étoient sollicités à s'unir à elle.

Sans avoir de vocation, GRESSET ne montra point d'abord de répugnance pour la vie monastique; et à seize ans il commença son noviciat. Après l'avoir fini, il vint à Paris achever ses études; puis il alla successivement professer les humanités à Moulins, à Tours, à Rouen et à la Fleche.

Né Poëte, il employoit tous ses momens de loisir à cultiver la Poésie, pour laquelle il se sentoit un penchant irrésistible; et, depuis 1730 jusques en 1735, il publia plusieurs Pieces de vers, telles que des Epîtres, des Odes et son charmant Poëme de Vert-Vert.

Ce Poëme fut traduit, en vers latins, par un anonyme, et M. Raux, Émailleur, le mit en figure et en action. M. Bertin, Ministre et Secrétaire d'État, ayant les Manufactures Royales dans son département, fit faire, depuis, à celle de Porcelaine de Seve, un cabaret à café dont toutes les tasses et soucoupes, élégainment peintes et dorées, représentent l'histoire de VertVert, et les divers attributs des autres Ouvrages

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de GRESSET, à qui il envoya ce cabaret, en présent. GRESSET appeloit ce cabaret l'édition de ses Œuvres, faite à Seve.

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Vert Vert suscita quelques tracasseries à GRESSET de la part des Religieuses qu'il avoit si bien peintes dans cet agréable Ouvrage, et fui attira des désagrémens dans sa Société, qui le déterminerent à s'en séparer. Il rentra dans le monde, et vint se fixer, pour quelque tems, à Paris.

Depuis cette époque, entiérement livré aux Lettres, on sait combien il se distingua parmi le petit nombre de Poëtes vraiment dignes de ce nom. Ses productions firent les délices des gens de goût; et toutes celles qu'il a rendues publiques sont si généralement connues, ellės ont été jusqu'à présent l'objet d'une prédilection si universelle que nous n'en pourrions rien dire d'avantageux qui ne fût infiniment au-dessous de ce que les Lecteurs en pensent.

La plupart des Ouvrages de GRESSET furent imprimés séparément, à mesure qu'il les composoit, dans les Journaux du tems; puis une grande partie fut recueillie, de son vivant, et

eut un nombre infini d'éditions; mais beaucoup n'ont jamais été publiés, et plusieurs ont même été totalement supprimés par lui, quelque tems

avant sa mort.

ses mœurs,

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GRESSET, par la douceur et la simplicité de la candeur et la droiture de son caractere, la scrupuleuse exactitude de sa probité, se fit chérir de tous ceux qui le connurent; et il fut étroitement lié d'amitié avec un grand nombre de personnes des plus élevées par leur naissance et par leur rang, telles que l'Archevêque de Tours, M. de Rastignac, l'Evêque de Luçon, M. de Bussy, l'Evêque d'Amiens, M. d'Orléans de La Mothe, le Duc de Saint-Aignan les trois freres Chauvelin, l'Abbé, le Marquis et le Conseiller d'Etat, les deux Contrôleurs Généraux, M. Orry et M. de Boullongne, et beaucoup d'autres personnes recommandables par leurs dignités et leur considération dans le monde. Le Roi de Prusse, Frédéric II, qu'on a surnommé le Salomon du Nord, et que l'on pourroit en appeler aussi l'Auguste, le Tite-Live et l'Horace, eut une correspondance littéraire avec GRESSET. Il composa même une Ode à sa

louange, en réponse à une qu'il avoit reçue de lui, lors de son avénement au trône, en 1740, et il lui donna le titre d'honoraire de son Académie de Berlin, en l'engageant à s'aller fixer auprès de lui; mais GRESSET renonça à cet honneur, et préféra sa famille et sa patrie à la Cour d'un grand Roi, și digne d'être préféré à tout.

La Tragédie d'Edouard III, la Comédie de Sidney, et, sur-tout, celle du Méchant, VertVert, La Chartreuse, Les Ombres, l'Epire au Pere Bougeant, l'Epître à sa Muse, les Imitations des Eglogues de Virgile, et quelques autres Ouvrages estimables que GRESSET avoit publiés, lui ouvrirent les portes de l'Académie Françoise, en 1748. Mais toutes ces distinctions flatteuses, tout ces honneurs accumulés ne purent jamais prévaloir dans son cœur contre l'amour du lieu de sa naissance. Ce sentiment exclusif l'avoit suivi par-tout. L'accueil qu'il reçut en tous lieux, l'amitié, qui s'empressoit toujours à voler au-devant de lui, les succès constans de toutes ses productions, les plaisirs de la jeunesse, rien ne put le distraire un instant du desir de retourner s'établir dans ce lieu qu'il ché

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