résultent directement de son application, permet de la réaliser. Fera-t-on done à M. Seutin un si grand mérite de la déambulation, tandis qu'il n'aurait rien à réclamer pour l'invention de l'appareil qui en est la raison d'être première? Ce serait le cas de dire que l'effet serait supérieur à la cause. Si M. Burggraeve loue sans réserve la déambulation, il n'en agit pas de même à l'égard des deux autres innovations qui, selon lui, appartiennent à M. Seutin, le compressimètre et l'amovo-inamovibilité. Celles-ci sont le résultat de l'imperfection de ses appareils. S'il faut un compressimètre, c'est que le bandage peut exercer une constriction nuisible; mais est-ce là son fait, ou celui de l'opérateur? Ce qui semblerait prouver cette dernière supposition, c'est que quand on est très-habitué à appliquer l'appareil, et qu'on le confectionne avec soin, on peut parfaitement s'en passer. Je ne m'en sers jamais, et jamais je n'ai eu d'accidents à déplorer. S'il faut inciser le bandage et le rendre amovo-inamovible, c'est encore une fois, selon M. Burggraeve, parce que l'on n'ose pas s'y fier. C'est une conséquence de la possibilité de la constriction. C'est du reste une imperfection : « Il est certain, dit-il, que le chirurgien belge a dû se départir du principe fondamental qui préside au traitement des solutions de continuité ou de conti D › guïté, l'inamovibilité. Sans doute, dans l'espèce, c'est un bien, mais ce bien n'existe qu'en vue de la possibilité du mal. » IV. D M. Burggraeve veut restituer l'inamovibilité dans le plus grand nombre des cas, comme méthode générale; il veut par conséquent supprimer la section. Mais cela est-il possible? L'appareil étant appliqué au moment de l'accident, ou dans des affections avec gonflement, comme les tumeurs blanches et le phlegmon diffus, il arrive bientôt que le membre diminue de volume. Il n'y a donc plus compression, il n'y a plus même contention exacte, et l'on peut en venir à ce point où, comme le disait M. Phillips, en employant une locution sans doute hyperbolique, le membre joue dans l'appareil comme un pilon dans un mortier. Dans ces conditions, que faut-il faire? Inciser l'appareil et le resserrer. A cette condition seulement on peut l'appliquer dans tous les cas, dans les fractures et les luxations compliquées de gonflement considérable, et permettre la déambulation depuis le commencement jusqu'à la fin du traitement. Lors même que le gonflement n'existe pas, il arrive généralement qu'au bout d'un certain temps le membre s'amincit, s'atrophie par le repos, la compression et l'absence du contact de l'air. Encore une fois, dans ces cas, il faut inciser et resserrer, à moins qu'on ne préfère enlever l'appareil pour le réappliquer. Enfin, lorsqu'il s'agit de fractures ou de luxations compliquées, de tumeurs blanches, de phlegmons diffus, de plaies graves, d'ulcères étendus, etc., des ac cidents peuvent survenir, quels que soient les soins dont on les entoure. M. Burggraeve dit, il est vrai: « L'un des avantages de l'appareil inamovible, tel que l'emploient les peuples primitifs, c'est de ne devoir être ouvert, même > quand il y a des plaies, ces dernières guérissant d'elles-mêmes par mode › plastique. Ce résultat est dù à l'exclusion de l'air. Une plaie qu'on peut abri ter contre cet agent ne suppure point, même quand elle n'est pas réunie par › première intention. » Ceci est très-beau, mais je crains fort que cela n'existe que sur le papier; est-il beaucoup de praticiens qui, sur la foi de l'affirmation de M. Burggraeve, oseraient appliquer l'appareil immédiatement, et le laisser six semaines sans plus y regarder? Non, nous savons tous que l'on risquerait de trouver le membre creusé par des clapiers qui auraient disséqué les muscles, isolé et nécrosé les os, et produit des désordres irréparables, en supposant toutefois que le malade n'y ait déjà succombé. Ces plaies ont nécessairement été en contact avec l'air; M. Burggraeve ne saurait pas l'empêcher, et dès lors, elles ne sont plus identiques aux plaies sous-cutanées, comme il paraît le croire. Elles le sont d'autant moins que ces dernières sont faites méthodiquement, au moyen d'instruments tranchants, que ce sont en un mot des sections, tandis que les plaies qui accompagnent les fractures, sont des plaies contuses. Or, tous les chirurgiens ont vu de simples contusions, vraies plaies contuses sous-cutanées, passer à la suppuration; cela devra arriver bien plus souvent lorsqu'il y a eu contact de l'air, comme dans les cas dont il est ici question. Le plus souvent elles suppureront, et alors le pus pourra fuser dans les vacuoles du tissu cellulaire aussi bien que se porter audehors. La section de l'appareil a lieu, non pas seulement pour permettre, comme semble le dire M. Burggraeve, d'obvier à une constriction qui peut ne pas exis ter, qui n'existera pas si l'on sait bien appliquer le bandage. Elle a lieu aussi et principalement pour resserrer l'appareil au besoin, et pour inspecter les parties malades. Il croit que, de cette façon, nous favorisons le contact et l'entrée de l'air. Il ne sait donc pas que nous recouvrons les plaies d'une pièce d'emplâtre agglutinatif, ou de bandelettes maintenues par le collodion, et qu'elles sont par là mieux protégées contre le contact de l'air que par l'inamovibilité de l'appareil. Lorsqu'elles suppurent, on s'en aperçoit, et l'on donne issue au pus. M. Burggraeve, avec son inamovibilité, n'en sait rien, et le pus se porte vers les endroits où il trouve le moins de résistance, c'est-à-dire le long des interstices musculaires et des gaînes des tendons; il donne lieu à des clapiers, à des fusées, à des décollements qui peuvent entraîner la mort du malade. Voilà où l'inamovibilité conduira le plus souvent, où elle conduira toujours, à l'exception du cas où le pus est versé entre l'appareil et le membre. Cette circonstance ne peut exister que s'il y a là un vide, c'est-à-dire si le bandage n'est pas bien exactement contentif. Ainsi, contention incomplète ou fusées purulentes, et souvent les deux choses à la fois, voilà les chances auxquelles expose l'inamovibilité; en l'employant, on joue la vie du malade à pile ou face. L'amovo-inamovibilité, permettant de resserrer l'appareil et de surveiller le travail pathologique, constitue un véritable progrès, et la restitution de l'inamovibilité est un pas fait en arrière, un progrès à reculons. L'amovo-inamovibilité offre-t-elle des inconvénients ? En voici un que M. Burggraeve lui reproche: « Il est certain qu'ici le chirurgien belge a dû se > départir du principe fondamental qui préside au traitement des solutions de > continuité ou de contiguïté, l'inamovibilité. Le professeur de Gand commet une pétition de principes: le principe fondamental qui préside au traitement, c'est l'immobilité de l'organe malade, et pas du tout de l'inamovibilité; l'inamovibilité n'est qu'un moyen de réaliser l'immobilité, et tous les moyens qui la réaliseront seront conformes au principe. Or, l'amovo-inamovibilité la réalise au moins aussi bien; car, lorsqu'on visite le membre, on peut, en suivant stric tement les préceptes posés par M. Scutin, ne pas lui imprimer le moindre mou vement, la moindre secousse; en supposant le contraire, M. Burggraeve la con fond avec l'amovibilité, il prouve qu'il ne l'a pas comprise. J'ai dit qu'elle réa lisait au moins aussi bien l'immobilité; j'aurais dû dire qu'elle la réalisait mieux, puisqu'elle permet de resserrer l'appareil aussi souvent qu'on le juge convenable. Un autre inconvénient, c'est que l'amovo-inamovibilité engage à inspecter les plaies. Pour M. Burggraeve, c'est un défaut, parce qu'on donne accès à l'air; pour moi, c'est un avantage, parce que les emplâtres agglutinatifs et le collo dion empêchent l'air de pénétrer. Les adversaires de la méthode de M. Seutin lui ont maintes fois reproché de ne pas permettre d'inspecter le membre, de s'assurer de son état, et de diriger le traitement en conséquence; ils lui ont reproché d'agir en aveugle, Ces accusations tombent à faux devant l'amovo-inamovibilité, et prouvent seulement que leurs auteurs ne la connaissent pas. Mais ils reprennent toute leur force en présence de l'inamovibilité, restituée par M. Burg graeve. Ce serait une, témérité de soustraire ainsi aux regards un membre atteint de fracture avec plaie ou forte contusion, de tumeur blanche passée à la suppuration ou menaçant d'y passer, d'érysipèle phlegmoneux, etc. Si le ban dage amidonné était inamovible, je le repousserais dans ces cas; si je ne le repousse pas, si je l'applique avec confiance et succès, c'est grâce à l'amovo inamovibilité. Si nous ouvrons l'appareil, ce n'est pas par crainte d'une constric tion dont nous n'avons pas peur, c'est pour pouvoir inspecter le membre et diriger le traitement d'après son état. M. Burggraeve ne trouve pas cela néces saire; mais il a soin de ne pas indiquer les résultats de sa pratique, de ne pas nous dire combien de malades guérissent, combien vont à l'amphithéâtre, et dans" quelles circonstances ils y vont. Ce sont pourtant là des points que l'on devrait connaître pour pouvoir apprécier pleinement la restitution de l'inamovibilité. VI. 1 M. Burggraeve supprime la bande roulée et le compressimètre. La première est pourtant très-utile pour diriger et régulariser la compression. Cependant, dans les cas de fractures avec déplacement facile et opiniatre, surtout si elles sont compliquées, M. Seutin a de tout temps appliqué directement sur le membre les attelles, garnies de compresses, de coussinets ou de gâteaux d'quate; la bande roulée ne vient qu'ensuite. Il met même toujours d'emblée l'attellc postérieure dans les fractures obliques de la cuisse et dans celles du col du fémur. M. Burggraeve n'a donc pas dû faire de grands frais d'imagination pour supprimer la première bande roulée, puisque M. Seutin le faisait déjà. Quant au compressimètre, j'ai dit qu'on pouvait l'omettre, et qu'on l'avait omis avant M. Burggraeve. VII. Le troisième des changements qui constituent la méthode de M. Burggraeve, est l'application directe de l'ouate. C'est cette application qui permet de restituer l'inamovibilité. C'est elle qui permet de supprimer le compressimètre. C'est pour n'avoir pas connu l'ouate que M. Seutin a créé une méthode si imparfaite, si éloignée des vrais principes de l'art, et qu'il a laissé à M. Burggraeve l'honneur de l'invention d'une méthode plus parfaite! C'est donc l'application de l'ouate qui constitue « le nouveau système de déligation que ► M. Burggraeve est venu proposer à l'Académie. » Quelle est l'action de l'ouate? « L'ouate, dit le professeur de Gand, employée › en couches suffisamment épaisses, s'adapte exactement à tous les contours du ➤ membre, et, par son élasticité, le suit dans son retrait; de sorte que quel que soit le gonflement primitif et le dégonflement qui y succède, il ne se forme ➤ jamais de vide qui force d'inciser la coque soit pour diminuer les valves, soit » pour les faire chevaucher. De plus, l'ouate répartit la compression, de façon que celle-ci n'est nulle part ni trop forte, ni trop faible. Voyons ce qu'il y a de vrai dans tout cela. L'ouate est composée d'une foule de vacuoles pleines d'air, et constitue un feutrage imperméable aux liquides et aux gaz, si ce n'est à la longue. Lorsqu'on la comprime, une partie de l'air est expulsée, une autre partie, retenue dans les vacuoles, est comprimée, et reprend son volume primitif dès que la compression cesse. Telle est la source de la compressibilité et de l'élasticité de l'ouate. L'élasticité ne va jamais au point de faire reprendre à la substance tout son volume, une partie de l'air ayant été expulsée. Cette perte atteint le tiers ou le quart du volume de l'ouate. Cela bien compris, on conçoit de suite l'action de l'ouate et la valeur des assertions de M. Burggraeve. L'air comprimé tendant à se débander, réagit à la fois contre le membre, et contre les parois de l'appareil. Supposons que l'on applique la bande en serrant également partout: si la couche d'ouate est plus épaisse en un point, la compression y sera moins forte. Supposons au contraire, que l'on comprime inégalement, la couche d'ouate étant égale; là où l'on exercera une compression double, l'air sera réduit à un volume moitié moindre, et le membre sera comprimé d'une quantité double. Cependant, M. Burggraeve prétend qu'il n'est jamais, ni trop ni trop peu serré, et que la compression est égale partout. Il n'y a qu'un seul moyen de comprendre ces assertions, c'est de supposer qu'il n'y a pas de compression du tout. En effet, l'ouate doit être appliquée en couches suffisamment épaisses; or, j'ai démontré, dans mon ouvrage Sur le traitement des fractures, que la compression est partout en raison inverse de l'épaisseur des parties molles, et en raison inverse des sphères ou des cylindres auxquels appartiennent les portions de surface que l'on considère. D'autre part, plus la couche d'ouate est épaisse, plus la masse d'air à comprimer est considérable, et par conséquent, moins elle sera comprimée par la force qui applique la bande. Réunissez ces trois données, joignez-y celle de la force élastique de l'air comprimé, et vous trouverez que la compression devient illusoire dans le bandage ouaté à couches suffisamment épaisses. M. Burggraeve lui-même l'a reconnu dans un mémoire publié dans les Annales de la société de médecine de Gand, en 1850: L'ouate, dit-il, « permet d'exercer › une grande compression sans intéresser les parties molles. » Sur quoi done porte cette compression? Le bandage ouaté n'oppose aucun obstacle au déplacement des fragments. Comment l'ouate pourrait-elle jouer ce rôle, alors que les parties molles du corps, bien plus résistantes, n'y suffisent pas ? De la discussion qui précède, il résulte: 1o que le bandage ouaté n'est nullement un appareil compressif, 2o que la contention exercée par lui est insuffisante, et que l'immobilité qu'il détermine est imparfaite, beaucoup moins complète que celle produite par le bandage amidonné ordinaire. Ces faits sont depuis longtemps consacrés par la pratique. De tout temps, nous avons vu M. Seutin garnir de coussinets ou de gâteaux d'ouate et d'étoupe les saillies osseuses et tendineuses, et les parties très-douloureuses, afin d'amortir la compression. Nous l'avons vu au contraire appliquer immédiatement des tours de bandes multipliés, renforcés quelquefois encore par des compresses graduées et des plaques en carton, sur les parties où il voulait exercer une contention énergique ou une forte compression. " Après avoir vu ces faits, tout le monde reste convaincu que l'ouate ne fait qu'amortir, anéantir la compression, et empêcher l'action fâcheuse des plis et des bords des bandes sur une peau fine, délicate et sensible. C'est d'après ces données que nous l'employons toujours, selon les préceptes posés-depuis longtemps par M. Seutin. Ce sont elles qui nous ont indiqué d'aplatir l'ouate avant de l'employer, afin que toute action compressive ne fût pas anéantie.... Quels sont donc les avantages de l'application de l'ouate? Le dégon> flement, dit M. Burggraeve, n'amène jamais la formation d'un vide qui force d'inciser la coque pour la resserrer. » Cela n'est pas tout à fait exact; mais supposons-le un moment; la compression et la contention étant illusoires, on est toujours dans les mêmes conditions que s'il y avait un vide; le vide, ne doit pas se former, il préexiste dans ces épaisses couches d'ouate. Du reste, indépendamment de cela, il se forme un vide. Prenez un gâteau d'ouate longtemps appliqué sur un membre, et vous le verrez aplati, devenu moins volumineux, plus dense, et doué de peu d'élasticité; il est probable que l'air qu'il contenait a été petit à petit, soit expulsé, soit absorbé par la peau. < Un autre avantage de l'ouate, dit M. Burggraeve, c'est son effet sédatif. > Cette action est connue depuis longtemps. Elle calme les douleurs et fait ces |