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donner connoissance; il ne résultera pas de cette loi, comme on a paru le craindre, une extraction pour Paris de l'argent des provinces; elle empêchera seulement que l'administration ne soit obligée de faire sortir le numéraire de la capitale, pour satisfaire en entier au payement de toutes les dépenses du royaume, qui doivent être effectuées en espèces effectives. Une telle nécessité ne tarderoit pas à arrêter le service, et déjà de grandes difficultés se font sentir.

On se tromperoit en préjugeant qu'il suffit, pour les aplanir, d'avoir autorisé l'administration à faire tous les sacrifices nécessaires pour se procurer les fonds en argent que le payement des appoints exige; car ces appoints se montent extrêmement haut, lorsque tous les payemens au-dessous de deux cents livres en font partie, et il est à craindre que, même avec le secours du décret que je vous prie de demander à l'assemblée nationale, il ne faille être long-temps dans une action continuelle pour rassembler une quantité de numéraire équivalente à tous les besoins. L'envoi d'une grande quantité d'assignats dans les provinces, paroît une circonstance avantageuse sous plusieurs rapports; mais le revers, c'est le payement de tous les impôts en cette monnoie.

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Je dois vous rappeler, messieurs, que la caisse d'escompte devant, aux termes du décret du 4 de ce mois discontinuer son service, à commencer du 1er juillet prochain, le trésor public aura besoin d'un plus grand fonds en numéraire. Cette caisse, à la vérité, n'auroit pu rendre plus long-temps les mêmes services, parce que, dans la vue sage de ne pas augmenter le prix de l'argent sur la place, elle se bornoit à faire venir de l'or et de l'argent des pays étrangers; opération très-coûteuse, lorsqu'elle n'est pas contenue dans de justes

bornes; car au moment où l'on extrait de ces mêmes pays étrangers une somme d'argent supérieure à leur dette envers la France, on ne peut le faire sans une contraction dans les changes, infiniment désavantageuse. Il en coûteroit aujourd'hui plus de dix pour cent pour avoir des espèces par ce moyen, et la ressource encore seroit très-petite.

Je soumets, messieurs, toutes ces considérations à votre examen, et je ne doute point qu'elles ne vous paroissent, comme à moi, d'une très-grande impor

tance.

J'ai l'honneur d'être, etc.

P. S. Je crois devoir adresser une copie de cette lettre à l'assemblée nationale.

Copie de la lettre écrite par M. Necker à M. le président de l'assemblée nationale, le 18 juin 1790.

MONSIEUR le président, j'avois demandé à tous les receveurs particuliers des pays d'élection et des pays conquis, au nombre de deux cent onze, de m'adresser l'état de leurs recouvremens sur l'exercice 1790, et l'ayant reçu de leur part presque en entier, j'en ai fait faire le dépouillement, et je l'ai résumé dans un tableau que j'ai l'honneur d'adresser à l'assemblée. Les receveurs lui enverront dorénavant directement la suite de ces renseignemens, parce que l'assemblée a jugé à propos d'adopter cette forme.

J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur le président, votre, etc.

Rapport envoyé à l'assemblée nationale, par M. Necker, le 18 juin 1790.

DEMANDE D'UN NOUVEAU SECOURS EN ASSIGNATS.

MESSIEURS, le comité des finances demandera aujourd'hui ou demain à l'assemblée nationale, l'autorité nécessaire pour faire verser au trésor public un nouveau secours en billets de la caisse d'escompte, portant promesse de fournir en remplacement des assignats; et comme aux diverses époques où de pareilles réquisitions ont été faites, on a montré, dans l'assemblée nationale, une sorte de surprise, je crois convenable de lui présenter à l'avance quelques réflexions sur ce sujet.

Le tableau des ressources et des besoins de l'état pendant le cours des huit derniers mois de cette année, a fait connoître que la totalité des quatre cents millions de billets-assignats devenoit nécessaire, et pour s'acquitter envers la caisse d'escompte des cent soixante-dix millions. qui lui sont dus, et pour rembourser les anticipations, et pour payer dans le cours de cette année deux semestres des rentes sur l'Hôtel-de-Ville, et pour satisfaire aux dépenses extraordinaires, et pour subvenir enfin à l'excédant des dépenses fixes sur les revenus fixes, tant que le niveau ne sera pas entièrement rétabli.

Si donc les quatre cents millions de billets-assignats sont indispensables pour satisfaire aux divers besoins de l'année, il est évident que chaque mois et chaque jour il faut pouvoir disposer d'une portion de ces billets; et tant qu'ils ne sont pas faits, on se trouve dans la nécessité d'y suppléer par des promesses d'en fournir.

Ce n'est donc pas un prêt qui a été demandé à la caisse d'escompte, lorsqu'à trois reprises différentes elle a été autorisée, par vos décrets, à délivrer chaque fois au tré

sor public pour vingt millions de pareilles promesses; elle n'est intervenue dans cette affaire que par sa signature, et l'on a préféré la sienne à toute autre, parce qu'elle étoit plus connue.

Ces promesses de la caisse d'escompte une fois considérées comme les assignats mêmes, la demande qui vous en est faite au nom du trésor public ne paroîtroit susceptible d'objection qu'autant que cette demande surpasseroit les besoins réels, ou du mois, ou de la semaine, selon que vous jugeriez à propos de diviser la livraison. de ces promesses or votre comité des finances est en état de vous éclairer parfaitement sur ce point, puisque toutes les semaines il reçoit le bordereau des recettes et des dépenses du trésor public.

L'assemblée nationale peut d'ailleurs juger elle-même par un compte d'approximation bien simple, qu'une demande chaque mois de vingt à trente millions d'assignats, ou de promesses d'assignats, est parfaitement naturelle.

Il falloit, selon l'état spéculatif des recettes et des dépenses des huit derniers mois de cette année, trois cent quatre-vingts millions d'assignats pour établir l'équilibre entre les unes et les autres :

Déduisant de cette somme cent soixante-dix millions destinés à l'acquittement de la créance de la caisse d'escompte,

Reste à disposer, pour les autres besoins du trésor public, deux cent dix millions;

Laquelle somme, divisée par huit mois,

commencer

du 1er mai dernier, fait 26,250,000 liv. par mois.

Or, depuis cette époque du 1er mai jusqu'à ce jour, il y a eu quarante millions de ces promesses d'assignats, remis au trésor public, ce qui n'excède pas la proportion de vingt-six millions par mois.

Cependant, il ne seroit pas extraordinaire que le trésor public eût besoin d'une plus forte somme d'assignats dans ces premiers mois, que dans les derniers de l'année; car ni les recettes ni les dépenses ne sont partagées également entre tous ces mois. Les dépenses ne le sont pas, parce qu'on ne se ressentira que successivement des économies déterminées par vos décrets : les recettes ne le sont pas non plus, parce que dans cet instant il n'y a qu'une très-modique somme versée au trésor public pour la contribution patriotique, et parce que les recouvremens de l'imposition destinée au remplacement de la gabelle, des droits sur les cuirs, sur l'amidon, les huiles et les fers, ne peuvent être mis en action qu'au moment où vous aurez fixé la répartition de cette imposition entre les divers départemens; ce qui n'est pas encore effectué.

Lors de la dernière demande de vingt millions, qui vous a été faite pour le secours du trésor public, l'assemblée nationale a croire que paru la cause de ce besoin provenoit en grande partie du retard de payement des impositions directes, et vous avez décrété que les receveurs des tailles vous adresseroient le bordereau de leurs

recouvremens.

Permettez-moi de vous observer, messieurs, que le retard du payement des impositions directes ne fait point partie des besoins de cette année; car on a passé les impositions en plein dans l'aperçu de finance qui vous a été présenté pour les huit derniers mois de l'année, et l'on a dû le faire, puisque les receveurs généraux, à peu d'exceptions près, ont satisfait jusqu'à présent aux engagemens qu'ils avoient pris avec le trésor public, pour le payement, à tant par mois, du montant de la taille, des vingtièmes et de la capitation.

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