Page images
PDF
EPUB

Vivendi varia vis ratione modos?

Vis qui virtutum fontes? vis unde malorum
Principia? et quantum rebus inane latet?

Hæc lege, quæ vario Morus dedit ille colore,
Morus Londinæ nobilitatis honos (1).

(1)« Veux-tu connaître de nouveaux phénomènes, recemment découverts dans un autre monde? Veux-tu apprendre de nouvelles manières de vivre? Veux-tu découvrir les sources des vertus? Aspires-tu à connaître les principes du mal? Veux-tu savoir le néant de toutes choses? Lis ce que te présente, sous des couleurs variées, Morus, l'honneur de la noblesse de Londres. >>

E.

FÊTE CÉLÉBRÉE EN L'HONNEUR DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU, LE 20 VENDÉMIAIRE AN III DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

(Extrait du Moniteur universel du 24 vendémiaire an III, 15 octobre 1794).

(V. ci-dessus p. 254).

« L'assemblée constituante avait décerné une statue à l'auteur du Contrat social; c'était un hommage public qu'elle rendait à ses vertus et à ses talents; mais ce monument qu'elle élevait à sa gloire ne suffisait pas à la reconnaissance nationale. Les portes du Panthéon devaient s'ouvrir pour recevoir les restes précieux de ce bienfaiteur du Monde.

« Un décret de la Convention avait ordonné que les cendres de Jean-Jacques seraient transférées dans le temple des grands hommes, et avait fixé au 20 vendémiaire la cérémonie de cette translation. Le 18, on avait enlevé de l'Ile des Peupliers son urne cinéraire; les citoyens d'Ermenonville l'avaient accompagnée jusque dans la commune d'Émile, ci-devant Montmorenci. C'est là que Rousseau avait composé le Contrat social, Émile et Héloïse; et les habitants de cette vallée, qui tant de fois avaient vu le philosophe modeste se promener au milieu d'eux, qui déjà avaient eu le malheur de le perdre lorsque le fanatisme politique et religieux le forcèrent de quitter leurs asiles champêtres, voulaient du moins le posséder encore quelques instants. Le corps de Rousseau y resta jusqu'au lendemain à midi.

« Le 19, le cortége se mit en marche pour Paris, et arriva vers six heures et demie du soir à la place de la Révolution. Il s'arrêta au Pont-Tournant, aux pieds de la renommée, qui semblait, comme on l'a déjà observé, annoncer à l'Univers l'apothéose d'un grand homme. C'est là qu'une députation de la Convention est venue recevoir les restes de Rousseau et que l'Institut national de musique a commencé à exécuter les airs du Devin de Village.

» La foule se pressait autour du char sur lequel reposaient les cendres de Jean-Jacques; ceux qui avaient vu son tombeau à Ermenonville croyaient reconnaître les mêmes peupliers qui le couvraient de leur ombre hospitalière. En attachant ces arbres autour du char, on avait voulu que la nature seule fit les frais de sa décoration.

» Sur un des bassins du jardin national, on avait formé une espèce d'île entourée de saules pleureurs, qui rappelaient aux spectateurs les pièces d'eau d'Ermenonville. C'est au milieu de cette île factice, sous un petit édifice de forme antique, qu'on a déposé l'urne de Jean-Jacques. Elle y a reçu les hommages du peuple jusqu'au moment de sa translation au Panthéon.

» Décadi, dès neuf heures du matin, les citoyens se portaient en foule au Jardin national; tout annonçait une fête d'un peuple libre. Lorsque tous ceux qui devaient former le cortége furent assemblés, la Convention nationale quitta le lieu de ses séances, et du haut de cette vaste tribune qui couvre le péristile du palais, le président lut les décrets rendus pour honorer la mémoire de Rousseau, et, au milieu des acclamations de la multitude, il annonça les nouvelles victoires que les soldats de la liberté venaient de remporter sur le despotisme. La fête ne pouvait commencer sous de meilleurs auspices.

» Un groupe de musiciens ouvrait la marche. Cette musi

T. I.

44

que simple et pleine d'expression faisait éprouver à l'âme un attendrissement religieux bien analogue à la circon

stance.

» Pour se consoler de l'injustice des hommes, Rousseau s'était livré à l'étude de la nature. La botanique, cette étude qui suppose des goûts simples et vertueux, avait occupé Jean-Jacques à différentes époques de sa vie. Des botanistes devaient donc faire partie du cortége; on en voyait un grand nombre, au milieu desquels on portait des fleurs, des plantes et des fruits.

» L'auteur d'Émile, en mettant dans la main de son élève les instruments qui servent aux arts mécaniques, avait réhabilité les arts utiles un groupe d'artistes et d'artisans précédait la statue. Le compas qui mesure les cieux, le pinceau et le burin qui transmettent à la postérité les traits des grands hommes étaient portés, honorablement confondus avec l'utile rabot, la scie et le soc, plus utiles

encore.

» Derrière la statue on voyait des mères, dont les unes tenaient par la main des enfants en âge de suivre le cortége, et d'autres qui en portaient de plus jeunes dans leurs bras.

» On se rappelait, en voyant ce groupe intéressant, que si les mères allaitent aujourd'hui leurs enfants, ce fut l'éloquence de Rousseau qui les rendit à ce devoir sacré.

» Les habitants de Franciade, d'Émile et de Grosflay, au milieu desquels Rousseau avait composé ses immortels ouvrages, marchaient autour du char qui portait la statue.

» L'urne cinéraire suivait sur le même char qui l'avait apportée d'Ermenonville.

> Des groupes de Genévois et l'envoyé de cette République régénérée accompagnaient les restes de leur compatriote que Genève aristocrate avait autrefois proscrit.

» La marche était fermée par la Convention nationale,

entourée d'un ruban tricolore, et précédée du Contrat social, le phare des législateurs.

>> C'est dans cet ordre que le cortége est arrivé au Panthéon, où la reconnaissance publique a déposé les cendres d'un homme qui le premier osa réclamer les droits imprescriptibles de l'humanité, qui ne voulut jamais dépendre des hommes, qui n'aima ni le fanatisme intolérant, ni la doctrine désolante de l'athéisme, et qui enfin mérita d'être appelé l'homme de la nature et de la vérité.

» Voici le discours prononcé par le président de la Convention nationale.

« Citoyens, les honneurs du Panthéon, décernés aux » mânes de Rousseau, sont un hommage que la nation › rend aux vertus, aux talents et au génie.

» S'il n'avait été que l'homme le plus éloquent de son » siècle, nous laisserions à la renommée le soin de le » célébrer; mais il a honoré l'humanité; mais il a étendu > l'empire de la raison et reculé les bornes de la mo» rale. Voilà sa gloire et ses droits à notre reconnais

»sance.

» Moraliste profond, apôtre de la liberté et de l'égalité, » il a été le précurseur qui a appelé la Nation dans les » routes de la gloire et du bonheur; et si une grande dé> couverte appartient à celui qui l'a le premier signalée, > c'est à Rousseau que nous devons cette régénération » salutaire qui a opéré de si heureux changements dans > nos mœurs, dans nos coutumes, dans nos lois, dans > nos esprits, dans nos habitudes.

» Au premier regard qu'il jeta sur le genre humain, il » vit les peuples à genoux, courbés sous les sceptres et » les couronnes; il osa prononcer les mots de liberté et » d'égalité.

>> Ces mots ont retenti dans tous les cœurs, » ples se sont levés.

et les peu

« PreviousContinue »