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vent-elles pas nous faire penser qu'il a eu affaire à des ecthymas primitifs plutôt qu'à des ecthymas secondaires? Il n'a pas fait un diagnostic rigoureux, par la bonne raison qu'il ne connaissait pas l'ecthyma primitif. Ses observations, dont on a fait tant de bruit, doivent donc être rejetées parmi celles qui ne prouvent rien.

Je crois vous avoir démontré, Messieurs, que, de toutes les observations et de toutes les expériences apportées à l'appui de la contagiosité des accidents secondaires de la syphilis, aucune ne peut supporter un examen un peu sérieux. Il n'existe jusqu'à présent aucune observation, aucune expé rience dans laquelle on ait vu positivement des accidents secondaires être transmis.

Je pourrais m'en tenir là: car les faits seuls doivent avoir de la valeur à nos yeux. Cependant, je ne veux pas passer sous silence quelques arguments théoriques que l'on a cru propres à étayer la contagiosité, Deux mots suffiront pour en faire justice.

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M. Velpeau invoque l'assentiment universel. << Est-il bien possible, dit-il, qu'un fait aussi généralement admis depuis des siècles soit absolument faux dans tous ▸ ses éléments. Mais, Messieurs, il y a eu une époque où l'assentiment universel consacrait la transmission de la syphilis par la sueur, par l'haleine, par l'air ambiant. Il y a eu une époque où l'assentiment universel vous indiquait de mercurialiser jusqu'à la salivation un malade atteint d'une blennorrhagie simple ou d'une inoffensive végétation. Il y a eu une époque où l'assentiment universel repoussait l'antimoine, où il repoussait la vaccine. II y a eu une époque où l'assentiment universel acclamait l'existence des sorciers et des revenants, où l'on aurait pris en pitié, regardé comme un cerveau malade celui qui les aurait niés. M. Velpeau croit-il pour cela aux sorciers et aux revenants? Si l'as sentiment universel a cru les accidents secondaires contagieux, c'est que longtemps on n'a pris pour base du diagnostic que le siége de la maladie et la moralité du malade; c'est que de nos jours encore on procède souvent de cette façon; c'est qu'on méconnaît les chancres à l'anus, à la bouche, aux amygdales, aux yeux, aux scins, et enfin l'ecthyma primitif ou chancreux. Ces erreurs seront évitées à mesure que la science fera des progrès, que l'observation deviendra plus précise.

M. Velpeau ajoute que personne aujourd'hui ne doute de la contagion de la vérole constitutionnelle, à l'exception des huntériens. Mais qui sont les huntériens? Ce sont presque toutes les spécialités en syphilographie : MM. Ricord, Cullerier,

Puche, Venot, Thiry, Simon de Berlin, Siegmund de Vienne, etc. Je crois que Pautorité de ces Messieurs vaut bien celle de MM. Velpeau, Gibert, Cazenave, Vidal de Cassis, et Waller de Prague.

M. Velpeau tire encore un argument de Phérédité de la syphilis. Mais pourquoi un enfant naît-il syphilitiqne? Parce que pendant neuf mois il est un des organes de sa mère, il est nourri par elle et comme elle. Ou bien c'est parce que son père lui a transmis des tendances organiques semblables aux siennes. C'est de même que la scrofule, les tumeurs blanches, oui, même la fistule à l'anus, la production de doigts supplémentaires, la tendance à la calvitie. sont transmises. C'est ainsi que l'enfant ressemble à son père et à sa mère. En conclurons-nous que la scrofule, les tumeurs blanches, la fistule à l'anus, la production de six doigts au lieu de cinq, la calvitie et les ressemblances de famille sont des choses contagieuses? Entre l'hérédité et la contagion il y a une distance immense, et je ne sais d'où a pu venir l'idée de les rapprocher.

Sans doute, disent M. Putegnat et Joly, dans la plupart des cas la vérole constitutionnelle n'est pas contagieuse; mais elle l'est dans quelques-uns. Dans quelques cas aussi on inocule le chancre sans résultat ; et on ne le regarde pas moins comme contagieux. Enfin, tous vos faits négatifs ne peuvent rien contre un seul fait positif. D'abord, j'ai démontré que les faits exceptionnels où la syphilis constitutionnelle aurait été transmise, sont encore à trouver, qu'il n'en existe aucun, que tous ceux que l'on a cités ne démontrent rien que la contagiosité du chancre ou la transmissibilité de certains accidents tout à fait étrangers à la vérole. Ensuite, comment pouvez-vous comparer la contagiosité du chancre, qui est constante, sauf dans quelques circonstances exceptionnelles, à celle des accidents secondaires, qui, selon vousmême, ne serait qu'une rareté, une curiosité scientifique? Vous le pouvez d'autant moins que nous comprenons et expliquons parfaitement pourquoi, dans certains cas, le chancre ne se transmet pas, tandis que nous ne pouvons pas même soupçonner pourquoi les accidents secondaires, en général non contagieux, le deviendraient dans quelques cas que vous-mêmes vous déclarez exceptionnels.

Quantaux faits négatifs et positifs, qu'entendez-vous par là? Lorsque je vous dis: j'ai inoculé sans succès un ulcère secondaire, j'ai vu un mari coucher impunément avce sa femme atteinte d'accidents secondaires bien prononcés, j'ai vu un enfant syphilitiquene pas infecter sa nourrice, vous venez m'opposer cette fin de non recevoir: fait négatif. Eh bien! Messieurs, je ne l'admets pas; ces faits sont pour moi positifs, et très-positifs, parce qu'ils sont bien observés et accompagnés d'un diagnostic suffisant et rigoureux. Mais lorsque vous venez me dire: on a vu se transmettre ou être inoculés des accidents secondaires, et lorsque, à l'examen des faits, je reconnais qu'il n'est nullement prouvé que l'on n'ait pas eu plutôt affaire à des chaneres à l'anus, à la bouche, aux amygdales, au voile du palais, aux jambes, aux mains, aux yeux, à un ecthyma syphilitique; alors je dis à mon tour: fait négatif. Qui, Messieurs, profondément négatif, parce qu'il est incapable de faire faire le moindre pas à la question, parce qu'il n'est propre qu'à aller grossir la masse d'observations incomplètes et inexactes qui encombrent et embrouillent la science.

Du reste, Messieurs, cette idée de la contagiosité de la syphilis constitutionnelle, qu'on vient nous présenter comme le résultat de l'observation pure, dépourvue de tout préjugé, de toute préoccupation, n'est rien qu'une idée préconçue. On voit le chanere se transmettre et s'inoculer, et l'on en conclut que les accidents qui surviennent à sa suite doivent aussi se transmettre et s'inoculer. On croit que le chancre est le résultat d'un virus qui le produit et qu'il reproduit; que ce virus est absorbé par l'économie, qu'il se mêle au sang, et, voyageant ainsi à travers l'économie, y détermine la syphilis. Mais cette idée, comme l'a démontré en premier lieu mon honorable et savant ami, M. Thiry, est profondément erronée. En effet, le virus du ebanere existe, nous pouvons le montrer au bout de la lancette; mais qui a jamais vu le virus de la vérole constitutionnelle? Où est-il? Comment se fait-il que, au moment où le chanere s'indure, c'est-à-dire lorsqu'il va donner lieu à la syphilis, il perd ses propriétés inoculables? Comment les chaneres qui fournissent le plus de virus, les chaneres phagédéniques, ne donnent-ils pas lieu à la syphilis? Enfin, on voit quelquefois le virus chancreux être absorbé; produit-il alors les phénomènes de la syphilis? Non, il donne lieu aux bubons d'absorption, véritables elhancres ganglionnaires inoculables, qui ne ressemblent en rien aux bubons secondaires et qui peuvent fort bien guérir sans mercure, comme les chancres ordinaires. De toutes ces raisons, que je ne puis qu'indiquer ici, M.. Thiry a conclu que la syphilis n'est pas due au virus chaneroux; il ne peut même y admettre un virus, parce que rien n'en démontre la présence; il n'y a qu'une tendance à la

formation de certains produits pathologiques, tendance que l'on peut comparer à celle qui caractérise les diathèses scrofuleuse et cancéreuse. C'est cette tendance, dont la cause première nous échappe, mais dont nous coustatons l'existence, que M. Thiry désigne sous le nom de principe syphilitique. Cela étant admis, et l'hypothèse qui admet un virus dans la syphilis étant repoussée comme inutile et comme n'étant pas appuyée sur les faits, nous comprenons fort bien que le chancre seul, le chancre non induré, doit être transmissible et inoculable. La syphilis ne doit pouvoir être transmise que par l'hérédité et peut-être par le lait d'une nourrice qui en est affectée; en un mot, par voie de nutrition et non par voie de contagion; car un principe, une tendance ne sont pas contagieux. Cette doctrine est de tous points en rapport avec les faits et a le mérite de ne s'appuyer sur aucune supposition.

Ici se termine ce que j'avais à dire sur la contagiosité des accidents secondaires de la syphilis; je crois avoir démontré, comme je l'avais annoncé :

1o Que les observations de M. Putegnat ne sont pas suffisantes pour prouver la contagiosité des accidents secondaires;

2. Que celles de M. Joly ne prouvent que la contagiosité du chancre;

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5o Que le fait de la non-contagion de la syphilis constitutionnelle est tout à fait d'accord avec les saines doctrines de la syphilographie.

Je ne puis trop insister sur un fait auquel j'ai déjà fait allusion : c'est que, dans tous les cas de transmission d'accidents autres que les végétations et les plaques muqueuses, le résultat de la transmission est toujours un chancre, jamais un accident secondaire. La syphilis transmise produirait donc des chancres; comment dès lors comprendre qu'elle n'en produit jamais. chez ceux qui en sont atteints? Car un syphilitique ne présente jamais un chancre, à moins de l'avoir contracté par une nouvelle infection.

La discussion estrenvoyée à la prochaine

séance.

Ouvrages présentés.

1. Bibliographie d'un ouvrage intitulé : Vermindering der bestaande apotheken, cenc dringende behoefte in onze dagen, door B. Meylinck; par C. Broeckx. br. In-8o. 2 à 30. Divers journaux de médecine et recueils scientifiques périodiques.

V. VARIÉTÉS.

Exercice illégal de l'art de guérir. -Interprétation de l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818.

L'art. 18 de la loi du 12 mars 1818 est conçu comme suit:

Toutes personnes non qualifiées, qui › exerceront quelque branche que ce soit › de l'art de guérir, encourront pour la ⚫ première fois une amende de vingt-cinq › à cent florins, avec confiscation de leurs › médicaments; l'amende sera double en › cas de récidive; pour une troisième > contravention, le délinquant sera puni › d'un emprisonnement de quinze jours à › six mois.

L'année passée, un Gantois, le sieur Kervyn, fut attrait devant les tribunaux par la Commission médicale, comme ayant exercé illégalement l'art de guérir. Le sieur Kervyn faisait venir chez lui les individus atteints de maux d'yeux, leur appliquait un onguent, et croyait ainsi les guérir..

La Cour d'appel de Gand l'acquitta, parce qu'il ne demandait pas d'argent. Ainsi, selon la Cour de Gand, l'exercice de l'art de guérir, dont parle la loi de 1818, ne consiste pas à aller voir des malades et à les traiter, mais bien à demander de l'argent. Ces juges ont parfois de singulières idées. Ils s'imaginent, lorsqu'ils font appeler un médecin, que celui-ci vient, non pour les traiter, mais pour leur demander de l'argent. Ils s'imaginent; que, si la loi a interdit aux profanes l'exercice de l'art de guérir, ce n'est pas dans l'intérêt de l'humanité, mais dans celui de la bourse du médecin.

Toutefois, la Cour de cassation, consultée, ne trouva pas convaincantes ces jolies raisons. Elle crut que l'exercice de l'art de guérir consistait bien à traiter des malades; elle cassa le jugement, et le sieur Kervyn fut renvoyé devant la Cour d'appel de Bruxelles.

Celle-ci décida dans le même sens que celle de Gand: pour nos juges comme pour ceux de Gand, l'art de guérir ne consiste pas à traiter des malades, mais à demander de l'argent. O juges.....!

La Cour de cassation, fidèle à ses principes, cassa de nouveau cet arrêt.

Il y avait done un conflit entre les Cours d'appel et la haute Cour de justice. Dans l'espèce, le cas devait étre déféré à la Législature, qui devait trancher le conflit au moyen d'une loi, interprétative de l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818.

Le Gouvernement, suivant les principes

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L'art. 18 de la loi du 12 mars 1818 › est interprété de la manière suivante : La distribution habituelle et gratuite d'un remède inoffensif, avec indication de la manière de s'en servir, alors même › qu'elle est précédée de la visite des ma▸ lades, ne constitue point l'exercice illé› gal d'une branche de l'art de guérir, ni › par suite une contravention à l'art. 18 ▸ de la loi du 12 mars 1818.>>

M. Lelièvre, nommé rapporteur, l'expliqua dans le rapport suivant: MESSIEURS,

La Chambre est appelée à interpréter, comme juge, l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818, sur l'art de guérir, par suite du conflit existant à cet égard entre la Cour de cassation et les Cours d'appel de Gand et de Bruxelles.

> Dans l'espèce de ces décisions, il est reconnu en fait qu'un individu, prévenu de contravention à la loi dont il s'agit, se procure à l'Hôtel-Dieu de Lyon un remède destiné à la guérison des maux d'yeux. Les personnes atteintes d'une affection de cette nature sont reçues chez lui à lieu et jour fixes. Il examine l'état de l'organe malade. S'il estime que le mal est incurable, il ne prescrit pas le remède. S'il pense que le nerf optique n'est pas attaqué, il conseille l'application du médicament, en fait gratuitement la distribution, et indique la manière de s'en servir. Ces indications, qui ont lieu au moyen d'une traduction en flamand d'une partie d'un imprimé français qui accompagne le pot contenant le remède, se bornent à la quantité du médicament à employer, à la manière de l'administrer et au nombre de fois par jour qu'on doit en user.

» La Cour de cassation, siégeant chambres réunies, a décidé, sur les conclusions

conformes de M. le procureur général Leclercq, que l'ensemble des faits dont il s'agit constitue réellement l'exercice de l'art de guérir, prévu par l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818.

■ Cette opinion est également celle du tribunal correctionnel de Gand, qui avait été appelé, en premier lieu, à connaître de la prévention.

› Les motifs qui appuient ce système et qui ont rencontré aussi de l'écho au sein de la Commission de la Chambre, sont que les faits dont il s'agit constituent tellement l'exercice de l'art de guérir qu'ils sont ceux posés en semblable occurrence par les hommes de l'art; que, dans le fait de visiter les malades et de décider ensuite si le malade est incurable, l'on trouve le caractère d'un véritable jugement médical qui, aux yeux de la loi, n'est permis qu'à l'homme présentant les garanties prescrites par le législateur dans l'intérêt de la santé publique; que, dans l'espèce, l'individu dont la justice est appelée à examiner la conduite, au point de vue légal, indique non-seulement le remède mais aussi les cas d'application. Il se constitue, par conséquent, juge du caractère de l'affection, en apprécie l'intensité et applique le remède à toute maladie de l'œil, quelle qu'elle soit. Il donne même le remède et en prescrit l'emploi de la même manière, pour toutes les affections des yeux, sans distinction aucune, et même sans égard à l'âge du malade et aux circonstances particulières qui pourraient exiger des modidifications dans le mode d'user du remède.

▸ Or, pareils procédés présentent précisément les dangers que la loi a voulu évi ter, et les justifier, ce serait ouvrir la porte à l'empirisme et à tous les abus que, par des considérations d'ordre supérieur, le législateur a voulu proscrire.

habituelle des actes concernant cet art.

→ L'on ne peut donc comprendre dans ces dispositions la distribution d'un remède inoffensif, même avec l'indication de la manière de s'en servir, alors qu'il s'agit d'actes posés par pure, bienfaisance et étrangers à toute idée de spéculation.

► Tel était l'esprit des dispositions législatives antérieures à la loi de 1818, comme le prouve l'avis du conseil d'État du 8 vendémiaire an xiv, que nous croyons devoir transcrire textuellement.

» Le conseil d'État, qui, d'après le renvoi fait par Sa Majesté impériale et royale, a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre des cultes, exposant que les prêtres, curés ou desservants éprouvent des désagréments à raison des conseils ou soins qu'ils donnent à leurs paroissiens malades, et demandant l'autorisation d'écrire aux préfets que l'intention de Sa Majesté n'est pas que les curés soient troublés dans l'aide qu'ils donnent à leurs paroissiens, par leurs secours et leurs conseils, dans leurs maladies, pourvu qu'il ne s'agisse d'aucun accident qui intéresse la santé publique, qu'ils ne signent ni ordonnances ni consultations, et que leurs visites soient gratuites; > Est d'avis qu'en se renfermant dans les limites tracées dans le rapport du ministre des cultes ci-dessus analysé, les cu rés ou desservants n'ont rien à craindre des poursuites de ceux qui exercent l'art de guérir, ou du ministère public chargé du maintien des règlements, puisque, en donnant seulement des conseils et des soins ' gratuits, ils ne font que ce qui est permis à la bienfaisance et à la charité de tous les citoyens, ce que nulle loi ne défend, ce que la morale conseille, ce que l'adminis tration provoque; et qu'il n'est besoin, pour assurer la tranquillité des curés et desservants, d'aucune mesure particulière.

› Ces considérations sont nécessairement applicables à toutes autres personnes qui agissent dans des circonstances analogues et dans les mêmes vues de charité.

› Du reste, la loi est générale et ne fait aucune distinction entre le cas où l'on agit par humanité et celui où l'on est inspiré par des motifs de spéculation, parce que, dans ces diverses hypothèses, se présentent les inconvénients que le législateur redoute, et qu'il a voulu prévenir en exigeant des épreuves scientifiques et des connaissances spéciales de la part de ceuxtions. En ne déterminant pas le caractère

qui se livrent à la pratique habituelle des actes concernant l'art de guérir.

La majorité de la Commission n'a pas cru devoir se rallier à ces considérations, et voici les motifs qui ont été développés par les honorables membres composant cette majorité.

Il résulte des articles 1, 2 et 35 de la loi du 19 ventose an xi qu'on ne peut considérer comme exerçant l'art de guérir que ceux qui font leur profession

> La loi du 12 mars 1818, conçue dans les mêmes termes que les dispositions précédentes, n'a pas dérogé à ces prescrip

des faits qui constituent l'exercice de l'art de guérir, elle est censée s'être référée aux lois antérieures, qu'elle n'a fait que confirmer sous ce rapport, témoin Part. 4 de cette disposition législative.

On ne peut done considérer comme rentrant dans les prohibitions légales la remise gratuite de remèdes simples et inoffensifs.

C'est en ce sens que la loi de 1818 a constamment été exécutée, et l'on n'a ja

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mais confondu avec la profession de l'art de guérir les soins et les conseils donnés gratuitement aux malades par pure bienfaisance. D'un autre côté, les articles 17 et 18 de la loi de 1818 prouvent que le législateur ne défend pas la distribution gratuite d'un médicament. Or, la visite du malade, à laquelle procéderait l'individu qui distribue le remède, n'est pas de nature à rendre illicite un fait autorisé par la loi. C'est là une circonstance accessoire qui ne change en rien la nature de l'acte principal, et qui ne peut d'ailleurs donner lieu à aucun inconvénient sous le rapport de la santé publique, puisqu'il s'agit d'un remède inoffensif.

› La visite dont il s'agit, faite par une personne habituée à apprécier les maladies de l'espèce, présente même certaine garantie, comme les vues de charité, qui sont le mobile de la conduite de l'agent, font supposer, de sa part, certaines règles de prudence. »

› La majorité de la Commission estime, du reste, qu'en appréciant sainement les faits constatés par l'instruction qui a précédé les arrêts dont il s'agit, le prévenu ne peut être considéré comme ayant exercé la profession d'oculiste, dans la signification naturelle et légale de ce mot.

> En conséquence, elle n'a pas pensé que les faits énoncés au projet fussent suffisants pour constituer une contravention à l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818, et elle propose de rédiger le projet de loi en ces

termes :

L'art. 18 de la loi du 12 mars 1818 est interprété de la manière suivante :

> La distribution habituelle et gratuite d'un remède inoffensif, avec indication de la manière de s'en servir, alors même qu'elle est précédée de la visite des malades, ne constitue point l'exercice illégal d'une branche de l'art de guérir, ni par suite une contravention à l'art. 18 de la loi du 12 mars 1818. D

Comme on le voit, la section centrale ne tient aucun compte de l'avis de la Cour de cassation, et cependant qui est plus apte à décider des questions de la nature de celle-ci, que cette magistrature, composée de l'élite de nos jurisconsultes, placée au sommet de l'échelle judiciaire comme gardienne et protectrice de nos lois !

Cela dépend de certains préjugés trop répandus dans le public, et même dans la partie éclairée du public, dans les classes élevées de la société.

On s'imagine qu'un paysan, un curé, un propriétaire, qui n'ont jamais étudié la médecine, qui n'ont aucune notion de l'anatomie ni de la physiologie, en savent plus tout d'un coup que des hommes qui

ont consacré à ces études une dixaine d'années, et qui les continuent encore tous les jours en se tenant au courant des progrès de la science.

On s'imagine ensuite que la guérison des maladies dépend de la découverte de moyens plus ou moins mystérieux, de simples, d'arcanes, de secrets, etc., etc., que les paysans, les bergers, les propriétaires et les curés peuvent trouver et posséder aussi bien que les médecins.

On s'imagine qu'il existe un secret pour les maux de ventre, un pour les maux de tête, un pour les maux d'yeux, un pour les maux de jambe, etc., etc. Nous pardonnons ces erreurs à des hommes qui, n'ayant pas étudié l'anatomie pathologique, ne se rendent pas compte des modifications organiques qui constituent les maladies, et ne peuvent dès lors comprendre a priori toute la vanité, toute l'inanité, toute l'absurdité des propriétés attribuées à ces agents charlatanesques. Toutefois, nous croyons que ces personnes feraient preuve de bon goût en ne tranchant pas ainsi d'emblée des questions dont ellesne possèdent pas les premiers éléments, et en s'enquérant auprès de ceux qui les ont étudiées..

Pour en revenir au sieur Kervyn, le moyen employé par lui, regardé comme un secret par beaucoup de personnes, n'est rien autre que la pommade de Lyon, dont la composition est indiquée dans tous les formulaires, que tous les praticiens connaissent et savent appliquer. Pourquoi faut-il donc que M. Kervyn vienne s'en mêler?

Mais comment l'applique-t-il! Ceci n'est pas le moins curieux de la chose, M. Lelièvre nous l'apprend. Il examine les maux d'yeux, et en fait deux catégo. ries; curables et incurables. Voyez-vous ce Monsieur examinant l'organe et posant un diagnostic! Nous l'admirons d'autant plus, que nous connaissons toute la difficulté que nous éprouvons souvent à établir un bon diagnostic. Mais enfin, n'importe! Les malades sont parqués en deux catégories; curables et incurables; quelle consolation pour ces derniers! Cela fait, à tous les malades curables on barbouille les yeux au moyen de la fameuse pommade de Lyon. Ainsi, toutes les maladies curables exigent également cette bienheureuse pommade, pourvu qu'elles aient eu le bon esprit de prendre pour siége l'organe visuel. Avouez que, pour en venir là, les travaux des Himly, des d'Ammon, des Rosas, des Sichel, des Desmarres, des Cunier, des Van Roosbroeck, et de tant d'autres, étaient bien inutiles, et que ces hommes ont joliment perdu leur temps, qu'ils auraient pu mieux employer!

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