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Par la Déclaration du Roi du 2 Juillet 1714, en interprétant en tant que de befoin l'Edit de Mars 1705, il a été ordonné, que conformément à ce qui s'obferve aux Requêtes du Palais du Parlement de Paris, les Juges de la Sénéchauffée d'Aix, & les autres Juges, connoîtront en premiere inftance de tous procès criminels, fans que les Officiers des Requêtes du Palais à Aix connoiffent des mêmes procès criminels; à moins que ces Procès ne fuffent incidents aux procès civils pendants pardevant eux; comme dans le cas d'infcription de faux formée incidemment, & autres pareils.

C'est donc un principe, que les matieres criminelles ne peuvent être évoquées, foit en vertu de Lettres de Committimus, de Lettres de Gardegardienne, ou autrement. Cet article I de l'Ordonnance veut que la connoiffance en appartienne aux Juges des lieux où les crimes ont été commis les Requêtes du Palais n'ont point de Jurifdiction criminelle; ce Tribunal eft comme celui des Lieutenants civils, qui ne peuvent connoître du criminel que lorsqu'il eft incident & inféparable du civil; ainfi qu'il fera expliqué au nombre 18 de cet article. Voyez les obfervations fur l'article VI du Réglement de Sens, copié à la fin de ce Code : il eft du premier Juin 1556. Voyez auffi les articles LVI de l'Ordonnance de Moulins; XXXIV de celle d'Orléans; CLII, CLXXVII & CCXIII de celle de Blois, avec la Déclaration du 10 Juillet 1556 fur l'Ordonnance de Moulins.

Il y a des cas où les Cours peuvent évoquer & renvoyer l'inftruction, & même le jugement des procès criminels d'une Jurifdiction dans une autre. Mais elles renvoient ordinairement, comme il a été déjà obfervé, pardevant des Juges Royaux, & dans la Jurifdiction Royale la plus prochaine. L'Ordonnance du mois d'Août 1737 leur donne le pouvoir de les renvoyer dans une autre Jurifdiction.

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Article XC du titre I de ladite Ordonnance. A l'égard des affaires qui ne font pas de nature à être jugées en dernier reffort par les Préfidiaux, ou qui feront pendantes dans un fimple Bailliage, Sénéchauffée, Prévôté, ou autre Justice inférieure ; n'entendons empêcher que le renvoi n'en puiffe être fait par nos Cours dans d'autres Jurifdictions, lorfque par le nombre des parents & alliés de l'une des Parties, ou par d'autres circonstances, ,, il y aura des fufpicions qui feront jugées fuffifantes; ce que nous laiffons à la prudence de nos Cours.

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La même chofe avoit été réglée par l'article III de l'Edit de Février 1684, rapporté ci-après fur l'article XIII de ce titre. Le Réglement du Parlement de Paris du 10 Juillet 1665, article XXVIII, porte que les procès feront renvoyés au plus prochain Siege, s'il n'y a caufe fuffifante de fufpicion. Voyez Henrys, édition de 1708, tom. 1, page 410. Denifard, au mot nullité, tom. 2, pag. 199, attefte que c'eft l'ufage de renvoyer P'inftruction des procédures annullées au plus prochain Juge Royal, qui eft le Bailliage; ainfi qu'il vient d'être expliqué au n. 11. L'article XIV du Réglement fait au Confeil le 11 Mai 1721 entre le Parlement & le Bailliage

DE LA COMPÉTENCE.

DE AL

de Dijon porte que les renvois feront faits au Bailliage le plus prochain,
s'il n'y a pas des moyens de récufation ou de fufpicion qui doivent l'em-
COMPÉTENCE. pêcher.

13. Les renvois des Cours appartiennent aux Lieutenants criminels, pré-

férablement à tous autres Juges: ce principe eft fondé fur les Edits de créa-

tion de leurs Offices des années 1522 & 1552, qui les rendent émi-

nemment compétents pour connoître de tous crimes même de tous

délits & offenfes dans toute l'étendue de leur reffort: c'eft ce qui fait

qu'ils ne font jamais incompétents. M. le Préfident Bouhier dans fes

obfervations fur la Coutume de Bourgogne, imprimées en 1742, in-fol.

tom. 2, pag. 66 n. 115, dit que les Juges Royaux ne font jamais

incompétents; ce qui fait que l'on ne caffe jamais leurs procédures par in-

compétence: c'eft ce qui a été jugé récemment au Parlement de Dijon.

La Demoiselle Lambert, veuve du Sieur Jaquot d'Auxone fut tuée le 30

Juillet 1741; le Lieutenant Criminel informa de ce meurtre, auffi bien que

le Juge de Champ-Dôtre. Le Chapitre de la Cathédrale d'Autun, auquel

cette Juftice appartient, prit en trouble le Lieutenant Criminel, qui foutint

que les Edits de création de fon Office le rendoient compétent pour con-

noître de tous crimes, fans aucune réserve en faveur des Juges fubilter-

nes ; & par conféquent qu'il ne pouvoit jamais être déclaré incompétent.

Sur ce moyen Meffieurs de la Cathédrale d'Autun furent déclarés non-re-

cevables dans leur prife en main pour leurs Officiers; & ils furent con-

damnés en trois cents livres de dommages & intérêts, avec dépens envers

le Lieutenant Criminel par Arrêt du 21 Février 1742. Dans la même inf-

tance il y avoit eu Arrêt du 13 Septembre 1741, qui avoit ordonné que

par provision l'instruction du procès feroit continuée par le Lieutenant Cri-

minel, parce qu'en cas de conflit de Jurifdiction entre la Royale & la

Seigneuriale la provifion eft due aux Officiers du Roi: c'eft une maxime

conftante, difent les Auteurs, & entr'autres celui du Traité criminel im-

primé en 1732, pag. 13, qu'en cas de conflit de Jurifdiction la provi-

fion doit toujours demeurer au Roi jufqu'au Jugement ou Arrêt définitif

fur le conflit. C'eft ainfi que la prudence de Mellieurs de la Cathédrale

d'Autun fut furprife par leurs Officiers qui ne devoient pas ignorer que les

Lieutenants criminels, par leur Edit de création ayant droit de connoître

de tous crimes, mêmes des fimples delis, ils font éminemment compétents

pour toutes fortes de matieres criminelles ; & par conféquent ils ne peu-

vent jamais préjudicier a la Jurifdiction des Seigneurs qui n'en fouffre au-

cune diminution, quand le Juge Royal connoît d'un crime commis dans le

territoire du Juge fubalterne; à la différence des autres Juges de Seigneurs

qui
peuvent acquérir une poffeffion d'une partie du territoire les uns des

autres par poffeffion. Au lieu que les Seigneurs ne peuvent jamais craindre

que le
Juge Royal prefcrive contre eux, puifque le Prince, dont il exerce

Pautorité, eft toujours préfumé s'être réfervé, en accordant aux Seigneurs

Je droit de Justice, celui de la faire exercer par fes Officiers; fans que cer

exercice

DE LA

exercice puiffe préjudicier, ni tirer à conféquence contre les Seigneurs.
Nous avons encore un Arrêt du Parlement de Dijon du 7 Octobre 1728
plaidant MM. Bullier & Diffon, Avocats; le premier pour les héritiers COMPÉTENCE.
du Curé de St. Nifier fur le défert; l'autre pour Pierre Pomier, Maré-
chal au même lieu appellant comme de Juge incompétent de la procédure
du Lieutenant Criminel de Bourg en Breffe, faite à la requête de ces hé-
ritiers, qui prétendoient que Pomier avoit fpolié l'hoirie du Curé. Le cas
étoit ordinaire, une fimple fpoliation en faifoit l'objet ; le Juge des lieux
en auroit connu fi la plainte lui avoit été adreffée. Il n'y avoit aucun
accufé privilégié ; cependant on en fit informer pardevant le Lieutenant
Criminel, dont la procédure fut confirmée fur le principe général que le
Juge Royal n'eft jamais incompétent; le Roi n'étant pas cenfé avoir ac-
cordé aux Seigneurs une Jurifdiction exclufive à celle de fes Officiers qui ont
toujours la prévention.

M. Jouffe dans fa derniere observation fur l'article XI de ce titre, dit de

même, que lorsqu'il y a conteftation entre le Juge Royal & le Juge du

Seigneur pour favoir fi le cas eft Royal ou non, le Juge Royal en doit

main fouveraine, fuivant Chopin de Domanio, liv. 2, chap.

8, n. 3: voyez ci-après les notes fur Particle XVII de la Déclaration de

1731, copiée à la fuite de l'article II de ce titre I, & dans fon Commen-

taire fur l'Ordonnance de 1667, tit. VI, art. I. Le même Auteur prouve

que le Juge Royal eft compétent pour connoître en premiere inftance des

caufes des Juftices fubalternes, fi le Procureur Fifcal ne révendique pas.

C'est ce qui fut encore attefté par M. Talon, lors des conférences fur

l'article IX de ce titre, où ce grand Magiftrat obferva que toutes Juftices

étant émanées du Roi, il ne paroît pas qu'il ait voulu priver fes princi-

paux Officiers de connoître, du moins par concurrence, de tous crimes :

c'eft pour cela, ajouta M. Talon, que les Juges Royaux ne renvoient ja-

mais les affaires criminelles dont ils font faifis. Voyez encore les obferva-

tions fur l'article VII de ce titre, n. 6.

M. le Préfident Bouhier, chap. 51, n. 124, tom. 2, p. 21, dit que

le jufticiable d'un Seigneur ne peut décliner la Jurifdiction Royale ; parce

que les Officiers du Roi font éminemment compétents pour toutes fortes

de délits; il n'y a que le Seigneur qui puiffe révendiquer. Voyez le n. 4,

article IX de ce titre I.

14. Les Seigneurs ne peuvent porter leurs caufes pardevant leurs Juges.

M. le Préfident Bouhier, tom. 2, chap. 2, n. 100, pag. 57, dit à ce

fujet que l'Ordonnance de 1667, art. XI du titre XXIV, qui parle des

caufes civiles des Seigneurs ne comprend pas leurs caufes criminelles, dont

leurs Juges ne peuvent connoître, fuivant trois Arrêts du Parlement de

Paris des 17 Juillet 1705, 27 Août, & 3 Septembre 1706, qui ont dé-

cidé qu'un Seigneur ne peut faire informer pardevant fon Juge, foit à sa

requête, foit à celle de fon Procureur d'Office pour délit qui l'intéreffe

&que la procédure en pareil cas feroit nulle. Ce grand Magiftrat rapporte

DE LA

deux autres Arrêts rendus au Parlement de Dijon, l'un du 26 Septembre 1679 contre la Dame de Nuis fous Raviere, qui ayant pourfuivi crimiCOMPÉTENCE. nellement un domeftique pour vol pardevant fon Juge, la procédure fut caffée, & l'accufatrice condamnée aux dépens. L'autre Arrêt du 22 Juin 1689 fut rendu au fujet d'un procès intenté en la Juftice de Bragny, à la pourfuite du Seigneur, contre Jean Pleffis & Jacqueline Munier fa femme pour crime grave; fur l'appel des accufés comme de Juge incompétent de la procédure, elle fut caffée, & cela, dit M. Bouhier, parce que l'Ordonnance civile ayant déterminé les cas dans lefquels les Seigneurs peuvent porter leurs caufes pardevant leurs Juges, il paroît que les Juges manquent de caractere pour les autres cas. Enfin M. Bouhier rapporte des Arrêts qui fur ces principes ont jugé que les Juges des Seigneurs ne peuvent mettre le fcellé dans la maifon feigneuriale. On trouve au Journal des Audiences, tom. 6, page 282, un Arrêt du 8 Août 1712, qui regle les cas où les Juges des Seigneurs peuvent connoître de leurs caufes; il défend entr'autres chofes aux Juges des Seigneurs de connoître des droits de leur Domaine, lorfque le fonds eft contesté. Et tom. 7. liv. 5, ch. 6, p. 645, par autre Arrêt du 14 Février 1722, il a auffi été jugé qu'ils ne pouvoient mettre le fcellé chez le Seigneur; il y a même dans Brillon au mot Haut-Jufticier un Arrêt du 16 Mai 1648, qui a jugé que le Juge d'un Seigneur ne peut connoître des caufes du Cofeigneur, idem au mot Juge, n. 204.

M. Puffort, lors des conférences fur l'article IX de ce titre observa qu'il y auroit de grands inconvénients à permettre qu'un Juge de Seigneur pût connoître de fes différents, de ceux de fes enfants, de fa famille, & de fes domeftiques.

Ferriere fur Baquet, des Juftices, chap. 7, n. 22, remarque auffi que P'Ordonnance de 1667 ne permet aux Seigneurs de plaider pardevant leurs Juges que pour ce qui concerne leur Domaine; mais qu'à l'égard des autres actions pour lefquelles ils peuvent pourfuivre ou être pourfuivis, il ne feroit pas jufte que leurs Juges en connuffent, à caufe du pouvoir abfolu qu'ils ont de les deftituer, ce qui les rendroit Juges en leurs propres caufes; il ajoute que fi cela eft jufte en matiere civile, il le devient bien plus en matiere criminelle par des raifons fi fortes & fi naturelles qu'il eft inutile d'en faire l'application. Raviot, question 265, n. 6, tom. 2, pag. 354 ► établit les mêmes principes.

Du Rouffeau, part. 2, chap. 1, n. 1, rapporte deux Arrêts du Parlement de Paris des 27 Août & 3 Septembre 1706, avec un autre du 27 Mai 1707, qui ont jugé la question in terminis. M. Jouffe, au commencement de fon Commentaire criminel, pag. xlvi, dit autfi que les Seigneurs en matiere criminelle ne peuvent être pourfuivis, ni pourfuivre dans leurs Juftices; qu'ils doivent alors fe pourvoir pardevant le Juge fupérieur, à peine de nullité, ainfi qu'il a été jugé par un grand nombre d'Arrêts : & fur l'article XI de ce titre, il met au nombre des cas royaux les op

DE LA COMPÉTENCE.

preffions & violences commifes par les Seigneurs & Gentilshommes fur leurs -
, pour raifon des contributions, corvées & autres exactions fem-
jufticiables,
blables, fuivant l'Ordonnance de Blois, art. CCLXXXIII & CCLXXXIV;
& celle de 1629, article CCVI. Voyez encore Bruneau, tit. 4. n. 4. & le
Journal des Audiences où font rapportés les Arrêts des 27 Juillet 1705 &
13 Septembre 1706. Ce dernier Arrêt a jugé qu'un Seigneur, pour fait de
chaffe, ne peut faire informer pardevant fon Juge.

Le Procureur d'Office & le Greffier font également fufpects par les mêmes raifons étant deftituables comme les Juges, & aux gages des Seigneurs. C'est pourquoi il faut, fuivant la jurifprudence des Arrêts, fe pourvoir pardevant le Juge Royal. Bouvot dans fon Epitome fur notre Coutume, édition de 1632, pag. 14, dit que par Arrêt du Parlement de Dijon du 26 Août 1608, il fut décidé que le Juge d'un Seigneur ne peut connoître en matiere criminelle des caufes où le Seigneur eft partie, fa femme, fes enfants, ou fes domeftiques; & que c'eft au Juge Royal à en prendre connoiffance. Enfin M. Jouffe dans un nouveau Traité imprimé en 1759, au fujet des fonctions des Commiffaires Enquêteurs pag. 26, obferve que fi le Seigneur eft laïc, ou fi étant Eccléfiaftique, la Juftice lui eft patrimoniale, fes Officiers ne peuvent mettre le fcellé après fon décès fur fes effets, ni en faire inventaire, & il cite à ce fujet des Arrêts du Parlement de Paris de 1665, 1702, 1704, 1708 & 1711, dont la plus grande partie fe trouve au Journal des Audiences. Celui du 17 Janvier 1708 défend à tous Juges de brifer le fcellé appofé par un autre Juge, fans l'autorité du Juge fupérieur, & fans y appeller celui qui l'a appofé, quand même l'un des Juges feroit fupérieur à

l'autre.

15. Les Officiers des Greniers à Sel, des Elections & Fermes du Roi, qui prêtent ferment aux Cours des Aides, en font Jufticiables, pour ce qui concerne les fonctions de leurs charges, fuivant l'article VI d'un Edit de Mars 1551. Mais pour tous autres crimes & délits ils font fujets à la Jurifdiction des Baillis & Sénéchaux, foit comme Officiers de Judicature à la forme de l'article X de ce titre, foit comme Officiers des Aides & Gabelles, Droits & Fermes du Roi, fuivant l'Ordonnance des Gabelles, rapportée ci-devant au n. 8. Il en eft de même de tous Receveurs des droits du Roi, Contrôleurs, leurs Commis, & autres Employés pour la régie des deniers & revenus du domaine. Ils font tous fous la protection du Roi & de fes Officiers. C'eft ce qui a été décidé par plufieurs Réglements anciens & nouveaux, & entr'autres par celui fait au Parlement de Paris le 30 Juillet 1678 entre les Officiers de la Sénéchauffée & le Châtelain royal de Moulins.

16. Meffieurs les Officiers des Cours des Aides, Chambres des Comptes, des Amirautés les Commenfaux de la Maifon du Roi, & autres dont il fera parlé ci-après, font auffi exceptés de la regle générale éta blie par cet article I de l'Ordonnance.

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