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numéraire fictif, si l'on veut parvenir à la vente des domaines nationaux; et l'on ajoute que cette vente étant devenue d'une nécessité absolue pour se tirer de l'embarras où l'on se trouve, le bien de l'état doit déterminer à une opération extraordinaire, et qu'en tout autre temps, peut-être, on auroit rejetée.

Je ferai d'abord observer que si cette opération extraordinaire réunissoit, comme je l'ai montré, tous les dangers possibles, et des dangers d'une nature plus grave qu'aucun autre genre de péril, cette considération suffiroit pour l'écarter du mombre des ressources. D'ailleurs, il n'est nullement démontré que la vente des domaines nationaux doive être arrêtée par l'effet d'une disette de numéraire.

Il en existe en France, selon toutes les vraisemblances, au-delà de deux milliards en monnoie réelle.

Il y a de plus quatre cents millions de billets-assignats décrétés par l'assemblée nationale, et déjà répandus en grande partie dans la circulation.

Il faudra, forcément et malheureusement, en augmenter la somme, pour faire face aux besoins de la fin de l'année et des commencemens de l'autre.

Enfin, si l'on admettoit de quelque manière, soit la dette publique en entier, soit unique

ment la dette exigible en payement des domai nes nationaux, pourroit-on craindre qu'avec tant de moyens réunis le manque des signes d'échange arrétât les acquisitions dont on auroit la volonté !

Ce seroit une idée fort raisonnable que d'admettre les effets publics en payement de ces domaines, mais seulement pour une partie aliquote du produit des ventes, afin de conserver aux billets-assignats actuellement existans, l'issue qui leur a été promise. On pourroit encore sans inconvénient, donner, pour cette admission, la préférence à la dette exigible; car le prix général des fonds publics se ressentiroit favorablement d'un débouché ouvert à une partie quelconque de la dette publique; mais il n'y auroit point de parité de traitement, et l'on manqueroit aux règles de l'équité, si dans le même temps que les rentes perpétuelles et viagères resteroient en leur ancien état, on étéignoit la dette exigible avec des billets-monnoie dont la valeur seroit soumise aux révolutions que l'immense quantité

de ces billets entraîneroit nécessairement.

Je ne m'étendrai pas davantage. Ignorant les diverses propositions du comité des finances, je n'ai pour but en ce moment que d'opposer une première résistance à celle d'entre ces propositions qui me frappe comme désas

NEUF CENTS MILLIONS D'ASSIGNATS. 447 treuse. Je n'en connois aucune qui ne fût préférable à un genre de ressources qui séduiroit peut-être par sa simplicité, si cette simplicité n'étoit pas le renversement violent de tous les obstacles.

Il faut se défier des inventions avec lesquelles on veut s'affranchir, d'un tour de main, de tous les embarras accumulés par des circonstances inouïes. Le véritable génie de l'administration, c'est la sagesse; elle est nécessaire, elle est indispensable à la place du centre, à ce point de réunion de toutes les considérations, de toutes les difficultés et de tous les devoirs. Les abstractions en affaires publiques me paroissent chaque jour plus redoutables : il est peu de personnes, dans la carrière du gouvernement, qui n'aient commencé par elles, et plus on a d'esprit, plus on les aime, parce qu'elles présentent à la pensée un domaine immense; mais à mesure que l'action de l'administration nous a mis aux prises avec les réalités, on se dégage insensiblement des idées systématiques, on se voit forcé de soumettre son imagination au joug de l'expérience; et en observant le cours et le point de départ des opinions. communes, soit en gouvernement, soit en économie politique, on respecte davantage ce résultat précieux de tant de réflexions et de tant de pensées.

COPIE de la lettre de M. le premier ministre des finances, à messieurs les députés à l'assemblée nationale, le 3 septembre 1790.

RETRAITE DE M. NECKER.

MESSIEURS, ma santé est depuis long-temps affoiblie par une suite continuelle de travaux, de peines et d'inquiétudes. Je différois cependant d'un jour à l'autre d'exécuter le plan que j'avois formé de profiter des restes de la belle saison, pour aller prendre les eaux, dont on m'a donné le conseil absolu; et n'écoutant que mon zèle et mon dévouement, je commençois à me livrer à un travail extraordinaire, pour déférer à une demande de l'assemblée, qui m'a été communiquée par le comité des finances: mais un nouveau retour que je viens d'éprouver des maux qui m'ont mis en grand danger cet hiver, et les inquiétudes mortelles d'une femme aussi vertueuse que chère à mon cœur, me décident, messieurs, à ne point tarder de suivre ma détermination. Je ne dois point dissimuler que j'ai l'intention, en remplissant mon projet de retraite, d'aller retrouver l'asile que j'ai quitté pour me rendre à vos ordres. Vous approcherez alors de la fin de votre session, et je suis hors d'état d'entreprendre une nouvelle carrière.

L'assemblée nationale m'a demandé un compte de la recette et de la dépense du trésor public, depuis le 1er mai 1789 jusqu'au 1er mai 1790; je l'ai remis le 21 du mois de juillet dernier. L'assemblée a chargé son comité des finances de l'examiner, et plusieurs membres de ce comité se sont partagé entre eux le travail. Je crois qu'il auroit déjà pu connoître s'il existe quelqué dépense ou quelque autre disposition susceptible de reproche; et cette recherche, il me semble, est la seule qui concerne essentiellement le ministre; car les calculs de détail, l'inspection des titres, la révision des quittances, ces opérations nécessairement longues, sont particulièrement ap plicables à la gestion des payeurs, des receveurs, et des différens comptables.

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Cependant messieurs, j'offre et je laisse en garantie de mon administration, ma maison de Paris, ma maison de campagne et més fonds au trésor royal; ils consistent depuis longtemps en deux millions quatre cent mille livres, et je demande seulement à retirer quatre cent mille livres dont l'état de mes affaires, en quittant Paris, me rend la disposition nécessaire; le surplus, je le remets sans crainte sous la sauvegarde de la nation. J'attache même quelque intérêt à conserver la trace d'un dépôt que je crois honorable pour moi, puisque je

VII.

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