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aussi libres que les armoiries; leur proscription, néanmoins, seroit entre tous les retranchemens de distinctions extérieures, le seul qui pourroit être agréable à une portion du peuple, en supposant encore que la classe de citoyens vouée par choix à l'état de domesti cité, attache quelque intérêt à ce changement; mais il occasionnera le désœuvrement d'un grand nombre d'ouvriers adonnés à la fabrication des galons et des rubans qui compo. sent ces livrées. Les principales manufactures en ce genre sont à Paris, et les consommations certaines qu'offroit la capitale avoient mis en état d'étendre ces établissemens au degré nécessaire pour entretenir un assez grand commerce extérieur.

.. On croit devoir terminer les observations contenues dans ce Mémoire par une réflexion générale, c'est qu'en poursuivant dans les plus petits détails tous les signes de distinction, on court peut-être le risque d'égarer le peuple sur le véritable sens de ce mot égalité, qui ne peut jamais signifier chez une nation civilisée et dans une société déjà subsistante, égalité de rang ou de propriété. La diversité des travaux et des fonctions, les différences de fortune et d'éducation, l'émulation, l'industrie, la gradation des talens et des connoissances, toutes ces disparités productrices du mouve

ment social, entraînent inévitablement des inégalités extérieures, et le seul but du législateur est, en imitation de la nature, de les réunir toutes vers un bonheur égal, quoique différent dans ses formes et dans ses développemens.

Tout s'unit, tout s'enchaîne dans la vaste étendue des combinaisons sociales, et souvent les genres de supériorité qui paroissent un abus aux premiers regards de la philosophie, sont essentiellement utiles pour servir de protection aux différentes lois de subordination, à ces lois qu'il est si nécessaire de défendre, et qu'on attaqueroit avec tant de moyens, si l'habitude et l'imagination cessoient jamais de leur servir d'appui.

Projet pour la Lettre du roi.

LE décret de l'assemblée nationale concernant les titres, les noms et les armoiries, afflige, avec de justes motifs, une classe nombreuse de la société, sans procurer aucun avantage au peuple; et comme, malgré son importance, il a été adopté dans une seule séance, ces diverses considérations m'ont déterminé à communiquer à l'assemblée nationale quelques observations à ce sujet; je lui demande de les examiner, et si elle persiste en tous les points dans son opinion, j'accepterai le décret, et par déférence pour les lumières de l'assemblée nationale, et parce que j'attache un grand prix à maintenir entre elle et moi une parfaite harmonie.

MÉMOIRE envoyé par le premier ministre des finances, à l'assemblée nationale, le 21 juillet 1790.

COMPTE DES RECETTES ET DES DÉPENSES, DU 1 MAI 1789 AU I MAI 1790.

MESSIEURS, j'ai l'honneur d'adresser à l'assemblée nationale le compte des recettes et des dépenses publiques; depuis le 1er mai 1789 jusqu'au 1er mai 1790, compte qu'elle a demandé avec beaucoup d'empressement.

L'entière confection d'un compte de quinze cents millions, réunion faite des articles en débit et des articles en crédit, d'un compte composé d'objets de tout genre reçus et payés dans tout le royaume, d'un compte mis en règle deux mois et demi après le terme jusqu'auquel il s'étend, un tel ouvrage, je le pense, sera considéré par ceux qui en connoissent la difficulté, comme un exemple remarquable de diligence; et si l'assemblée nationale détournoit son attention du mérite d'un pareil travail, il faudroit ranger cette circonstance parmi tant d'autres, qui avertissent les hommes publics de chercher dans leur propre sentiment le plus sûr dédommagement de leurs peines.

Je ne pourrois néanmoins renoncer, saus un grand sacrifice, à une approbation qui

m'est infiniment précieuse; ainsi je prie l'assemblée nationale de remarquer:

Que c'est au milieu d'un courant d'affaires immense, et dont rien ne peut arrêter le mouvement, qu'il a fallu former un compte si étendu ;

Que ce compte ne représente pas seulement les recettes et les dépenses faites au trésor royal, mais toutes celles encore qui ont lieu dans un grand nombre de caisses ressortissantes à ce trésor, soit à Paris, soit dans les provinces;

Que l'on peut aisément trouver un surcroît d'ouvriers, quand il est question de simples copies ou d'autres expéditions dont la conception est facile; mais dans les affaires compliquées, on ne peut éviter que toutes les parties se réunissent à un seul chef, le mobile et le centre du travail général;

Que les divisions de bureaux, l'ordre des registres, les formes de travail, enfin la machine entière du trésor royal est montée depuis un temps immémorial, selon le sens et la marche des comptes à rendre aux chambres des comptes;

Qu'il suffit essentiellement à ces cours de s'assurer que chacun rend compte de ce qu'il a reçu, et qu'aucun payement n'est fait sans une autorité valide et sans une quittance

régulière; mais il faut à une nation délibérant sur ses affaires, un tableau qui sépare tout ce qui est semblable, qui fasse disparoître les difficultés inséparables d'une multitude de rassemblemens préliminaires, pour ne présenter que des résultats simples, derrière lesquels se trouvent réunis, avec la même méthode, les détails justificatifs applicables à chaque objet;

Qu'il faut par ce moyen mettre l'universalité des citoyens à portée de juger, les uns d'un coup d'œil, les autres avec une certaine mesure d'attention, plusieurs avec une exactitude rigoureuse, et tous avec certitude, du degré d'étendue de chaque nature de recettes et de dépenses;

Que jusqu'à ces temps-ci, le ministre des finances lui-même n'avoit aucun intérêt à faire dresser à la hâte un compte général au bout d'une année révolue, puisque nulle dépense ne pouvant être faite sans son attache, il n'avoit besoin ni d'une connoissance détaillée, ni d'une récapitulation générale des choses passées, pour se garantir des abus que lui seul auroit pu commettre;

Qu'il suffisoit donc au ministre de suivre de la manière et dans les formes qui lui étoient le plus propres ou le plus commodes, la situation du trésor royal, le tableau des besoins et

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