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Tuteur fa pupile, d'un Geolier fa prifonniere, & autres cas où l'on abuse de la confiance ou de la néceffité où l'on eft de laiffer les filles entre les mains de ces fortes de gens.

Plufieurs circonftances font requifes pour convaincre une fille d'avoir perdu fon fruit. 1°. Il faut que le corps du délit exifte, c'eft la premiere & la plus néceffaire de toutes les conditions: fans corps de délit conftant, il n'eft pas préfumé qu'il y ait crime, ainfi qu'il fera prouvé fur l'article I du titre XIX de la torture, n. 16. 2°. Il faut que la fille n'ait pas déclaré fon état de groffeffe à des perfonnes qui en puiffent rendre témoignage. 3°. Que l'enfant n'ait pas été inhumé dans une des fépultures publiques & accoutumées: fi l'une de ces trois conditions requifes par l'Edit d'Henri II du mois de Février 1556, manque, le crime n'est pas prouvé. La Déclaration du 25 Février 1708, a renouvellé mot à mot les mêmes difpofitions; en ordonnant que l'Edit d'Henri II feroit publié tous les trois mois aux Prônes des Meffes Paroiffiales. On trouve dans Brillon, au mot groffeffe, n. 11, tome 3, p. 539, un Arrêt du 16 Juillet 1716, qui a juge que la groffeffe recélée n'eft fujette aux peines des Ordonnances que lorfque l'enfant qui en eft provenu, a été privé du Baptême & de la Sépulture: Brillon renvoie à ce fujet aux notes de Me. Maillard.

Les Parlements ont rendu en conféquence de l'Edit d'Henri II, plufieurs Arrêts. Celui de Dijon en a rendu qui ont admis des filles à prouver qu'elles avoient révélé leurs groffeffes à des femmes. Il y a même eu une fille qui offrit le témoignage de fon Confeffeur auquel elle l'avoit déclaré pendant fa groffeffe: le Confeffeur fit difficulté de révéler le fecret; mais ayant confulté la Sorbonne, on lui répondit que le fecret ne devoit pas être observé in necem de celle qui le lui avoit confié, & qui pouvoit lui en permettre la révélation. Ravior, tome 1, queftion 91, p. 247, dit que moyennant la déclaration du Confeffeur la fille fut renvoyée : il ne la nomme pas, ni ne date pas l'Arrêt par ménagement pour la

famille.

L'Edit d'Henri II n'oblige pas les filles à faire leurs Déclarations en Juftice, ni pardevant des Notaires ou autres perfonnes publiques, on ne peut les y forcer; elles peuvent fuivant cet Edit fe contenter de les faire à des gens de probité qui en cas de befoin pourront en rendre témoignage.

La partie publique ne peut, à moins qu'il n'existe un corps de délit, forcer une fille à déclarer ce qu'eft devenu fon fruit, elle n'eft pas obligée à révéler fa turpitude; l'enfant peut être élevé par un pere qui ne veut pas être connu l'Edit d'Henri II n'oblige pas les filles à repréfenter leurs enfants, ni à déclarer ce qu'ils font devenus, les peines ne s'étendent pas. Le Parlement de Dijon a fouvent repris des Procureurs d'Office qui avoient fait à ce fujet des pourfuites indifcrettes. Raviot en rapporte un Arrêt de 1715, qui déclara le Juge & le Procureur

DE LA COMPÉTENCE.

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d'Office de Montréal, bien pris à partie; condamna le Juge à trois cents livres, & le Procureur d'Office à cinq cents de dommages & intérêts, avec interdiction contre ce dernier pour un an. Voici leur Procédure. Le Procureur d'Office ayant appris qu'une fille étoit malade, expofa dans fa plainte que c'étoit une fuite de fes couches, & d'une groffeffe recélée: il demanda permiffion d'en faire informer, & qu'elle fût interrogée ; le Juge s'y transporta & l'interrogea, il y eut vifite faite par un Médecin & un Chirurgien, qui déclarerent qu'elle n'avoit point fait d'enfant, & qu'elle n'étoit pas enceinte, ce fut le fondement de la prise à partie, l'Arrêt leur fit défenfes de récidiver, à peine d'être punis plus févérement.

Raviot ajoute que pareil Arrêt avoit été rendu le 2 Mai 1705, contre le Procureur d'Office de Saint Seine, qui avoit prétendu qu'une fille d'un Laboureur étoit enceinte ; il avoit requis le Juge de fe tranfporter chez, elle , pour l'interroger & la faire vifiter, ce qui avoit été fait. Le Procureur d'Office pris à partie, fut condamné en cent livres de dommages & intérêts, avec pareilles défenfes, & permis de faire publier l'Arrêt. Raviot ajoute que la vifite des matrones n'eft pas toujours une preuve de l'innocence où de la chûte, nam fepè manus fallitur, & oculus obftetricum. L. 14. Cod. extr. de probat. Cette vérité fera encore plus folidement prouvée ci-après dans les obfervations qui feront faites fur les Rapports, à la fuite du tit. V, n. 14, où il est traité de l'ignorance des matrones. La Cour condamne encore une délibération de la Chambre de Ville de Dijon qui avoit mulcté d'une amende de 5 livres, une Accoucheuse pour n'avoir pas déclaré à la forme des anciennes délibérations • qu'elle avoit accouché une fille par Arrêt du 20 Février 1668, la délibération fut caffée avec reftitution de l'amende & condamnation aux dépens. Les Accoucheufes doivent garder le fecret, & ne peuvent être forcées à le révéler; fans cela il n'y auroit plus ni de confiance, ni de sûreté on ne doit pas priver les filles des moyens d'accoucher en fecret; ce feroit les expofer au crime qu'elles veulent éviter dans la confiance qu'elles ne feront pas décélées par les perfonnes auxquelles elles fe livrent. L'Edit d'Henri II étant le fondement de cette Jurifprudence, il est néceffaire de le rapporter.

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"Voulons & nous plaît que toute femme qui fe trouvera duement ,, atteinte & convaincue d'avoir célé, couvert, & occulté tant fa groffeffe que fon enfantement

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fans avoir déclaré l'un ou l'autre & avoir pris de l'un ou de l'autre témoignage fuffifant, même de la vie ,, ou mort de fon enfant lors de l'iffue de fon ventre; & après, fe trouve l'enfant avoir été privé, tant du Saint Sacrement de Baptême », que Sépulture publique & accoutumée; foit cette femme tenue & réputée avoir homicidé fon enfant : & pour réparation, punie de ,, mort & dernier fupplice, & de telle rigueur que la qualite particuliero ,, du cas le mérite,,.

"

DE LA

Quand il y a deux déclarations de groffeffes faites en même temps par une même fille, la plus vraisemblable doit être fuivie. Le Parlement de Grenoble condamna un Cabaretier à doter fa fervante, quoiqu'elle eût COMPÉTENCE. fait une précédente Déclaration fur un paffant. Voyez Baffet

tome I,

liv. 6, titre XVII, chapitre 2 & 3; il dit auffi que la déclaration d'une fille ne doit avoir aucun effet contre un homme marié, & que l'Hôpital doit être chargé de l'enfant, fuivant les Arrêts des 5 Janvier & 4 Février 1666. Idem, Brillon au mot groffeffe, n. 13, tome 3, P. 539.

La Poligamie n'eft plus punie de mort, on condamne les hommes aux galeres, & les femmes au bannissement & tous les deux au carcan avec des écriteaux, les hommes ayant deux quenouilles, & les femmes des chapeaux. Voyez les obfervations fur notre Coutume de Bourgogne, par M. le Préfident Bouhier, édition de 1717, p. 486, décision C, de M. le Préfident Bégat.

35. Et autres cas expliqués par nos Ordonnances. Ces derniers termes de l'article XI de l'Ordonnance, font voir qu'il ne comprend qu'une partie des cas Royaux, qu'il n'étoit pas poffible de rapporter tous, parce que l'autorité Royale n'ayant point de bornes, ce feroit lui en donner, que de faire un dénombrement exact de tous les cas: il faut donc s'en tenir à la définition que les Auteurs donnent à ce fujet, en difant que les cas Royaux font les crimes auxquels le Roi a intérêt, comme fouverain pour la manutention de fon autorité & de la Police dans fes Etats. Tout ce qui trouble le repos public, & qui intéreffe la Police, eft cas Royal de la compétence des Baillis & Sénéchaux. M. le premier Préfident de Lamoignon, lors des conférences fur cet article, obferva que l'on ne pouvoit donner des bornes à l'autorité Royale, en expliquant tous les cas Royaux, & que d'ailleurs, il fe peut préfenter tous les jours des cas finguliers & imprévus qu'il faut néceffairement traiter comme cas Royaux, quoiqu'ils ne l'aient pas encore été déclarés ; que la regle ne pouvant être certaine elle devoit s'étendre & fe raccourcir fuivant les occafions, & que s'il y avoit quelques diverfités de fentiments, elles devoient toujours aller à l'avantage de l'autorité Royale. Ce grand Magiftrat dit cependant que, pour éviter les conflits, il feroit meilleur de comprendre dans l'article tous les cas Royaux, fans réferve; & que ce que l'on pouvoit faire pour conferver la Jurifdiction Royale dans fon luftre, étoit de comprendre dans les cas Royaux tous ceux qui avoient jufqu'alors été dans quelque forte de doute & d'incertitude; mais comme ce plan étoit difficile, Monfieur le premier Préfident ajouta que s'il furvenoit quelque difficulté, & s'il fe préfentoit quelques nouveaux cas, la décifion en étoit toujours en la main du Roi & de fes Parlements qui font extrêmement foigneux de conferver l'autorité Royale; & s'ils y manquoient, M. le premier Président (adreffant la parole à Monfeigneur le Chancelier ). Vous Monfieur, qui êtes le Chef de la Justice, y mettriez, la main

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DE LA

avec l'autorité que le Roi vous donne ainfi lorfqu'un Lieutenant Criminel croit que le Parlement ne lui a pas rendu Juftice au fujet d'un cas Royal, COMPÉTENCE. il peut s'adreffer à Monfeigneur le Chancelier toujours attentif à la confervation des Droits du Roi & de ceux de fes Officiers: il femble cependant que les Cours à préfent ont entrepris de reftraindre les cas Royaux contre l'intention du Roi, en favorifant en toutes occafions les Juges des Seigneurs, au préjudice des Officiers Royaux. Cette intention du Souverain, eft clairement manifeftée par les articles XV, XXI, XXII, XXIV, & autres de la Déclaration de 1731, concernant les cas Prévôtaux. Cette Déclaration eft commentée ci-après le titre II, elle renvoie toujours aux Lieutenants Criminels, même les cas ordinaires, & dépouille à chaque inftant les Juges des Seigneurs; ce qui devroit faire changer la Jurifprudence des Parlements.

Une partie des cas Royaux fe trouve énoncée dans un Arrêt rapporté par Bouvot, tome 2 tome 2, pag. 25. M. le Préfident Bouhier dit que cet Arrêt fut rendu au Parlement de Dijon le 14 Août 1572, entre le Procureur du Roi au Bailliage Royal, & le Procureur Fifcal du Comté de Charolois. Il ordonne que les Officiers Royaux auront la connoissance & Jurifdiction des cas fuivants. Savoir: des caufes Criminelles efquelles les nobles feront accufés des crimes de Leze Majesté divine & humaine ; fabrication de fauffe monnoie; des crimes de faux prétendus avoir été commis par Notaires, Sergents ou Greffiers Royaux, ou autres accufés d'avoir falfifié les obligations, contrats, exploits, & actes reçus par lefdits Notaires, Sergents & Officiers Royaux, & de toutes malverfations & abus commis par lefdits Notaires, Sergents & Greffiers Royaux en leurs Charges & Offices; des recouffes, battures, outrages & défobéiffance qui leur feront faites en_exerçant leurs dites Charges & Offices; de l'infraction de fauve-garde Royale, & affuréments donnés par les Juges Royaux; des affemblées illicites, port d'armes prohibés, voleries meurtres, & autres délits commis ès places & maifons appartenantes au Roi; des lettres de rappel de ban, de grace, rémiffion & pardon, avec défenfes aux Officiers du Comté de connoître defdits cas & autres contenus aux Edits & Ordonnances Royaux, à peine d'amende, dépens, dommages & intérêts. M. le Préfident Bouhier, tome 1, p. 115, & tome 2, p. 60, rapporte un autre Arrêt du Parlement de Dijon du 31 Juillet 1579, par lequel il fut encore défendu aux Officiers du Comté de Charolles, de prendre connoiffance des crimes commis fur les grands chemins & places publiques. J'ai depuis recouvré le Réglement de 1572: il eft copié avec plufieurs autres à la fin de ce Code.

36. Grand chemin. Inter Regalia funt via publica. Tous excès, meurtres, vols & autres crimes commis fur les grands chemins, & chemins publics, font de la compétence des Juges Royaux. Les Réglements portent que non feulement les chemins, mais encore les lieux publics font de la Jurifdiction Royale. M. Bouhier dans fes obfervations fur la Coutume de Bourgogne,

Bourgogne, tome 1, p. 115, & tome 2, p. 60, rapporte l'article L de P'ancienne Coutume des Bourguignons, avec l'Arrêt de 1572, cité au nombre précédent, fuivant lefquels les crimes, même les délits, commis dans les lieux publics & dans les places ou maifons appartenantes au Roi, font décidés cas Royaux. Ce grand Magiftrat cite auffi l'Arrêt du 31 Juillet 1579, qui fait défenses aux Officiers du Comté du Charolois de connoître des crimes commis fur les grands chemins, & dans les places publiques. Le même Auteur, chap. 52, n. 177, dit encore qu'il paroît décidé en faveur des Officiers Royaux que les délits commis fur les grands chemins font de leur compétence fuivant l'article L des anciennes Coutumes de Bourgogne, & l'Arrêt de 1579. La raifon de ces décifions continue M. Bouhier eft que ces fortes de chemins étant fous la fauve-garde du Roi, on confidere les délits qui y font commis comme une infraction à la fauve-garde Royale. Tome 2, pag. 60, & fuivantes, chap. 52, le même Auteur après avoir rapporté le fait qui donna lieu aux Arrêts pour le Charolois, obferve que fi la Cour avoit interdit la connoiffance de femblables délits aux Officiers du Bailliage Comtal du Charolois, à plus forte raifon elle doit être interdite à un Juge de fimple Seigneur dont les Privileges ne peuvent avoir une fi grande étendue; ce qui eft fi vrai que, fuivant un Arrêt du Confeil de 1699, il a été dérogé aux anciens Réglements en faveur de ces Officiers du Comté du Charolois, qui connoiffent des caufes des Nobles & des Eccléfiaftiques, ce qui eft défendu en Bourgogne aux autres Juges inférieurs.

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On peut ajouter à ces obfervations de M. le Préfident Bouhier, que le Bailliage du Comté de Charolois eft encore diftingué des Jurifdictions fubalternes, en ce que les appellations de fes Jugements, font relevées recta à la Cour, & qu'il connoît des appellations de plufieurs Juftices fubalternes qui lui font fubordonnées fuivant le même Arrêt de 1699; ce qui lui donnant des prééminences qui le diftinguent des autres Juftices Seigneuriales, il faut en conclure que les cas dont la connoiffance luf eft interdite ne peuvent à plus forte raifon être de la compétence des Juges des fimples Seigneuries. En ce qui concerne la Bourgogne l'art. L de nos anciennes Coutumes, eft formel en faveur des Officiers Royaux : il veut que les délits qui se font fur les grands chemins foient de leur compétence; & c'eft en conféquence de cette Loi qu'a été rendu l'Arrêt du Parlement de Dijon du 31 Juillet 1572, pour ceux du Bailliage Royal du Charolois qui vient d'être rapporté.

On ne peut trouver une Loi plus décifive. Elle porte Tous les grands. chemins en Bourgogne font héritages au Prince, en justice, & en seigneurie, & ne s'en peut nul dire, Sire, par fief, ou par arrier fief noble de Bourgogne ne autre, fors que le Prince & la connoiffance lui appartient de TOUS DÉLITS faits ès grands chemins ; il réfulte de cette ancienne Loi municipale de Bourgogne, art. L, que les grands chemins font regardés comme héritages appartenants au Prince; que nul Seigneur noble, ou rotulier

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Tome I.

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DE LA COMPÉTENCE.

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