prochaine. Je ne partageai point le diagnostic de ce médecin. Toutefois, avant de rien entreprendre, je fus bien aise d'avoir l'avis de mon savant ét estimable confrère, M. le docteur Ernest Lefèvre, de Mont-Didier, et je le fis appeler en consultation. Le 14 février 1848, à notre visite, mon confrère partageant entièrement ma manière de voir, il fut convenu que le cathétérisme de l'œsophage serait pratiqué, que des aliments liquides seraient injectés dans l'estomac au moyen de la sonde, à l'aide d'une seringue, et que trois fois le jour, des lavements nutritifs seraient administrés. Une sonde en gomme élastique, d'un petit calibre et imprégnée d'huile d'olives, pénétra très-facilement dans l'œsophage, jusqu'à quatre travers de doigts environ du cardia. Arrivé à cet endroit, l'instrument dût être poussé avec une certaine force pour vaincre la coarctation et pénétrer dans l'estomac. Après 15 à 20 secondes cet instrument fut retiré, et il s'écoula par la bouche une grande quantité de fluides muqueux gluants, trèstenaces; ce qui, du reste, avait lieu toutes les fois que quelque chose était ingéré. Après avoir laissé reposer un instant la malade, une canule un peu plus volumineuse fut introduite avec assez de facilité jusqu'à l'obstacle, et elle le franchit, comme l'avait fait l'autre, avec un peu de force. On profita de la présence de cet instrument pour faire pénétrer dans l'estomac une certaine quantité d'un fort consommé. La sonde fut retirée, et la pauvre malade témoigna la plus grande satisfaction en voyant le liquide alimentaire rester dans son estomac. Le lendemain, nouvelle séance: trois introductions de sonde, et une ingestion de consommé. Le 16, cathétérisme réitéré trois fois avec la sonde, et pratiqué une fois avec une baleine garnie d'une petite éponge, cette éponge, préalablement trempée dans de la glaire d'œuf. L'éponge franchit l'obstacle plus difficilement que ne l'avait fait la sonde, et quelques mouvements de va-etvient, que je cherchai à lui faire exécuter dans le détroit, ne furent point opérés sans une certaine difficulté. Après quelques instants de repos, Mme P***, à son extrême satisfaction, comme à la nôtre, put avaler un bouillon, à l'aide d'un chalumeau; et ce liquide nutritif ne fut pas rejeté. Cette pauvre femme s'était imaginé qu'il allait continuer d'en être ainsi; mais quelques heures après, le bouillon qu'elle voulait prendre ne franchit plus l'obstacle, il fut expulsé par le mouvement ruminatoire, tout comme auparavant. Le 17, deux introductions de la sonde, et deux introductions de l'éponge, avec mouvements de va-et-vient; et ces instruments furent laissés le plus longtemps possible dans l'obstacle; ce que, du reste, on ne manquait pas de faire toutes les fois. Du bouillon, dans lequel on avait ajouté de la mie de pain réduite en bouillie par une longue ébullition, et le tout passé à travers un linge, put être avalé sans le secours du chalumeau. La même ingestion fut répétée plusieurs fois dans le courant de la journée, et toujours avec un même succès. Le lendemain, semblables résultats. A dater de ce moment, le cathétérisme avec des sondes et des éponges, de plus en plus volumineuses, ainsi qu'on l'avait fait jusque-là, ne fut plus répété que de deux jours l'un, puis, après trois; puis, après quatre; puis, après cinq jours d'intervalle. Le 3 du mois de mai suivant, la malade, dont l'embonpoint ordinaire était à peu près revenu, avait recouvré assez de force pour faire à pieds deux kilomètres, et venir se faire cathétériser à Rollot. Je crus prudent de continuer encore le cathétérisme de 8 en 8 jours, jusqu'au 7 juillet suivant, époque à laquelle la guérison de cette dysphagie me parut complète. Je ne m'étais point trompé; car aujourd'hui, 10 novembre 1852, cette femme, qui, au docteur Lefèvre, comme à moi, avait paru n'avoir plus que quelques jours à vivre, continue d'ètre en parfaite santé. LES SYMPTÔMES SECONDAIRES DE LA SYPHILIS SONT-ILS CONTAGIEUX? par le docteur PUTEGNAT (de Lunéville), correspondant de l'Académie impériale de médecine de Paris, de l'Académie médico-chirurgicale de Turin, de la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, membre et lauréat de plusieurs autres sociétés médicales, etc. Lorsqu'un sujet, qui intéresse à la fois l'hygiène, la thérapeutique et la médecine légale, est à l'ordre du jour, tout praticien qui a eu l'occasion, sinon de l'approfondir, au moins de l'observer, est tenu de faire connaître ce qu'il a vu, de fournir son tribut scientifique; c'est-à-dire d'apporter, aux ouvriers capables d'élever l'édifice ou d'élucider la question, tous les matériaux qui sont sous sa main, et que ceux-là peuvent utiliser. La discussion sur la syphilisation, qui a eu lieu, il y a quelque temps, à l'Académie de médecine de Paris, en a fait heureusement renaître une seconde, qui, il est vrai, devait avoir lieu, d'un jour à l'autre, ainsi que le pressentaient de nombreux médecins: et n'aurait-elle produit que ce résultat, qu'on devrait encore en remercier ceux qui y ont pris part, en faisant connaître le résultat de leur vaste et savante expérience. Autrefois, et il n'y a pas longtemps de cela, les syphiliographes et les praticiens admettaient, de commun accord, la contagion des accidents secondaires de la vérole; de nos jours encore, cette opinion est celle d'hommes justement haut placés dans la science et de nombreux médecins, bien qu'elle soit combattue, depuis quelques années, avec persévérance, par de nombreux travaux écrits avec esprit, assaisonnés d'historiettes habilement racontées et par des arguments quelquefois heureux, d'autres fois, il faut l'avouer, plus brillants et spécieux que solides. Du côté des contagionistes, et à leur tête, nous voyons MM. Cazenave, Gibert, Lagneau et Velpeau, etc. Leurs adversaires ont pour chef, M. Ricord, disciple de Hunter. Ainsi, de part et d'autre, science, bonne foi et vaste expérience: aussi la lumière ne tardera pas à paraître ou un accord parfait à s'établir entre les deux partis; car les savants que je viens de citer n'ont sans doute pas oublié cette sentence de leur maître : De medecinæ igitur incrementis nunquam bene sperandum, nisi una omnibus inhæreat, et omnes in unam consentiant (BAGLIVUS, Opera omnia, édit. de 1751, liber 1, caput V, S VIII). Bien que l'affaire soit encore pendante, puisque la discussion n'est que suspendue et que, de part et d'autre, on se prépare à une lutte qui sera décisive, cependant, il y a déjà quelque peu de profit pour la science. En effet, le spectateur, désireux de s'instruire, peut voir que les adversaires de la contagion reconnaissent tacitement avoir été trop loin, puisqu'ils ont commencé à faire, bien malgré eux, il est vrai, par l'organe de M. Ricord, quelques concessions aux contagonistes. Ces concessions n'ont point surpris le praticien qui a eu la sagesse de ne s'enróler sous l'une ni l'autre bannière, se rappelant cette phrase de Baglivi: Errant qui putant, se morbos feliciter curaturos, quia doctrinam recte theorizandi adamussim callent (l. c., S VI). Ainsi que je l'ai laissé entrevoir ci-dessus, je ne dois pas, dans ce travail, me prononcer soit pour telle doctrine soit pour telle autre, bien que, dans ma recherche de la vérité, je ne sois point exposé, comme les syphiliographes, à tomber dans l'erreur ou l'exagération par l'amour trop tendre pour un système; mais je viens tout simplement apporter des matériaux, que je ferai suivre de réflexions, lesquelles ne seront probablement point sans quelque utilité aux yeux de mes confrères, qui ont lu dans Baglivus: Ars ex rebus penitus perspectis, planeque cognitis, atque ab opinionis arbitrio se junctis præceptionibus constat (L. 4, c. 1, § VIH). Je divise en deux ordres mes observations, parce que leur nature le veut ainsi. Dans le premier, je démontre la non-contagion des symptômes secondaires de la syphilis, ou mieux, je place les faits qui, à mes yeux, la mettent hors de doute. Dans le second, je donne les observations à l'aide desquelles on doit admettre la transmission, par la contagion, de ces mêmes symptômes. PREMIER ORDRE. Les symptômes secondaires de la syphilis ne sont pas contagieux. OBSERVATION fre. Dans le courant de cette année, je fus appelé, pour la première fois, auprès d'une jeune dame chlorotique, primipare, accouchée heureusement la veille d'un enfant malingre. D'après mon avis, on donna, au nouveau-né, une nourrice, laquelle fut choisie et examinée, en mon absence, par un mien confrère. Pendant les quatre premières semaines, l'enfant vint assez bien; mais dès ce moment il commença à maigrir et à prendre assez difficilement le sein. Vers la sixième semaine, il eut des excoriations aux fesses, contre lesquelles je conseillai des lotions avec de l'eau blanche et de grands soins de propreté. Quinze jours après, nous le trouvâmes, mon confrère et moi, atteint de vérole constitutionnelle. Voici quels symptômes il présentait alors : figure de vieillard; amaigrissement excessif; cris plaintifs et fréquents; faiblesse très-grande, à peine s'il peut prendre le mamelon et pomper le lait; diarrhée; coryza chronique; conjonctive oculaire injectée; légère ulcération sur la lèvre inférieure, non loin de la commissure droite; trois onyxis chroniques; quelques pustules ecthymateuses sur les membres abdominaux et de très-nombreux tubercules muqueux, dont beaucoup ulcérés, aux fesses et sur le scrotum. Sans faire connaître aux parents notre diagnostic, nous voulûmes visiter la nourrice. Celle-ci, dont l'amant est absent depuis des mois, qui couche dans la chambre de sa maitresse, qui ne sort pas, sans être accompagnée de quelqu'un de la maison, fut examinée de haut en bas et de fond en comble, après avoir subi un interrogatoire, d'abord doux, puis menaçant. Elle ne nous offrit aucun symptôme syphilitique, ni aucune trace de vérole ancienne. L'allaitement fut continué, et l'enfant soumis à un traitement mercuriel, consistant en frictions avec l'onguent napolitain (1 gramme par jour), sur les côtés du thorax, et en bains de sublimé (5 grammes par bain), au nombre de deux par semaine, et en quelques bains amylacés. Trois semaines de ce traitement suffirent pour guérir cet enfant, jouissant aujourd'hui (14 octobre 1852), d'une bonne santé, ainsi que sa nourrice, qui a cessé de l'allaiter, la sécrétion laiteuse ayant disparu à la suite d'un vaste abcès au sein droit, causé par un courant d'air frais. Réflexions. L'enfant a eu la vérole constitutionnelle. Qui oserait en douter, puisque non-seulement, les deux docteurs l'ont facilement reconnue; mais encore, puisqu'un traitement antisyphilitique rationnel l'a guérie? Qui donc lui a donné son affection? Est-ce la nourrice? Non, bien certainement, attendu que, lors des deux visites qu'elle a subies, l'une avant l'allaitement, l'autre, lorsqu'on a commencé le traitement mercuriel du nourrisson, elle n'a offert aucune trace de la maladie vénérienne? Est-ce un étranger? Non, puisqu'il n'a été soigné que par les parents et sa nourrice, et qu'il n'y avait à la maison ni amis, ni commis. Il faut donc qu'il ait apporté en naissant le germe de son mal, et cependant, les parents ne m'ont jamais rien accusé, et jouissent d'une santé florissante. Sur ce point, je ne veux pas aller plus loin, et ne dois même pas penser à cette piquante historiette, dont les personnages sont une jeune dame, un vieux mari et un jeune officier, si gracieusement racontée par M. Ricord, dans sa douzième lettre, parce que non est hic locus. Le nouveau-né, bien que fréquemment embrassé par ses parents, n'a point transmis à ceux-ci son mal, et ne l'a point communiqué à sa nourrice. Conclusions. Ne pourrait-on pas, avec quelque raison, tirer de cette curieuse observation, les conclusions suivantes? 1o Des individus en apparence sains, ou qui ne présentent aucune trace de maladie vénérienne, peuvent donner le jour à un enfant qui, quelque temps après sa naissance, offrira les symptômes d'une syphilis constitutionnelle. 2o Les symptômes secondaires de la syphilis ne sont pas contagieux. Celle-là n'est pas en contradiction avec la seconde? Celle-ci confirme la doctrine de M. Ricord (Voir sa treizième lettre sur la syphilis). Et, en effet, mon observation, sous le point de vue de la non-transmission de la maladie de l'enfant à sa nourrice, me semble digne, en tous points, de figurer à la suite de celles que M. Ricord a recueillies: l'une, avec M. le docteur Bassereau; l'autre, avec M. Chailly-Honoré, et qui lui font dire : « Voyez combien il faut de réserve, de prudence, de soin et d'attention, avant d'accepter comme un fait démontré, la contagion des accidents secondaires ! » DEUXIÈME ORDRE. - Les symptômes secondaires de la syphilis sont contagieux. OBSERVATION 2me. - L'an dernier, une femme mariée, nourrice d'un enfant né d'une cantinière, vient me consulter pour une ulcération qui a envahi la partie supérieure et externe du mamelon gauche et causé un engorgement glandulaire, dans le creux de l'aisselle, du même côté. Reconnaissant un beau chancre, je procède à un examen rigoureux du père nourricier, de sa femme, de leur enfant et du nourrisson. Celui-là ne m'offre aucune trace de syphilis ancienne ou récente, et m'affirme n'avoir jamais eu le moindre accident vénérien. Sa femme, examinée d'un bout à l'autre à l'intérieur comme à l'extérieur, ne présente que les accidents que j'ai indiqués, soutient n'avoir jamais eu de symptômes syphilitiques et n'avoir donné le sein qu'à son enfant et au nourrisson qu'elle me présente. Son enfant, qu'elle a sevré pour son nourrisson, est gras, frais et bien por tant. Celui-ci, âgé de onze semaines, est ridé, très-maigre, chétif, atteint de diarrhée, de coryza et couvert, dans les régions ano-génitales, de plaques muqueuses cuivrées et de nombreuses ulcérations; il n'a plus que quelques heures à vivre. La nourrice m'explique que les plaques muqueuses ont apparu aux fesses, alors que l'enfant n'avait que cinq à six semaines, et que c'est seulement depuis quinze jours environ qu'elle a une petite plaie au sein, qu'elle a négligée, croyant avoir affaire à une simple écorchure. Faisant remonter plus haut mes renseignements, j'apprends que la cantinière, il y a dix-huit mois environ, a perdu un tout jeune enfant, couvert de croûtes et de plaies, et que la nourrice de celui-ci a eu aussi une plaie au mamelon et des boutons sur le corps. Réflexions. A mes yeux le nouveau-né que j'ai vu et sa nourrice avaient la vérole. L'enfant en est mort et la nourrice a été guérie par un traitement antivénérien, composé de tisane de salsepareille et de proto-iodure de mercure. Est-ce l'enfant qui a donné la vérole à la nourrice? Est-ce celle-ci qui l'a transmise au nourrisson? Sans tenir compte des antécédents de l'enfant, qui démontrent assez clairement que sa vérole a été héréditaire, on se rappelle qu'elle s'est montrée sur lui avec des symptômes caractéristiques, trois à quatre semaines avant l'apparition du chancre de la nourrice: donc on a tout lieu de croire que c'est l'enfant qui a infecté la nourrice. Mais viendra-t-on peut-être dire: est-ce que la nourrice n'a pas gagné la maladie, de telle sorte qu'elle s'est développée chez elle, en même temps que les accidents de l'affection héréditaire se sont montrés sur le nourrisson ? Est-ce qu'elle ne demeurait pas dans le voisinage d'une vaste caserne habitée ? A ces objections je répondrais: Est-ce que les antécédents de l'enfant peuvent être de nulle valeur? Est-ce que j'ai trouvé sur la nourrice des accidents syphilitiques autres que le chancre du sein et l'engorgement glandulaire, sa consé |