1 Tantot les accidents secondaires syphilitiques sont contagieux, tantôt ils ne le sont pas: d'où il suit que c'est s'écarter du vrai, quand on adopte exclusivement une des deux propositions suivantes : 1o les accidents syphilitiques secondaires sont toujours contagieux; 2o les accidents secondaires ne sont pas contagieux. > En pathologie, dit l'auteur, l'absolue identité de condition ne peut exister à cause de la diversité des organismes et des influences, et en dehors des lois générales il y a toujours des exceptions. La contagion n'est point une chose absolue, infaillible et inévitable, et tout individu n'est pas propre à être contaminé. » Cette argumentation, l'auteur l'appuie des opinions de plusieurs auteurs qui ont écrit sur la contagion, et arrive aux conclusions suivantes : « Les accidents secondaires de la syphilis sont contagieux, mais de même qu'il se rencontre des individus qui ne contractent pas la gale, la vérole, le vaccin, la scarlatine et le typhus, maladies essentiellement contagieuses, de même aussi il y a des personnes sur les quelles le principe contagieux des accidents secondaires de la syphilis n'a pas de prise. Il nous semble, Messieurs, que ces conclusions sont logiques et basées sur l'observation médicale. Qui de nous ne pourrait pas citer des faits analogues puisés dans sa pratique? n'avons-nous pas vu certains individus doués d'une sorte d'immunité qui leur faisait braver le coït avec une femme dûment infectée, et infectante pour beaucoup d'autres? Mais, comme dit le baron de Verulam, quand on veut établir une doctrine, un système, on le repose sur des faits auxquels on adopte la théorie, mais si par hasard quelque fait contradictoire, qu'on n'avait pas d'abord aperçu, se présente, on sauve le principe à l'aide de quelque frivole distinction, au lieu qu'il aurait fallu d'abord corriger le principe même. Et comme dit aussi le spirituel rédacteur en chef de l'Union médicale, << ce n'est pas la raison qui invente les faits, ce sont souvent les faits qui égarent la raison. » Sans doute l'école huntérienne dont M. Ricord est le savant interprète, a dissipé bien des erreurs en syphiliographie; mais ce ne serait rien ôter à sa renommée que de reconnaître l'évidence de certains faits de contagion des accidents secondaires. Vouloir nier ces faits parce que seul on n'a pu les produire, et s'appuyer sur ces considérations, qu'on n'a jamais constaté de cas de contagion de ces accidents, et qu'on n'a jamais pu les transmettre par inoculation, n'est-ce pas donner un dé-menti à l'observation consciencieuse des autres, n'est-ce pas mettre en doute leurs connaissances médicales? Et quand par une sorte de fin de non-recevoir, on se retranche dans cet argument final et qu'on répond imperturbablement à ses contradicteurs, que les faits cliniques n'ont pas été bien observés, et que les inoculations d'accidents dits secondaires n'étaient que des inoculations d'accidents primitifs, on doit convenir, Messieurs, que toute discussion est devenue impossible, car on peut toujours mettre en doute l'observation d'autrui et prétendre que l'expérience a été mal faite. Et cependant peut-on taxer d'incapacité des hommes tels que Velpeau, Lagneau, Gibert, Baumès (de Lyon), de Castelnau, Vidal de Cassis, Fourcault, Cazenave, etc., etc.! Et si aux faits cliniques recueillis et apportés par ees observateurs éminents, on ajoute la multitude de faits épars, remarqués par les vieux praticiens, n'est-on pas en droit de dire que cette masse de faits parle plus. haut que la plus belle théorie? Qu'il me soit permis à mon tour, Messieurs, pour répondre à l'appel que fait le docteur Putegnat en commençant son mémoire, de vous rapporter ici quelques faits, qui ont vivement frappé mon attention et que je vous présente avec toute la sincérité d'un observateur impartial. M. B...., âgé de 44 ans, d'une constitution lymphatique scrofuleuse, ayant déjà payé plusieurs fois le tribut à la vérole, épouse, en 1849, une jeune femme fraîche et saine. B...., à l'époque de son mariage, n'était pas encore guéri d'une affection syphilitique qu'il avait contractée naguères; aussi sa jeune femme ne tarda pas à être victime du libertinage de son mari. Elle devint enccinte; pendant sa grossesse, elle vit apparaître aux parties génitales des ulcères, des plaques muqueuses, et bientôt un chancre se fixa sur le pilier antérieur gauche du voile palatin. Elle consulta son accoucheur, qui reconnut trèsbien la nature de son mal et institua un traitement antisyphilitique. Au milieu de ce traitement plus ou moins bien suivi, elle mit au monde un enfant måle, atteint de syphilides, de tubercules plats entre les fesses et au scrotum, et, me dit la mère, d'une petite plaie ou écorchure à la commissure des lèvres. Trop délicate pour allaiter son enfant, elle le confia à une paysanne forte, saine, et déjà mère de plusieurs enfants bien portants; son mari, honnête cultivateur vivant dans la simplicité villageoise, jouissait d'une santé robuste. Toute cette famille habitait une commune voisine de Bruxelles. Environ trois semaines après la réception de l'enfant B..., la nourrice se plaignit un jour à la mère d'une écorchure qu'elle avait contractée au sein. Comme dans ce moment je donnais des soins à la dame B.... pour sa syphilis constitutionnelle, celle-ci, inquiète et sachant son enfant infecté, me pria de voir la nourrice et de lui donner des soins. Je reconnus facilement, chez cette malheureuse, un chancre syphilitique phagédénique, ayant envahi une grande partie de l'aréole mammaire. Je voulus profiter de cette circonstance pour faire un traitement double, c'est-à-dire de l'enfant par la nourrice. Mais à peine ce traitement était-il institué de huit jours, que la paysanne vint me trouver pour se plaindre qu'il lui était survenu de gros boutons aux parties génitales, et que son mari en avait de semblables à la verge et au scrotum. Je visitai ces époux et pus constater chez tous deux des tubercules plats suppurants. Un traitement bien suivi pendant un mois et demi, procura guérison on de ces honnêtes villageois; l'enfant qu'elle nourrissait prosta du bénéfice de ce traitement, auquel j'ajoutai pour lui quelques bains au deuto-chlorure de mercure. la Peut-on méconnaître, dans cet exemple si caractéristique, une infection produite par des symptômes constitutionnels ou secondaires du nouveau-né, à l'égard de la nourrice jusque-là très-saine, et, par suite des rapports conjugaus, infection du mari? Heureux encore que son plus jeune enfant était sevré, sinon on eût certainement compté une victime de plus. Un autre fait, tout aussi caractéristique, que j'ai entendu narrer par M. le professeur Seutin dans ses leçons cliniques, et que j'ai vérité par une enquête faite sur les lieux et auprès des victimes de cette infection, est le suivant : L'hospice des Enfants-Tacuvés de Bruxelles place ses orphelins en pension, chez des habitants de la campagne, dans l'arrondissement. En 1857, un de ces enfants fut confié à la femme Hauwaert, à Alsemberg, commune du canton d'Uccis. Après quelque temps d'allaitement, cette feiame éprouva du mal aux seins et ne put continuer à nourrir; les seins s'engorgeant, elle se les fit tirer par son fils âgé de dix ans, et ce garçon s'acquitta, parait-il, si bien de cette fonction, que sa réputation s'étendit dans la commune et que plusieurs nouvelles accouchées ou ayant des phlegmons du sein, l'employèrent à dégorger ces organes par la succion. De ce nombre fut la femme Demol, primipare, récemment accouchée, mais dont les mamelons, peu développés, mettaient obstacle à l'allaitement de son enfant. Elle eut recours au fils Hauwaert pour se faire tirer les seins; les mamelons s'étant suffisamment développés, elle allaita son jeune enfant. Mais bientôt il lui survint aux seins des ulcères et à son enfant des excoriations, de petites plaies aux lèvres et dans la bouche. Ne soupçonnant nullement la nature de cette affection, la femme Demol considérait cela comme étant des crevasses à ses seins, et du feu (sic) à la bouche de son enfant. C'est à cette époque que sa sœur, l'épouse de Derauw, garde-forestier des hospices, vint lui faire une visite, portant sur ses bras son jeune fils àgé de quelques mois. L'épouse de Derauw avait peu de lait, et pendant leur entre ve son enfant s'étant montré difficile, elie pria sa sœur, mieux fournie, de laisser boire son enfant. Ce qui eut lieu. Peu de temps après, ce jeune enfant devint malade à son tour et ne tarda pas à infecter sa mère. L'enfant eut des chancres à la gorge et des pustules syphilitiques sur le corps; sa mère eut également des chancres aux seins et à la gorge et des pustules humides à la vulve et près de l'anus. Sa fille aînée, en donnant de la bouillie à son jeune frère, avait cette habitude vulgaire de passer dans sa bouche la cuilterée de bouillie après en avoir donné une partie à l'enfant; elle s'infecta également et contracta des ulcères à la gorge. Le mari, en cohabitant avec sa femme, contracta la syphilis et eut des pustules plates et un chancre dans la gorge. D'autres personnes, dans la commune, furent également infectées par l'office du jeune garçon Hauwaert, C'est dans ce moment que le docteur Seutin vint par hasard dans la commune et apprit que plusieurs personnes étaient malades d'une affection de la langue, etc. Ayant visité le garde Derauw, il reconnut immédiatement la nature de la maladie, et en remontant à la source de cette infection, après avoir soumis toutes les personnes infectées à une enquête sévère et minuticuse, il comprit que l'auteur ne pouvait être autre que le fils Hauwaert, lequel était victime, ainsi que sa mère, du nourrisson que celle-ci était venu prendre à l'hospice des Enfants-Trouvés. Le fils Hauwaert fut examiné à son tour et on reconnut chez lui un vaste chancre induré à la gorge et une perforation du palais, suite d'un ulcère rongeant. Toute la famille Derauw fut traitée, à l'hôpital Saint-Pierre, par les soins du docteur Seutin. Peut-on trouver des preuves de contagion des phénomènes secondaires mieux établies, plus caractéristiques, que celles résultant de cette série de faits, dont la source et la filiation sont si clairement indiquées? Un enfant de la patrie, syphilisé constitutionnellement comme on en trouve beaucoup dans les hospices d'enfants trouvés, où le libertinage vient se débarrasser de ses fruits impurs; un enfant vérolé va d'abord infecter la nourrice campagnarde à qui on le confie; de celle-ci l'infection se propage au fils, lequel la répand dans toute la commune; les femmes, les enfants, les sœurs, les maris sont tour à tour infectés, et ignorent la cause du mal qui les ronge, jusqu'à ce qu'un praticien expérimenté en constate la nature et oppose une digue au torrent envahisseur de la syphilis. Et lorsqu'il examine le jeune garçon, âgé de 10 ou 12 ans, propagateur de cette funeste maladie, quels sont les symptômes qu'il constate?... Des chaneres indurés à la gorge, une perforation du palais!... Sont-ce là des symptômes primitifs, ou bien élèvera-t-on des doutes sur le diagnostic du praticien éminent qui les a constatés? S'il fallait consulter les annales de la science, les écrits de plusieurs auteurs compétents et dignes de foi, les exemples de contagion des symptômes secondaires se multiplieraient dans ce rapport, et vous-même, Messieurs, trouveriez dans vos observations pratiques des faits nombreux à ajouter à tous ceux que la science possède déjà. Mais à quoi bon, Messieurs, chercher à désillusionner des hommes qui se sont laborieusement ingéniés à établir des lois auxquelles ils prétendent soumettre la nature, à construire un brillant édifice, sorte de palais de cristal comme disait le professeur Velpeau, mais dont I'harmonie pèche par la présence de quelques matériaux disparates. La nature dans ses libres allures se dérobe aux exigences des théoriciens, et se montre aux observateurs attentifs et sévères, dans son véritable état. Les novateurs cherchent à renfermer dans leur doctrine tons les faits généraux d'un art, mais eette généralisation les égare souvent e leur fait fermer les yeux sur les faits contradictoires qui viennent détruire leurs principes. Aussi ne pourrait-on pas dire de certain syphiliographe moderne (homme du reste, d'un grand mérite), ce que Babington, l'annotateur de Hunter, dit de cet auteur dans la préface de son Traité de la syphilis: « On peut même se deman▸ der si son penchant naturel pour les › généralisations ne l'a pas quelquefois › égaré, et si, dans son désir de déterminer » une loi générale, il n'a pas quelquefois > perdu de vue l'ensemble des faits con»nus, et laissé cette loi plus incertaine > encore qu'auparavant. > Concluons donc de tout ceci, qu'il est téméraire de refuser aux accidents secondaires de la vérole, la contagiosité dont chaque jour nous fournit des preuves, et qu'il ne suffit pas de chercher à les éluder par des arguments captieux, pour maintenir intacte une nouvelle doctrine; mais qu'il est préférable pour le médecin d'avouer les faits authentiques, et de reconnaître que la nature se dérobe souvent à ses théories. Et en ce qui regarde le travail que vous a adressé notre honorable correspondant, M. Putegnat de Lunéville, dont les observations sont concluantes et les idées rationnelles et justes, nous vous proposons, Messieurs, de lui adresser des remerciments, et de publier son travail dans le Journal de la Société. M. MARTIN propose la remise de la discussion à la prochaine séance. M. DIEUDONNÉ. M. Crocq a préparé une réfutation du rapport de M. Joly; il serait juste de lui en permettre la lecture, afiu qu'elle puisse entrer dans la discussion qui aura lieu à la prochaine séance. M. JOLY lit les notes suivantes annexées à son rapport par M. Crocq; Je démontrerai à la séance: 1o Que les observations de M. Putegnat ne sont pas suffisantes pour prouver la contagiosité des accidents secondaires; 2o Que celles de M. Joly ne prouvent que la contagiosité de l'accident primitif, du chancre; 3o Que les accidents secondaires ne sont pas inoculables. M. HENRIETTE. J'ai dans mon service un enfant qui pour moi et pour tous les praticiens qui l'ont vu, est atteint de syphilis secondaire; il a une éruption qui lui couvre tout le corps, de nombreux abcès, et une ulcération à la lèvre inférieure; sa nourrice est parfaitement saine. Je demande que la Société désigne deux commissaires pour venir constater ce fait. M. LE PRÉSIDENT. Cette tâche peut être remplie par la commission chargée d'examiner le mémoire de M. Putegnat, et composée de MM. Bougard, Crocq et Joly. M. CROCQ. La question de la contagiosité des accidents secondaires est l'une des plus importantes à la fois pour la pratique et pour la doctrinedes maladies syphilitiques. Je ne puis donc trop approuver notre honorable correspondant, M. Putegnat, de s'être occupé de cette question et d'avoir cherché à l'élucider. Ce que je loue surtout chez lui, c'est sa bonne foi scientifique, son éloignement de toute idée préconçue, l'absence de toute tentative de mettre de côté certains faits contraires à certaines doctrines. Aussi, le titre même de son travail exprime-t-il un doute : Les symptômes secondaires de la syphilis sont-ils contagieux? En cela, Messieurs, M. Putegnat se distingue de ces hommes qui veulent trancher avant d'avoir vu, qui, avant la discussion, avant l'exposé des faits et leur interprétation, nous disent avec assurance: la syphilis est contagieuse. - Pourquoi est-elle contagieuse? Parce qu'elle est la syphilis et que de tout temps elle a été réputée jouir de cette qualité. - Là dessus on vient båtir tout un échafaudage d'histoires de maris devenus un modèle de fidélité conjugale après une jeunesse qui leur a laissé comme souvenir la vérole, de nourrices vertueuses, de nourrissons purs comme la lumière du jour, etc., etc. Pour décider cette importante question, Messieurs, il faut autre chose que tout cela; il faut des faits bien observés et que personne ne puisse récuser; il faut ensuite que le raisonnement vienne éclairer ces faits, indiquer leur nature, leur assigner leur place dans l'ordre pathologique. Il faut une critique sévère qui, appelant tour à tour ou simultanément à son aide l'observation et l'expérimentation, fasse table rase de tout ce qui n'est pas positivement vérifié. Il ne faut pas que l'on puisse dire: Je pense que, je crois que, peut-être, etc.; il faut pouvoir dire: Telle chose est, ou telle chose n'est pas, et rejeter comme insuffisants, incomplets, inutiles, les faits qui ne résistent pas à cette critique. Appliquons ces règles aux observations de M. Putegnat. La première nous présente un exemple incontestable de syphilis constitutionnelle chez un enfant, avec une ulcération à la lèvre inférieure et des tubercules muqueux ulcérés aux fesses et au scrotum.Cet enfant, si profondément infecté, n'a pourtant transmis sa maladie ni à sa nourrice, ni à ses parents. Ce fait ressemble à mille autres, et défie jusque-là la critique la plus sévère. Ici commence le rôle de cette dernière. M. Putegnat se demande inutilement d'où venait cette vérole, il n'en trouve pas la source. Mais dans un passage il dit la mère chlorotique, tandis que plus loin il la représente comme jouissant d'une santé florissante. Si donc je supposais chez elle une cachexie syphilitique, je ne contredirais pas l'auteur plus qu'il ne le fait lui-même. Du reste, si le père et la mère étaient bien réellement sains, force nous est bien d'admettre dans le ménage l'intervention d'un tiers, fût-ce un officier quelconque.-M. Putegnat a beau dire:non est hic locus, il ne m'empêchera pas de penser qu'un bel officier de cavalerie trouve sa place partout, et qu'il n'est nullement dépaysé dans les bras d'une jeune femme. La deuxième observation est relative à l'enfant d'une cantinière, qui, ayant des plaques muqueuses ulcérées autour de la région ano-génitale, donna à sa nourrice un chancre au mamelon accompagné de bubons axillaires. Mais ces plaques muqueuses ulcérées n'étaient-elles pas des chancres? Pourquoi supposer plutôt que c'étaient des accidents secondaires? On le peut avec d'autant moins de raison, que l'accident transmis a été un vrai chancre et non un ulcère secondaire. Quant à la source de ces chancres, le vagin de la mère n'était-il pas là, mine féconde qui les élaborait et les dispensait libéralement à tout ce qui s'en approchait? - Il n'est donc pas nécessaire de recourir à des soldats hypothétiques pour expliquer l'infection. Cette observation est douteuse; elle ne permet pas un diagnostic rigoureux; elle est de nulle valeur pour la solution de la question. une Dans la troisième observation, jeune femme, atteinte d'un vaste chancre induré sur l'amygdale gauche et d'un autre sur le voile du palais, vient consulter M. Putegnat. Notre collègue porte ce diagnostic: chancres, et il en est tellement sûr qu'il les cautérise plusieurs fois. Quinze jours après la première consultation, cette dame mit au monde un enfant qui mourut bientôt. Mais, avant de mourir, ce petit monstre devait laisser de cuisants souvenirs; son court passage sur la terre devait être marqué en traits de feu. Il a infecté les femmes E. J. et F., qui, toutes deux, ont eu des chancres au mamelon, et dont la première cut, en outre, toute la série des accidents constitutionnels. Qu'avait donc cet enfant? M. Putegnat ne l'a pas vu; on lui a seulement dit qu'il était couvert de boutons violacés et qu'il était tout pourri. Allez baser un diagnostic surde semblables données, sur les commérages d'une mère et de quelques voisines! Mais M. Putegnat a reconnu positivement chez la mère des chancres dans la cavité buccale; ne les a-t-elle pas inoculés à son enfant en l'embrassant, et celui-ci n'a-t-il pas transmis ce don funeste aux femmes E. J. et F.? C'est seulement un doute que j'émets, n'ayant pas vu l'enfant plus que M. Putegnat; mais ce doute suffit pour me faire rejeter l'observation comme étant de nulle valeur pour la question de la contagiosité des accidents secondaires de la syphilis. Ainsi, Messieurs, notre honorable correspondant nous a donné une observation bien concluante en faveur de la noncontagiosité des accidents secondaires, et trois autres dans lesquelles le diagnostic n'est pas établi; qui, par conséquent ne peuvent être admises dans la balance. La conclusion rigoureuse de tout cela, c'est qu'il n'a jamais observé la transmission des accidents SECONDAIRES de la syphilis. Voilà, Messieurs, ce que j'ai à dire des observations de M. Putegnat; et je ne sais comment il a pu arriver à en conclure à la contagiosité des phénomènes secondaires de la syphilis. Ce n'est pas là, Messieurs, l'opinion du rapporteur; et ceci vous explique pourquoi je n'ai pas pu mettre mon nom au bas de son rapport. Je me hâte d'ajouter que l'honorable M. Joly ne s'appuie pas uniquement sur les observations de M. Putegnat, mais sur les siennes propres, et sur celles de tous les praticiens qui ont cru à la contagiosité. « Vous-mêmes, › Messieurs, dit-il, vous trouveriez dans > VOS observations pratiques, des faits ▸ nombreux à ajouter à tous ceux que la ▸ science possède déjà. » Vous me permettrez donc de prendre ces faits, de leur appliquer la critique, d'en indiquer la véritable signification, et de chercher à en déduire, après leur avcir assigné leur place, si les accidents secondaires de la syphilis sont ou ne sont pas contagieux. Les faits qu'on nous cite appartiennent nécessairement à deux catégories: ou bien ce sont des observations, ou bien ce sont des expériences. Je commencerai par les observations; et autant qu'il sera en mon pouvoir, je tacherai de ne pas m'égarer dans le dédale qu'elles constituent. Les observations que j'ai à examiner ont surtout été produites par Hunter, Wallace, MM. Velpeau, Lagneau, Cazenave, Vidal, Gibert et Waller; et en dernier licu par notre collègue M. Joly. Je les rangerai en trois classes: 1o transmission de la syphilis parmi les adultes; 2o transmission des nourrissons aux nourrices et réciproquement; 3° transmission des plaques muqueuses. Je vous expliquerai bientôt, Messieurs, pourquoi je mets à part ces dernières, dans une catégorie spéciale. Les faits cités comme exemples de transmission des accidents secondaires parmi les adultes sont rares, tellement rares qu'on les compterait facilement. Ce sont presque toujours des maris libertins, devenus après le mariage des modèles de sagesse et de fidélité, mais ayant malheureusement conservé la syphilis sous la forme secondaire. Ces modèles d'époux donnent généralement à leurs femmes des chancres. Ce sont les auteurs des observations qui le disent, et pourtant ces maris eux-mêmes ne peuvent en avoir, car qui oserait douter de leur vertu? Eh bien! Messieurs, je me permets d'en douter. On reste généralement ce qu'on est; libertin avant le mariage, on le reste après, on le devient seulement quelquefois un peu davantage. Je sais bien que cela ne fait pas le compte des romanciers qui célèbrent la toute-puissance de l'amour, et encore moins de ces dames, dont la vanité est agréablement chatouillée à la pensée d'avoir transformé un homme, par le prestige de leurs charmes et de leur esprit. Malheureusement, Messieurs, il n'en est pas ainsi dans la nature, et trop souvent on ne se contente pas des chancres que l'on a eus avant le mariage; on tient à accroître ces honorables états de services, et à ajouter de nouvelles cicatrices aux anciennes. Dans toutes les observations où l'on accuse un mari d'avoir transmis la syphilis secondaire à sa femme, vous ne trouverez rien qui établisse un diagnostic précis; vous pouvez toujours vous dire : n'est-ce pas un chanere que portait l'individu? Et vous serez d'autant plus disposés à l'admettre, que c'est toujours un chanere que présente la personne infectée, et que presque toujours aussi ce chancre siége aux parties génitales ou à la bouche. D'autres fois, c'est une femme qui, atteinte d'accidents secondaires par suite de fredaines antérieures au mariage, apporte la vérole en cadeau de noces, ou même la donne après que l'union a duré un certain temps. Ici, j'applique le même raisonnement, et je dis: une femme qui a contracté des chancres dans sa jeunesse, restera prédisposée à en contracter de nouveaux plus tard, et tout naturellement elle les communiquera à son mari. Dans aucune de ces observations, le diagnostic n'est établi de façon à permettre d'assurer qu'il n'existait pas de chancre; elles n'ont donc aucune valeur dans la question que nous traitons. Mais un mari a eu dans le temps la vérole, et voilà que tout à coup sa femme contracte un chancre, sans que lui-même en offre de traces. Ces cas sont rares, mais on en cite; et toujours on peut dire que, comme dans la fameuse observation de M. Ricord, il a été contracté entre la poire et le fromage. On peut le croirc |