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à quatre-vingts, pour répondre au service indispensable des trois derniers mois de cette année.

Voilà, messieurs, le triste récit de l'état des finances de France, dans un moment où il n'y a plus de crédit. C'est à regret que je donne publiquement cette instruction; mais je le fais à une époque où il n'est plus temps de se défendre par le secret des atteintes de l'opinion. J'ai l'âme déchirée d'avoir à présenter un pareil tableau de notre détresse. Ces temps où, au milieu d'une guerre dispendieuse, je pourvoyois, sans de grandes inquiétudes, à cent cinquante millions de dépenses extraordinaires; ces temps plus récens où, à l'approche de la réunion des représentans de la nation, je me formois le spectacle des prospérités de ce royaume et de la renaissance de toutes ses forces; ces temps sont trop près de mon souvenir, pour ne pas former dans ma pensée le contraste le plus affligeant avec les circonstances présentes. Ah! que la prudence des hommes est un foible bouclier, que leur prévoyance est incertaine! Il est un cours d'événemens qui les entraîne, et c'est en vain que le nautonier jeté sur le rivage se rappelle douloureusement le vaisseau qui l'a conduit long-temps avec sûreté au milieu des mers orageuses, mais dont il n'aperçoit plus

que les malheureux débris, le jouet des vagues et de la tempête.

C'est assez cependant, messieurs, vous avoir entretenus de nos infortunes; il faut se relever, il faut reprendre courage, il faut essayer de résister à tout, il faut faire tête à l'orage, et vous ressouvenir de ce que vous êtes et de tout ce que vous pouvez, aidés de la volonté d'un excellent roi, aidés de son véritable dévouement au rétablissement de l'ordre et au bonheur général.

Je crois devoir, messieurs, diviser en trois parties l'examen des moyens qui peuvent écarter les maux dont nous sommes environnés, et rendre aux finances de l'état une nouvelle vie.

Il faut établir un rapport certain entre les revenus et les dépenses fixes.

Il faut trouver les secours qui sont nécessaires pour satisfaire aux besoins extraordinaires de cette année, et songer à l'avance à ceux de l'année prochaine.

Il faut enfin se tirer de l'angoisse alarmante du moment présent.

Voilà l'exposé des trois parties que je dois traiter; elles ont entre elles un lien intime. Ce n'est que par la perspective d'un ordre stable à l'avenir, que l'on pourra consentir aux sacrifices nécessaires pour suffire aux besoins

extraordinaires; ce n'est enfin qu'en remplissant ces deux vues, que par un effort particulier on parviendra peut-être à sortir de la situation sans exemple où nous nous trouvons pour le moment.

PREMIÈRE PARTIE.

Revenus et dépenses fixes.

La situation n'est plus la même qu'à l'époque de l'ouverture des états-généraux. L'ordre dans la perception des droits et des impositions étoit parfaitement établi; l'on n'en prévoyoit pas l'interruption, et l'on pouvoit prudemment compter parmi les ressources de l'état, les améliorations survenues dans le produit de ces droits, et celles dont on étoit moralement certain. Une telle ressource n'a plus dans l'état actuel le même degré de réalité, puisque les recouvremens sont troublés, et qu'on est en doute sur la continuation de plusieurs de ces revenus. Enfin, l'on ne peut plus, dans un temps de défiance, rassurer les esprits par des bonifications diverses, divisées en plusieurs articles, qui exigent toutes un examen attentif, et dont le public n'est pas à portée de juger d'un coup d'œil. C'est donc tout un autre compte qu'il faut présenter aujourd'hui pour rétablir la tranquillité. Il est, de plus, nécessaire que vous-mêmes, mes

sieurs, sans être obligés à aucune recherche, ni à aucune étude approfondie qui prolongeroient infiniment vos déterminations, vous puissiez adopter des bases d'améliorations dans les finances, susceptibles d'être approuvées ou rejetées au milieu même de votre nombreuse assemblée. Ce n'est pas, je suis bien loin de le penser, ce n'est pas qu'il faille négliger aucune bonification partielle; mais on peut les réserver soit pour accroître le fonds d'une caisse d'amortissement, soit pour remplacer quelques droits onéreux, soit pour satisfaire à des accroissemens de dépense que la suite de vos dispositions pourroit rendre nécessaires.

Je vous rappellerai d'abord, messieurs, que le déficit, selon le compte qui vous a été présenté à l'ouverture de l'assemblée nationale, se montoit à environ cinquante-six millions.

Toutes les pièces justificatives de ce compte ont été remises aux députés qui composent le grand comité des finances, et je crois qu'ils sont en état de vous dire que s'ils n'ont pas tout examiné dans le plus grand détail, l'exactitude qu'ils ont aperçue jusqu'à présent, donne lieu de présumer que cet ouvrage a été fait avec beaucoup de soin et de régularité.

Lé chapitre des anticipations dans le compte des finances dont il est ici question, compre

noit en dépense environ ciuq millions pour l'intérêt de quatre-vingts millions qu'on supposoit nécessaires pour finir l'année; mais comme le dernier emprunt, en y ajoutant le fonds destiné aux remboursemens, a produit une nouvelle charge, pendant dix ans, de dix millions, c'est environ cinq millions à ajouter au déficit de cinquante-six millions, ce qui l'élève à soixante-un.

Le dernier emprunt, il est vrai, n'est pas rempli, mais il le sera successivement dans un temps donné; ainsi il faut mettre en ligne de compte les intérêts et les remboursemens auxquels il engagera, puisqu'il est question ici d'un état futur et permanent.

Je passe sous silence quelques petites augmentations de dépenses et de revenus, afin de ne point détourner votre attention par des bagatelles.

Voici maintenant les ressouces majeures qui pourroient balancer ce déficit, si vous jugiez propos de les adopter.

1o. Vous pourriez déterminer que les fonds destinés au département de la guerre seroient diminués de quinze à vingt millions, en améliorant cependant le sort du soldat; et vous demanderiez au roi que les nouveaux plans • fussent formés sur cette base.

2o. Le roi et la reine sont disposés à n'avoir

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