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capitale en particulier, cette multitude de voyageurs qui attirent en France une somme d'argent considérable, et dans le même temps une émigration de François d'une étendue effrayante, répand au dehors notre numéraire. Enfin, au sein du royaume, un grand nombre de citoyens regardant l'état des finances comme irrémédiable, et, considérant l'avenir d'une manière sinistre, enferment soigneusement leur argent, et des capitaux immenses sont comme disparus du milieu de nous. J'avois eu un moment d'espérance, lorsque je vous proposai un premier emprunt national et patriotique, à cinq pour cent d'intérêt; il n'est pas douteux qu'il eût été rempli en peu de jours, et cet empressement auroit ranimé pendant quelque temps les esprits; mais tel a été l'effet de ce qui s'est passé à cet égard, telle a été aussi l'impression donnée par des mouvemens momentanés, tantôt à Paris, tantôt dans votre assemblée, que l'on s'est intéressé lentement et foiblement dans votre second emprunt, quoique plus avantageux que le premier, et les étrangers surtout, de l'aveu de leurs correspondans, n'ont donné aucune commission. On devroit avoir plus de confiance dans les ressources, la sagesse et la volonté de la plus grande des nations; et n'étant qu'aux bords du précipice, il dépend encore de vous, mes

sieurs, de faire voir qu'on se trompe, et de reprendre avec éclat les sentimens qui vous appartiennent. Mais avant de développer ici vos moyens pour atteindre à ce but, je dois vous informer de la grandeur, du mal, de son urgence, et du désordre prochain dont nous. sommes menacés, i

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Il falloit le produit de votre dernier emprunt; il falloit, vous le savez, messieurs, quarante millions pour satisfaire aux besoins de ce mois et des premiers jours du suivant; it en falloit soixante.de plus pour achever le service de l'année, sans augmenter le fonds destiné jusqu'à présent au payement des rentes sur l'Hôtel-de-Ville; il faudroit enfin une somme inconnue, si le dépérissement des revenus du roi alloit en augmentant. Vous savez, messieurs, avec quelle instance j'ai sollicité de vous deux décrets que nous n'avons point encore; l'un pour protéger le recouvrement des droits sur les consommations; l'autre pour assurer le payement des impositions foncières. Cependant les alarmes s'accroissent chaque jour, le renouvellement des anticipations est presque entièrement arrêté, et il faut au contraire donner des secours à ceux qui, pour faire des avances au gouvernement, ont signé des billets qu'ils sont dans l'impuissance d'acquitter. Joignez à tous ces maux la dispa

rition journalière de l'argent effectif, et une disparition telle, que, même avec une grande richesse en papier, il deviendroit impossible de payer le prêt des troupes, et de satisfaire à la partie des dépenses qu'on est forcé d'acquit ter en deniers comptans.

Cependant c'est de toutes les provinces frontières où le payement des impositions se trouve retardé; c'est encore de Brest et de Toulon, pour les travaux des ports; c'est aussi de divers lieux où il faut acheter des grains et des bestiaux pour la subsistance de Paris et de Versailles; enfin c'est d'une quantité d'endroits, qu'au nom des plus grands périls on sollicite de l'argent comptant: et vous devez juger, messieurs, combien ce nouvel embarras est inquiétant, puisque j'ai proposé au roi de m'autoriser à faire porter toute sa vaisselle plate à la monnoie, proposition que S. M. a accueillie avec cet empressement, avec cet amour du bien qui la caractérise; et la reine, au moment où elle a eu connoissance de mes peines, m'a ordonné sur-le-champ de disposer pareillement de toute sa vaisselle : les ministres du roi ont suivi ces exemples. Remarquez bien, messieurs, que ce n'est pas pour procurer au trésor royal huit à neuf cent mille livres, que je me suis déterminé à proposer LL. MM. une privation momentanée; mais

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parce qu'il est impossible de faire du numéraire effectif autrement qu'avec des métaux; ainsi le vote d'un don gratuit de votre part, eût-il été de plusieurs millions, n'auroit pas rempli le même objet, puisqu'on auroit eu la faculté de le payer en papiers et à différens termes. Enfin, j'ai lieu d'espérer que l'exemple donné par le monarque encouragera les véritables amis de la chose publique, et l'on en fait déjà l'épreuve.

La caisse d'escompte, liée au gouvernement par ses services, se ressent de l'impression de tant de malheurs, et ses fonds en numéraire effectif auroient été épuisés depuis long-temps,

si

par toutes les dispositions que la nature des circonstances peut autoriser, elle ne résistoit pas à l'orage. Toutes les maisons de banque et de commerce, tous les hommes dans les affaires, éprouvent une gêne alarmante par le défaut absolu du numéraire, et par l'influence de l'embarras des finances. Enfin, la détresse du trésor royal, la pénurie générale sont tellement visibles, qu'il n'est plus temps de dissimuler, et d'en imposer par de la contenance: ainsi, malgré la publicité inévitable de tout ce qu'on doit confier à une assemblée nombreuse, malgré les vieilles règles, qui font du trésor royal un antre mystérieux, le roi a pensé, messieurs, qu'il valoit mieux tout

dire, qu'il valoit mieux découvrir, pendant qu'on aperçoit encore la possibilité du secours, la crise extrême où se trouvent les finances.

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Il y avoit hier matin, au trésor royal, douze millions huit cents mille livres, soit en billets de la caisse d'escompte, soit en argent comptant, soit en effets exigibles dans la semaine; cet état, au premier coup-d'œil, est fort audessus de celui dans lequel j'ai trouvé le trésor royal au mois d'août de l'année dernière mais d'abord, treize mois d'intervalle remplis d'événemens et de contrariétés inimaginables, ont épuisé toutes les ressources. D'ailleurs, d'ici à la fin du mois les besoins indispensables, c'est-à-dire, le prêt des troupes de terre, le prêt et le service de mer, le payement des intérêts acquittés au trésor royal, en les circonscrivant dans le plus exact nécessaire, le payement des pensions encore plus limité; enfin, le secours qu'exigent plusieurs caisses et divers trésoriers habitués à servir le roi de leur crédit, ces divers objets faisant uniquement partie des obligations forcées, ces divers objets, dis-je, se montent à huit ou neuf millions; ainsi il ne restera que trois ou quatre millions pour commencer le mois prochain, et nous aurions besoin de trente millions pour satisfaire à ses besoins, et de soixante-dix

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