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quence? Est-ce qu'elle ne m'a point affirmé n'avoir jamais eu d'accidents vénériens? Et d'ailleurs, outre sa moralité, quel est l'homme qui aurait osé ou pu s'oublier, même une pauvre petite fois, avec elle, si décharnée, si repoussante par sa laideur, sa saleté !

Certes, d'après l'impression qu'elle a faite sur moi et le souvenir que je conserve d'ellę, j'ai la persuasion que celui-là, autre que son digne mari, qui aurait pu surmonter de semblables dégoûts, aurait eu, dans ce moment, l'exaltation du sens génital portée au point de produire une aliénation mentale pareille à celle dont parle M. Lallemand, dans son Traité des pertes séminales, tome III, page 502; affection bien rare dans une localité où il y a tant de femmes qui cherchent, jour et nuit, à exciter, pour le satisfaire, l'appétit de ceux-là même qui n'ont pas encore faim.

Conclusion. De cette observation il découle la conclusion suivante: Un enfant, atteint de syphilis constitutionnelle, peut transmettre la vérole à sa nourrice: donc les accidents secondaires syphilitiques sont contagieux.

OBSERVATION 3me. Cette année, une belle jeune femme de la campagne, enceinte de huit mois, et accompagnée de son mari, M. V..., vient me consulter, pour un mal de gorge, qui la fait souffrir depuis longtemps.

Je lui reconnais un vaste chancre induré sur l'amygdale gauche, et un autre sur le voile du palais, qui est tuméfié et d'un rouge cuivreux. Point d'autres symptômes syphilitiques ailleurs.

Après avoir dit, avec un grand sang-froid à l'époux, qu'une verrue, de la grosseur d'une petite tête d'épingle, qu'il porte sur le gland, est la source de la maladie de sa femme, j'enlève cette excroissance avec des ciseaux et cautérise, avec le nitrate d'argent, la petite plaie qui résulte de cette ablation. Je ne sais s'il a eu pleine confiance dans mes paroles; mais, en tous cas, je lis, dans les yeux de sa femme, que je suis compris d'elle, et que j'ai acquis sa reconnais

sance.

Je cautérise les deux chancres de la gorge, puis je conseille des sangsues à l'angle de la mâchoire, des gargarismes émollients, de la tisane de saponaire et des pilules de proto-iodure de mercure.

Trois autres fois encore, à quatre jours de distance, je cautérise les chancres.

L'accouchement à huit mois et demi ayant lieu, la malade suspend ses visites et son traitement pendant une dizaine de jours, puis revient me trouver trois fois.

L'enfant mourut, couvert de boutons violacés, me dit la mère, ou tout pourri, pour me servir de l'expression de plusieurs personnes qui l'ont vu, et des deux femmes J. F..., dont je vais rapporter l'histoire, que je connais depuis de nombreuses années, et qui sont venues ensembles me consulter.

La femme E. J..., âgée de 31 ans, belle, brune, primipare, porte, au mamelon droit, un chancre induré et un engorgement glandulaire dans l'aisselle du même côté. Sa poitrine, son cou, son dos et ses membres présentent de nombreuses pustules de syphilis lenticulaires. Elle accuse des douleurs ostéocopes dans les épaules.

Je cautérise le chancre, et je conseille de la tisane de saponaire et le sirop de Larrey, additionné.

Trouvant son mari propre, et sur elle aucune autre trace de syphilis que celles indiquées, je l'interroge sur l'origine de son mal, que je ne nomme pas, mais qu'elle soupçonne, et en obtiens les renseignements suivants :

Un jour, quarante-huit heures environ après avoir sevré mon enfant, me ditelle, je donne à boire à la prière de Mme V..., à son enfant, et le soigne pendant son absence. Au bout de 12 à 15 jours, et il y a cinq semaines de cela, la plaie du mamelon s'est montrée. Après elle, sont venus mes glandes, mes boutons, puis enfin mes douleurs de nuit.

Réflexions. - Voilà une femme propre ainsi que son mari, qui donne à boire à un enfant couvert de boutons, et né d'une mère qui a la vérole. Douze jours après cet acte de complaisance, elle a un chancre, qui, négligé, entraîne l'infection générale.

Conclusion. Quelle conséquence peut-on déduire de ce fait, si ce n'est la suivante: Un nourrisson, atteint de la vérole héréditaire, a donné la syphilis à cette femme: donc les accidents secondaires vénériens sont contagieux..

OBSERVATION 4. - La femme F., âgée de 29 ans, primipare, belle-sœur de la précédente, porte un vaste chancre induré au mamelon gauche, et, du même côté, un engorgement glandulaire dans le creux de l'aisselle.

Traitement. Cautérisation du chancre, tisane de saponaire et pilules de proto-iodure de mercure.

Je dois dire que son mari n'a aucune trace de vérole et que son enfant, qu'elle a encore allaité depuis l'apparition du chancre, n'offre pas un seul symptôme syphilitique.

Soigneusement interrogée sur l'origine de son mal, voici les renseignements qu'elle me fournit : J'ai donné à boire, plusieurs fois, dans la même semaine, à l'enfant V., tout en allaitant le mien. Quinze jours environ après, une plaie au sein s'est montrée, et croyant à une gerçure ordinaire, j'ai continué à donner à mon enfant, jusqu'à ce que la douleur y eût mis obstacle.

Réflexions. - Dans cette observation, comme dans la précédente, il s'agit d'une jeune femme propre, dont le mari n'a aucune trace de syphilis et dont l'enfant est tout à fait sain, laquelle a un chancre à un mamelon peu de temps après avoir, obligeamment, donné le sein à un enfant atteint de vérole héréditaire.

Conclusions. - De cette observation, on peut tirer deux conclusions qui semblent être opposées. Les voici :

1o Les accidents secondaires de la syphilis sont contagieux. En effet, un enfant, né d'une mère vérolée et porteur d'accidents secondaires, a donné, par la contagion, sa maladie à sa nourrice accidentelle.

2o La nourrice n'a point transmis la maladie à son enfant, bien qu'elle lui ait donné à boire plusieurs fois depuis l'apparition de son chancre induré. Si, maintenant, je viens à jeter un coup d'œil en arrière et à déduire les conséquences qui découlent des observations que j'ai rapportées, et prises séparément, j'arrive à celles-ci :

Tantôt les accidents secondaires syphilitiques sont contagieux; tantôt ils ne le sont pas: d'où il suit que c'est s'écarter du vrai, quand on adopte exclusivement une des deux propositions suivantes :

Les accidents syphilitiques secondaires sont toujours contagieux.
Les accidents secondaires ne sont pas contagieux.

En pathologie, l'absolue identité de condition ne peut exister, à cause de la diversité des organes et des influences; et, en dehors de la loi générale, il ya toujours des exceptions. La contagion n'est point une chose absolue, infaillible et inévitable, et tout individu n'est pas propre à être contaminé (PUTEGNAT, Nature et contagion de la fièvre typhoïde; ouvrage couronné par les Sociétés de médecine de Bordeaux et des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles).

Bien des personnes traversent sans accidents des épidémies de typhus, de scarlatine, etc., et s'exposent impunément à gagner ces maladies; et cela en vertu d'une idiosyncrasie spéciale (Répertoire des sciences médicales, t. XXIX, p. 851).

Écoutons le professeur Caizergues : La contagion, dit-il, peut manquer dans les maladies qui sont le plus souvent contagieuses (Mémoire sur la contagion de la fièvre jaune).

Pour qu'une matière contagieuse, quelle que soit sa nature, se mette en jeu, il faut une cause déterminante, sans laquelle son action ne peut avoir lieu (SCHNURRER, Matériaux pour servir à une doctrine générale sur les épidémies et la contagion; traduction de Gasc, No 68).

Si l'on se représente, dit M. Requin, la contagion comme quelque chose d'absolu et d'infaillible, on ne pourra la saisir nulle part (Encyclopédie nouvelle, page 22).

Si donc, à l'aide des faits que j'ai rapportés et des citations que je viens d'emprunter, je devais me prononcer sur la question suivante, qui est le titre de ce travail : Les accidents secondaires de la syphilis sont-ils contagieux? je serais tenu de répondre affirmativement, ou mieux, de dire: de même qu'il se rencontre des individus qui ne contractent pas la gale, la vérole, le vaccin, la scarlatine et le typhus, maladies essentiellement contagieuses, de même aussi il y a des personnes sur lesquelles le principe contagieux des accidents secondaires de la syphilis n'a pas de prise, et j'aurais grand soin d'appuyer cette conclusion de l'opinion de M. Miquel (de Tours), émise en ces termes: Que prouvent les observations de non-contamination, sinon qu'un contact n'est pas toujours suivi d'effet et qu'il y a des conditions d'éclosion? Un jardinier voit-il toutes ses graines lever, toutes ses boutures prospérer (1)?

(1) Voir plus loin (Académies et Sociétés savantes) le Rapport sur ce travail.

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INFLUENCE DE LA VACCINATION AU DÉBUT DE LA VARIOLE SUR LA MARCHE DE CETTE MALADIE; par M. le docteur SCHUERMANS, médecin des pauvres de la paroisse de Bon-Secours, à Bruxelles.

On rencontre les lignes suivantes dans Rilliet et Barthez: « Ces remarques conduisent sans doute à conclure qu'il ne faut pas vacciner des enfants jeunes et chétifs qui ont déjà passé quelque temps dans un foyer d'infection variolique; il semblerait qu'il est préférable de les enlever d'abord du milieu du foyer et d'attendre le développement normal de la maladie; on ne vaccinerait ensuite que dans le cas où, après une attente suffisante, la variole ne se serait point déclarée. Cette idée est entièrement confirmée par ce que nous a dit une des sœurs attachées au service de l'hôpital. Elle avait remarqué en effet que les enfants vaccinés, après quelques jours de séjour dans les salles, revenaient le plus souvent au bout de peu de temps avec une variole très-grave. »

Les auteurs cités rapportent à l'appui de ces paroles sept observations d'enfants vaccinés avant l'éruption de la variole; six malades ont succombé. Elle s'est déclarée quelquefois onze, douze et vingt jours après la vaccine qui était croûteuse. Malheureusement ils ne disent point si la vaccination avait réussi, ils se contentent de mentionner seulement qu'elle était croûteuse le 10 jour; mais enfin les pustules avaient-elles les caractères requis, oui ou non? Leur déclaration est vague; si leur opinion était vraie on oserait à peine vacciner dans un temps d'épidémie. En effet, comment s'assurer qu'un enfant non vacciné n'est point sous l'influence du contagium variolique? Et la vaccine alors ne feraitelle pas plus de mal que de bien, en changeant une variole normale en une variole anormale, comme le prétendent ces auteurs. Heureusement les faits ne laissent rien debout de cette prétention.

Dans la période d'incubation la vaccine est souveraine, elle anéantit le germe de la variole qu'une personne aurait contracté. Les observations parlent haut sur ce point, et tout médecin qui, dans un temps d'épidémie, a propagé les bienfaits de la vaccination, saura en témoigner. Quant à nous, voici ce que nous avons vu. En 1850, la variole régnait dans la rue d'Ophem, huit enfants en sont atteints, deux succombent. On se hâte de vacciner trente enfants qui ne l'étaient pas encore. La variole disparaît de cette localité et aucun des vaccinés ne présenta le moindre symptôme, même de la varioloïde. Il est plus que probable que quelques-uns de ces enfants étaient sous l'influence du contagium variolique, car des frères de ceux qui avaient la variole et dont ils partageaient le coucher ont été vaccinés.

Cette année la petite-vérole est revenue visiter la classe indigente dans l'impasse Madrille. Un enfant de 6 ans est atteint de varioloïde; sa sœur, âgée de 2 ans, non vaccinée, couche dans la même chambre, dans le même lit; vaccinée, elle est exempte de toute affection.

Dans l'impasse de la Ferraille, No 6, un enfant de 11 mois est atteint de variole; dans la chambre nous rencontrons deux enfants non vaccinés; pendant que nous les vaccinons on nous apporte un autre également non vacciné. La vaccination réussit et aucun ne fut malade. Cependant ils étaient sous l'influence du contagium variolique, car les mères visitaient plusieurs fois le jour le petit malade, ayant leur nourrisson sur le bras; ce fait n'étonnera point ceux qui connaissent l'insouciance de la classe ouvrière. Il en fut de même dans les rues de la Caserne, du Châssis, des Chats, des Potiers, du Vautour, au Dom, etc., partout enfin où la variole se manifestait. Sur quatre cents enfants que nous avons vaccinés dans ces circonstances, nous avons vu quatre fois une varicelle se produire le 8e et le 9e jour de la vaccine. Ainsi, il est bien établi que la vaccination pratiquée dans la période d'incubation de la variole, arrête toute manifestation ultérieure de cette dernière.

Dans la période d'invasion cette bienfaisante opération modifie la variole, et la convertit en varioloïde.

Plusieurs faits consolident cette proposition. Porte-Haute, un enfant ayant été en contact avec un malade atteint de variole dont il mourut, présente les symptômes suivants : fièvre vive, accablement extrême, vomissements, constipation, etc.; il est vacciné. Deux jours après la vaccination, des papules apparaissent, d'abord à la face, puis sur les membres, le tronc; le troisième et le quatrième jour, pustules petites, ombiliquées. Le huitième jour, les pustules se dessèchent et tombent rapidement; l'enfant joue le neuvième jour. La vaccine présentait des pustules ombiliquées, seulement elles étaient plus pâles que d'ordinaire.

Dans la rue de la Caserne, au No 6, un enfant vacciné dans les mêmes circonstances, n'a présenté de même que des symptômes de varioloïde. Pas de fièvre secondaire.

Rue du Vautour, au No 19. Même fait.
Rue du Châssis, au No 16. Même fait.

Rue des Chats, au No 29. Un enfant de six semaines, depuis plusieurs jours couchait dans une chambre où se trouvait un varioleux. A notre visite, il a de la fièvre, des vomissements, de la constipation et de l'assoupissement. Vacciné aussitôt, il n'a été atteint que de varioloïde dont il s'est parfaitement rétabli.

Période d'éruption. - Nous avons vacciné plusieurs enfants, le premier et le second jour de cette période, alors qu'il n'existait encore que des papules. Au No 29, rue des Chats, pas de réussite, mais guérison. Rue de la Verdure, au No 28, réussite, guérison. Porte-Haute, pas de réussite, guérison. L'observation de M. Legendre corrobore ces faits. Il dit : « La vaccination ayant été recommandée par Eickhorn pendant les prodromes, et même pendant le premier jour de l'éruption variolique, comme un moyen de diminuer l'intensité de la fièvre épurative, je vaccinai 10 enfants de 11 à 13 ans, mais en ne leur faisant que huit piqûres sur chaque bras, et n'ayant pu employer le plus souvent que du vaccin desséché, au lieu du vaccin frais, comme le conseille Eickhorn.

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