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Cette lettre fut rendue publique; mais, malgré l'autorité attachée au nom de son auteur, elle ne suffit pas pour ramener les intelligences égarées dans la voie de la modération et de la vérité. Les dissensions qui avaient troublé Syracuse s'étaient manifestées en Afrique, en Judée, dans les Gaules et même dans la Grande-Bretagne. Saint Augustin, dont le génie et le courage étaient à la hauteur de tous les périls, rentra dans l'arène et écrivit contre Pélage des traités spéciaux qui sont demeurés célèbres. D'autres docteurs non moins illustres, parmi lesquels on compte saint Jérôme et saint Prosper, imitèrent cet exemple. Les souverains pontifes firent entendre la voix de la vérité. Enfin le pélagianisme fut solennellement condamné au concile œcuménique d'Éphèse (an 431). Excommunié comme hérétique et perturbateur de l'Église, Pélage disparut de la scène et mourut pauvre et ignoré. Quant aux nouveaux disciples de Pythagore et de Platon, il est inutile de répéter que leurs idées étaient repoussées par les docteurs chrétiens. Les Néopythagoriciens et les Néoplatoniciens étaient les ennemis acharnés de la religion nouvelle. Ils n'avaient qu'un but, qu'un vœu : défendre les sanctuaires de la Grèce contre l'Église chrétienne (1).

riche d'entrer dans le royaume des cieux, le Sauveur ajoute que «ce qui est impossible aux hommes est facile à Dieu »; mais ce passage ne signifie pas que les riches qui conservent leurs biens puissent gagner la vie éternelle : il veut dire que s'ils se dépouillent de leurs richesses et suivent le Seigneur, il leur sera facile d'entrer avec lui dans le royaume des cieux, etc. >>

C'était donc à des communistes bien décidés que répondait saint Augustin. Et cependant il n'est pas un adversaire de la propriété qui ne range l'illustre évêque d'Hippone parmi les maîtres de son école!

(1) Matter, Histoire du Gnosticisme, t. II, p. 459, éd. de 1828.

Récapitulons :

Au 1er siècle, l'Église rejette le communisme des Nico

laïtes.

Au 1o, au шo, au ive siècle, elle combat et flétrit le communisme des Gnostiques.

Au ve siècle, elle condamne solennellement le communisme des Pélagiens.

Et cependant, qui le croirait? les apôtres du socialisme nous affirment que, pendant tous ces siècles, le communisme était enseigné par l'Église, propagé par ses pontifes, défendu par ses docteurs, pratiqué par ses disciples!

CHAPITRE V.

LES HÉRÉSIES DU MOYEN AGE.

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Erreur commise par MM. Blanc, Villegardelle et Cabet. Le Gnosticisme reparaît au moyen âge. Les Frérots. Les Begghards. Les Apostoliques. Les Lollards. Traits caractéristiques des adversaires de la propriété au moyen âge.

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S'il faut en croire MM. Blanc, Villegardelle et Cabet, les Albigeois, les Vaudois, les adeptes de Wiclef et les Hussites auraient donné, au sein de l'oppression du moyen âge, le premier signal de cette guerre implacable que les communistes avoués ou déguisés du XIXe siècle continuent à livrer aux principes fondamentaux de la société civile (1). « Les » révoltes de la conscience, dit M. Blanc, les mouvements » de l'esprit humain, les tressaillements de la terre en » travail, n'avaient été que révolutions théologiques. »

M. Blanc et ses partisans se trompent. Les Vaudois, les Albigeois, les Wicléfites et les Hussites n'ont pas franchi le cercle des doctrines religieuses. Ils repoussaient l'enseignement de l'Église, ils se révoltaient contre la hiérarchie ca

(1) M. Blanc, Histoire de la Révolution française, liv. Ier, chap. Ier; M. Cabet, Voyage en Icarie, p. 567; M. Villegardelle, Histoire des idées sociales, chap. V. — M. Blanc, il faut bien le dire, écrit l'histoire avec une imagination de romancier. C'est ainsi qu'il appelle Jean Huss un pauvre curé de la chapelle de Bethleem. Ce pauvre curé était recteur de l'université de Prague et confesseur de Sophie de Bavière.

tholique; mais ils respectaient les bases de la société civile. Ils laissaient à l'homme la jouissance exclusive de ses biens et la liberté du travail (1). Si l'on tient à découvrir dans

(1) C'est à tort que Bossuet et d'autres historiens modernes ont attribué des doctrines communistes à ces sectaires; c'est un point que des travaux récents ont établi à la dernière évidence.

Parmi les preuves qu'on allègue en faveur des Albigeois et des Vaudois, il en est une qui nous semble décisive. Les registres de l'inquisition, contenant les procédures dirigées contre ces hérétiques, énumèrent soigneusement tous les chefs d'accusation. Or, on n'y voit pas figurer la doctrine de la communauté des biens et des femmes. D. Vaissette (Histoire du Languedoc, T. III, p. 371) donne l'extrait suivant d'un ancien registre de l'inquisition de Carcassonne : « Isti sunt articuli in quibus errant mo» derni hæretici: 1°. Dicunt quod corpus Christi in sacramento altaris

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>> non est nisi parum panis.

-

2o Dicunt quod sacerdos existens in mortali

---

» peccato non potest conficere corpus Christi. — 3o Dicunt quod anima ho

>> manis non est nisi purus sanguis.

>> non est peccatum aliquod.

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4o Dicunt quod simplex fornicatio

5° Dicunt quod omnes homines de mundo

» salvabuntur. — 6o Dicunt quod nulla anima intrabit paradisum usque ad » diem judicii. — 7o Dicunt quod tradere ad usuram, ratione termini, non » est peccatum aliquod. -8° Quod sententia excommunicationis non est >> timenda, nec potest nocere. -9° Dicunt quod tantum prodest confiteri

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>> socio laico, quantum sacerdoti seu presbytero.

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>> judæorum melior est quàm lex christianorum. -11° Dicunt quod non >> Deus fecit terræ nascentia, sed natura. - 12° Quod Dei filius non as>> sumpsit in beatâ et de beatâ virgine carnem veram, sed fantasticam. » 13° Dicunt quod pascha, pœnitentiæ et confessiones non sunt inventa ab >> Ecclesiâ, nisi ad habendum pecunias à laicis. -14° Item dicunt quod >> existens in peccato mortali non potest ligare vel absolvere. - 15° Item » quod nullus prælatus potest indulgentias dare. - 16° Item dicunt quod » omnis qui est à legitimo matrimonio natus, potest sine baptismo salvari. » De même que pour les Vaudois et les Albigeois, M. Sudre a longuement examiné la question pour les Wicléfites et les Hussites (Hist. du 20

T. I.

l'histoire du moyen âge des vestiges de la guerre qui se poursuit sous nos yeux, il faut descendre jusqu'aux sectes impures qui, au milieu de ces siècles de barbarie, firent revivre les aberrations et les infamies des Gnostiques. En effet, si les Gnostiques, condamnés par l'Église et persécutés par les empereurs, disparurent de la scène au commencement du vi° siècle, il est certain que le germe de leurs associations mystiques et théosophiques survécut à leur existence comme secte. Des traces évidentes de gnosticisme apparaissent à diverses époques du moyen âge, et la doctrine ne disparaît en réalité qu'au xve siècle de notre ère. Avant les Anabaptistes, dont nous parlerons au chapitre suivant, la lutte du pauvre contre le riche, de l'anarchie contre l'or

com., ch. VII). En ce qui concerne les deux premiers, il passe sous silence le livre d'un contemporain, Alain de Lille, le docteur ́universel. Les œuvres de l'illustre théologien (imprimées à Anvers en 1654, chez Lestenius, in-fo) renferment un traité complet contre les Albigeois et les Vaudois. A l'exemple des inquisiteurs du Languedoc, Alain passe en revue toutes les erreurs de ces sectaires. Or, ici encore, le communisme ne figure pas au nombre des griefs qu'on leur impute.

Une publication récente est venue jeter un jour nouveau sur ces questions. En 1851, un ministre Vaudois, M. Alexis Muston, a publié une histoire de la secte, sous ce titre : L'Israël des Alpes, première histoire complète des Vaudois du Piémont et de leurs colonies, composée en grande partie sur des documents inédits, avec l'indication des sources et des autorités (Paris, Marc Ducloux, 4 vol. in-12). Dépourvu de critique historique, rempli d'erreurs graves, le livre de M. Muston, malgré les injures grossières qu'il adresse trop souvent aux prêtres catholiques, doit fixer l'attention à cause des documents nombreux que l'auteur a recueillis avec une patience digne d'une meilleure cause. Un seul point en ressort à l'évidence; c'est que les erreurs vaudoises ne sont jamais sorties du cercle des aberrations religieuses. V. pour les Hussites la profession

de foi des Thaborites qui se trouve à l'Appendice.

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