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SSTON MEDIO
DE MEDECINE.

(JANVIER 18531)
TBRAR

1.- MÉMOIRES ET OBSERVATIONS.

MÉMOIRE SUR LES NÉVROSES FÉBRILES; par M. le docteur LaÉGEY, Membre correspondant, à Rambervillers (Vosges).

La fréquence plus grande des hémorrhagies dans ces derniers temps, montre que l'influence, dont j'ai parlé dans mon précédent Mémoire (1), a fait de nouveaux progrès, que le sang est plus souvent altéré dans sa composition, ce que l'aspect de ce liquide suffirait à révéler.

Le sang évacué, soit spontanément, soit artificiellement, est tantôt rouge clair et ressemblant à celui des chlorotiques, tantôt noirâtre, et dans l'un et l'autre état, il ne se coagule que d'une manière incomplète.

Il y a déjà longtemps que j'ai signalé des cas de pyrexies où l'altération du sang est bien manifeste. En 1849, j'ai adressé à la Société médicale d'émulation de la Flandre occidentale, qui l'a publiée dans ses Annales (11o livraison), une note dans laquelle il est question de deux malades, un jeune homme et une femme de nos environs, qui, en même temps qu'ils offraient une teinte jaune très-prononcée de toute la peau, étaient pris de vomissements noirâtres, je pourrais même dire noirs; ce qui, joint à une mort rapide, me fit comparer ces cas au typhus ictérode, au vomito negro. Chez le jeune homme, cette couleur jaune avait brusquement succédé à une éruption pétéchiale, hémorrhagie souscutanée qui donnait à toute la surface de la peau une teinte rouge violacée. Parmi le grand nombre de cas que j'ai observés depuis, et dans lesquels l'altération du sang était manifeste, je citerai les suivants :

OBSERVATION 1 re. - Dans le courant de janvier 1852, j'ai été appelé à donner des soins à un jeune homme de la campagne, qui, à la suite d'accès répétés de fièvre intermittente tierce, accompagnée de douleurs faciales et qui avait été négligée, éprouvait, depuis quelques jours, pendant l'accès, une épistaxis devenue inquiétante le jour de ma première visite.

Je trouvai ce jeune homme fort amaigri, le visage jaune, les yeux cerclés de noir, les lèvres violacées, les gencives scorbutiques, la peau sèche, le pouls d'une

(1) Mémoire sur la constitution médicale d'une contrée des départements de la Meurthe et des Vosges (Voir Journ. de médec. de chir. et de pharmacol., Tome XV, p. 185 et 281. grande mollesse et d'une grande fréquence. Un sang noirâtre s'échappait des narines, qui exhalaient une odeur fétide, ainsi que la bouche. Il semblait que ce malheureux dût bientôt succomber, bien qu'il eûtencore la force de se tenir assis sur son lit, et que même peu de temps auparavant, il en eût eu assez pour rester levé.

Je fis des injections styptiques dans les narines, je tamponnai, puis, l'accès de fièvre étant sur son déclin, je fis commencer l'usage du quinquina et du sulfate de quinine mélangés dans du café à l'eau. Cette médication fut continuée pendant plusieurs jours, pendant lesquels aussi, et au delà desquels, le malade fit usage de vin généreux et de préparations ferrugineuses associées à un régime animal graduellement plus substantiel.

L'hémorrhagie ne reparut plus que deux fois et faiblement, bien que le tamponnement n'eût pas été longtemps continué. Mais la convalescence fut longue, ou plutôt elle dure encore aujourd'hui; car, s'il n'y a plus de fièvre ni de douleurs, si les fonctions principales s'exécutent assez bien, le teint et les forces ordinaires ne sont pas encore rétablis; le sang done n'a pas encore non plus recouvré sa composition normale.

OBSERVATION 20. Un autre homme de la campagne, âgé de 45 ans, d'une constitution primitivement robuste, mais affaibli par le travail, éprouve, vers le 15 mars dernier, une céphalalgie, sus-orbitaire accompagnée des autres phénomènes constituant la grippe qui régnait alors dans le village comme aux environs.

Sans consulter un médecin, il se fait saigner abondamment par une sagefemme. Dès le lendemain, mouvement fébrile prononcé, qui augmente encore plus tard et offre des exacerbations parfois périodiques; circonstance qui m'engage à employer les préparations de quinquina concurremment avec d'autres moyens.

Dans cette maladie, qui a duré environ un mois et s'est terminée par la mort, les expressions, les localisations ont été trop nombreuses, trop variées, pour que j'essaie de les relater ici; j'indiquerai seulement les plus saillantes, et celles qui ont le plus de rapport avec le sujet dont je m'occupe en ce moment.

Chez cet homme, j'ai vu se produire, successivement, l'épistaxis, l'hémoptysie, l'hématémèse, P'hémorrhagie intestinale, la suffusion sanguine souscutanée, qui, brusquement disparue, a fait place au coma.

Eh bien, le sang rendu par les diverses voies était presque noir, répandait une odeur fétide, comme d'ailleurs toutes les exerétions; ce qui, joint à la stupeur et au délire, constituait un état typhique des plus complets.

OBSERVATION 30. A la fin d'avril dernier, a succombé dans l'asphyxie et l'état algide un homme de notre ville, âgé de 41 ans, qui, pendant plusieurs jours, avait eu des vomissements noirâtres, fétides, et chez qui la localisation morbide vers l'estomac avait été précédée d'une localisation thoracique simulant l'angine de poitrine, qui elle-même avait remplacé une névralgie épicrânienne fébrile chronique intermittente, accompagnée du trouble de la vue, et parfois de l'intelligence, maladie pour laquelle cet homme ne s'était guère adressé qu'aux charlatans.

OBSERVATION 40.

Le beau-père de ce malade, âgé de 70 ans, d'une constitution usée par les privations, le chagrin, le travail aussi bien que par l'âge, succomba à la fin du mois suivant dans le coma.

Les phénomènes principaux de sa maladie, qui dura un mois, furent une grande prostration presque dès le début, un subdelirium, une expectoration sanguinolente, noirâtre, après des efforts de toux avec oppression, semblables à celles de la pleuropneumonie, dont d'ailleurs on reconnaissait les signes stéthoscopiques (typhus à forme pleuro-pneumonique); des taches ecchymotiques, des ulcérations de la bouche, une dysphagie spasmodique, une hémorrhagie intestinale dont la matière horriblement fétide était noirâtre comme celle des crachats; un mouvement fébrile bien prononcé, continu, mais rémittent, comme plusieurs des autres accidents, qui alternaient entre eux. La rémittence quelque. fois périodique, m'avait donné, au début de la maladie, un peu d'espoir en l'emploi du quinquina, que je ne tardai pas à abandonner, les accidents continuant à s'aggraver.

Ces faits présentent des exemples de ce que l'on pourrait appeler la métastase hémorrhagique qui n'est en définitive que l'effet de la métastase nerveuse. Voici un cas qui offrira cette métastase hémorrhagique à l'état chronique, si je puis m'exprimer ainsi, et qui prouvera qu'elle résulte bien du déplacement de l'influx nerveux ; je prends ce cas parmi un certain nombre du même genre que j'ai observés.

OBSERVATION. - Une dame de 42 ans, habitant notre ville, d'un tempérament sanguin-lymphatique, d'une santé habituellement bonne, n'avait été sujette à éprouver autre chose qu'une céphalalgie pour laquelle elle se faisait trop fréquemment saigner.

Au commencement de 1851, après une dernière saignée, la céphalalgie, au lieu de diminuer, augmenta; il survint de vives douleurs spinales et des douleurs également vives le long des membres; puis apparurent, sur toute la surface du corps, de larges plaques ecchymotiques, de toutes les nuances qu'offrent les lésions cutanées qui suivent les contusions. La fièvre avait alors diminué, ainsi que les douleurs qui se dissipèrent bientôt presque entièrement pour quelque temps; mais les taches persistèrent pendant plusieurs mois, avec de grandes différences, il est vrai, dans leur développement. Chaque fois que les rougeurs diminuaient, il survenait d'autres accidents. Tantôt les gencives, boursouflées, devenaient saignantes, et toute la muqueuse buccale se tapissait d'aphthes donnant lieu à un suintement sanguinolent; tantôt il se produisait des troubles dans les organes digestifs, principalement une diarrhée dont la matière était mêlée de sang noirâtre, diarrhée qui s'accompagnait de coliques, d'épreintes, d'ulcérations aphtheuses à l'orifice de l'anus, et probablement aussi dans l'intestin lui-même; tantôt, enfin, c'étaient de vives douleurs articulaires avec un gonflement semblable à celui du rhumatisme articulaire aigu (névralgie rhumatismale articulaire), ou de vives douleurs pectorales avec oppression (névralgie thoracique).

Sous l'influence des irritants, des stimulants de la peau employés en frictions,

des toniques, des amers, du fer à l'intérieur, les phénomènes internes se dissipèrent, et à l'éruption ecchymotique succéda une éruption miliaire et ortiée, sorte de crise dont cette dame, qui a maintenant recouvré sa santé habituelle, offre encore des vestiges.

La transformation de l'affection cutanée ne s'est pas faite brusquement, mais graduellement. Ainsi, l'on vit les taches ecchymotiques devenir de moins en moins nombreuses, à mesure que les boutons se développaient; enfin, avant la complète disparition des premières, il y eut un temps où elles n'étaient plus que petites, rares et disséminées.

J'ai vu fréquemment des taches hématiques disséminées, plus ou moins étendues, qui, si elles se fussent présentées dans des cas de médecine légale, auraient pu faire commettre une erreur. J'ai vu des personnes chez lesquelles, par l'effet de la disposition hémorrhagique, le moindre contact produisait une ecchymose. J'aurais dû peut-être tenir compte d'une disposition de ce genre dans le cas que je vais citer :

-

OBSERVATION. A la fin de 1849, peu de temps après que l'ouragan cholérique eût décimé plusieurs de nos villages et particulièrement la commune de Clézantaine, je fus requis par la justice avec un confrère, à l'effet d'examiner le cadavre d'une femme de cette commune, et de faire connaître les causes de sa mort que l'on attribuait aux violences exercées par son mari.

De larges ecchymoses symétriques, répondant à des injections sanguines dans le tissu cellulaire sous-cutané et les muscles, se remarquaient à la face et au cou, et montraient, de la manière la plus positive, que l'on avait exercé une pression avec les doigts sur ces parties. La plupart des organes, les organes abdominaux surtout, étaient infiltrés d'un sang noir, poisseux; l'estomac et les intestins contenaient une matière riziforme abondante; il y avait cyanose des. extrémités. Nos conclusions furent: que cette femme avait été atteinte d'une affection cholérique qui, à elle seule, aurait pu déterminer la mort, mais que celle-ci semblait au moins avoir été hâtée par les violences.

Si jamais je devais encore avoir à faire un rapport dans un cas du même genre, à ces conclusions j'ajouterais : que la production de ces ecchymoses a dû ètre facilitée par l'état morbide du sang, rendue si manifeste par les infiltrations viscérales.

C'est la seule fois que j'aie fait l'autopsie d'un sujet atteint d'une fièvre grave, parce que, dans notre petite ville et dans nos villages, on obtient difficilement de pratiquer cette opération; on ne l'obtient guère que lorsqu'elle est demandéepar la justice; puis, il faut le dire, je ne l'ai pas beaucoup réclamée, non-seulement dans la crainte de contrarier les familles, mais aussi par la raison que depuis que j'observe les maladies dont il s'agit dans ce travail, j'ai la conviction que la nécropsie, à la suite de ces maladies, ne peut rien montrer, comme, par exemple, dans les cas où la mort est résultée d'une sidération du système nerveux; ou qu'elle ne peut faire voir, outre les complications, que des effets. de la perturbation nerveuse, effets devant avoir la plus grande analogie avec се qu'il m'a été donné de constater sur le vivant.

J'ai vu un grand nombre de lésions matérielles produites sous l'influence du trouble de l'innervation avec ou sans altération manifeste du sang. Je vais les indiquer en les divisant en plusieurs ordres et en commençant par l'ordre des affections cutanées.

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Dans l'indication des maladies de cet ordre, je suivrai en raccourci le plan d'Alibert; mais mes groupes seront bien incomplets, parce que je suis loin d'avoir observé autant de genres et d'espèces qu'il en est décrit dans l'immortel ouvrage du savant auteur.

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OBSERVATION. Érythème. - En ce moment, une jeune Alsacienne, âgée de 22 ans, mariée dans notre ville il y a trois semaines, présente, le long des bras et des jambes, des plaques érythémateuses qui datent de quelques jours, causent une vive sensation de chaleur et se sont produites à la suite d'un mouvement fébrile très-prononcé, accompagné de céphalalgie sus-orbitaire, de douleurs rachidiennes s'irradiant jusqu'aux extrémités des membres.

Les élevures commencent à s'affaisser, à pâlir, une partie même entre en furfuration; la fièvre qui, ainsi que les douleurs, a diminué dès l'apparition de l'érythème, n'est presque plus appréciable et la chaleur eczémateuse a pour ainsi dire également cessé.

Dans ce cas, où je n'ai pas, comme dans tant d'autres, observé d'intermittences ni de rémittences, je me suis borné, à part l'emploi d'une purgation donnée dans le but de remédier à une constipation datant de plusieurs jours, je me suis borné, dis-je, à faire de la médecine expectante.

Dans le temps j'ai vu fréquemment, chez les enfants principalement, cette forme morbide que l'on pourrait appeler fièvre érythémateuse; l'éruption était tantôt partielle, plus ou moins limitée, plus ou moins étendue; tantôt générale. Cette éruption s'est présentée aussi sans mouvement fébrile, seulement précédée de douleurs dermalgiques. J'ai vu encore des cas d'érythème chronique; j'en ai même deux cas actuellement.

Chez un jeune homme, cet érythème chronique ressemble à la pellagre; il a succédé à une fièvre grave à forme délirante et s'accompagne d'une paralysie des membres (paralysie nerveuse progressive).

Chez un homme déjà âgé, qui, comme le précédent, est dans de mauvaises conditions hygiéniques, l'érythème, entouré de papules de prurigo, coexiste avec des signes scorbutiques bien manifestes à la bouche et aux gencives, qui saignent au moindre contact.

La disparition subite d'un érythème a donné plus d'une fois naissance à des accidents graves; mais son apparition ou sa réapparition a été plus d'une fois aussi la crise de ces accidents. Voici d'abord un fait qui mérite d'être cité.

OBSERVATION. - Le 25 mai dernier, je fus demandé au village de Ménil près d'une femme qui, par l'effet de la subite disparition d'un érythème général, était

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