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bienfait, devenu si nécessaire et si précieux, semble annoncer que la protection du ciel ne nous est pas encore entièrement retirée, et nous aurons ainsi des actions de grâces à joindre à nos prières. Accompagnez ces prières des exhortations les plus pressantes, faites sentir au peuple, faites sentir à tous mes sujets que la prospérité de l'état, que le bonheur des particuliers, dépendent essentiellement de l'exacte observation des lois. La violence ne peut jouir qu'un moment de ses succès et de ses prospérités criminelles; on s'élève bientôt de toutes parts contre elle, et les hommes qui rompent le pacte social, ce fondement de la tranquillité publique, en reçoivent tôt ou tard la peine inévitable.

Nulle part les fortunes ne sont égales, et elles ne peuvent pas l'être; mais quand les riches vivent sans défiance au milieu de ceux qui le sont moins, leur superflu se reverse nécessairement sur l'industrie, le commerce et l'agriculture; et comme leurs jouissances sont bornées par les lois immuables de la providence, souvent ils sont moins heureux que ceux dont la vie, occupée par le travail, se trouve à l'abri du tumulte des passions. Mais ce que vous devez surtout rappeler à mes sujets, c'est qu'en rassemblant autour de moi les représentans de la nation, j'ai eu principale

ment à cœur d'adoucir le sort du peuple par toutes les dispositions qui me paroîtroient pouvoir se concilier avec les devoirs de la justice. Déjà, par un même esprit, les prélats, les seigneurs, les gentilshommes, les hommes riches de tout état, se disputent à l'envi les moyens de rendre le peuple plus heureux; et pour atteindre à ce but, ils offrent des sacrifices qu'on n'auroit pas eu le droit d'exiger d'eux. Exhortez donc tous mes sujets à attendre avec tranquillité le succès de ces dispositions patriotiques; éloignez-les, détournez-les d'en troubler le cours par des insurrections propres à décourager tous les gens de bien. Que le peuple se confie à ma protection et à mon amour; quand tout le monde l'abandonneroit, je veillerois sur lui; mais jamais, dans aucun temps, il n'y a eu en. sa faveur un concours plus général de volontés et d'affections. de la part de tous les ordres de la société. Exhortez-le donc, au nom de la religion, à être reconnoissant, et à montrer ce sentiment par son obéissance aux lois de la justice; avertissez, instruisez ce bon peuple des piéges des méchans, afin qu'il rejette loin de lui, comme des ennemis de la patrie, tous ceux qui voudroient l'induire à des actes de violence, tous ceux qui voudroient le détourner

de

payer sa part des charges publiques, et le

priver ainsi de l'honorable qualité de citoyen de l'état.

Les divers impôts qui composent les revenus publics seront examinés dans le cours de l'assemblée nationale; ceux qui paroîtront trop onéreux seront remplacés par d'autres, et tous seront adoucis successivement par le ménagement et la régularité des perceptions; mais jusqu'à l'époque prochaine où les affaires seront arrangées, tous mes sujets ont un égal intérêt au maintien de l'ordre: car la confusion entraîne la confusion, et souvent alors la sagesse des hommes est impuissante pour remédier à la grandeur des maux, et pour arrêter le progrès des inimitiés et des défiances mutuelles. Je ferai, pour le rétablissement de l'ordre dans les finances, tous les abandons personnels qui seront jugés nécessaires ou convenables; car, non pas seulement aux dépens de la pompe ou des plaisirs du trône, qui, depuis quelque temps, se sont changés pour moi en amertumes, mais par de plus grands sacrifices, je voudrois pouvoir rendre. à mes sujets le repos et le bonheur. Venez donc à mon aide, venez au secours de l'état par vos exhortations et par vos prières ; je vous y invite avec instance, et je compte sur votre zèle et sur votre obéissance.

LETTRE de M. Necker, premier ministre des finances, à M. le président de l'assemblée nationale. Versailles, le 11 septembre 1789.

SUR LE VÉTo.

MONSIEUR le président, les ministres du roi ont cru devoir entretenir S. M. de la discussion qui s'est élevée dans l'assemblée nationale, sur la sanction royale; et le roi, après avoir pris connoissance du rapport que j'ai fait au conseil, m'a permis d'en donner communication à l'assemblée nationale. S. M. m'a autorisé à terminer ce Mémoire par quelques réflexions que je soumets avec respect à l'assemblée nationale, et je tiens ainsi l'engagement que j'ai pris, en disant dans mon dernier rapport à cette assemblée, qu'obéissant aux lois du devoir, je me mettrois en avant toutes les fois que j'apercevrois dans cette conduite le plus léger avantage public.

J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur. Signé NECKER.

RAPPORT fait au roi dans son conseil, par le premier ministre des finances.

VOTRE majesté connoît les débats qui ont lieu depuis quelque temps, à l'assemblée nationale, sur la sanction royale. La division

de sentimens à cet égard, semble annoncer que la supériorité de suffrages en faveur du véto indéfini entre les mains du roi, est au moins fort incertaine.

Cependant la chaleur contre un semblable. résultat est telle, qu'une grande scission paroît à craindre, si le véto absolu ne l'emporte que foiblement sur l'opinion contraire, et il en résulteroit peut-être une commotion dangereuse. La plus petite majorité dans une délibération nationale suffit avec raison pour faire loi, mais elle n'assure pas la tranquillité publique, lorsqu'elle décide des questions auxquelles tous les sentimens, tous les intérêts et toutes les passions s'associent. On ne doit pas non plus se dissimuler que ce mot vague le véto, le véto absolu, peut devenir une arme entre les mains des gens malintentionnés ; car auprès de la multitude, il ne seroit pas difficile de présenter ce droit d'opposition comme un moyen ménagé au gouvernement pour tout arrêter, et pour détruire en un jour les espérances de la nation et le fruit de ses efforts.

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Il n'est rien de si propre à échauffer les esprits du vulgaire, qu'une expression susceptible de diverses interprétations, lorsque cette expression est destinée à rappeler une idée qui n'est pas encore familière; et il seroit à

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