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MÉMOIRE lu à l'assemblée nationale, par

M. Necker, le 29

mai 1790.

BUDJET DES HUIT DERNIERS MOIS DE 1790.

MESSIEURS, j'ai remis au comité des finances, selon votre décret du 18 du mois dernier, l'aperçu des recettes et des dépenses pour le mois d'avril et de mai, et je lui communique exactement le bordereau de situation du trésor public de chaque semaine.

La création de quatre cents millions d'assignats, et la destination que vous avez faite de ce fonds extraordinaire, tant pour éteindre les anticipations, que pour liquider une partie de la dette arriérée, et pour avancer d'un semestre le payement des rentes, ces diverses dispositions exigent nécessairement que je mette sous vos yeux un nouvel état spéculatif des besoins et des dépenses de toute cette année. J'en ai déjà donné une première connoissance à votre comité des finances; mais il ne désapprouvera pas sans doute que j'aie l'honneur de vous présenter moi-même ce compte: il m'est précieux d'entretenir, au moins de temps à autre avec vous, messieurs, des relations directes. Privé de cet encouragement habituel par la formation de vos comités, je ne concours pas avec moins de zèle aux dispositions qui s'y préparent; mais je ne saurois renoncer

au désir bien naturel de me rappeler quelquefois à votre intérêt et à vos bontés.

Il est d'ailleurs nécessaire que j'accompagne de quelques explications le tableau spéculatif dont je viens de vous parler.

L'assemblée nationale y verra que toutes les anticipations dont l'échéance tombe dans le cours de cette année, sont portées en dépense dans leur entier, parce que, d'après les décrets des 16 et 17 avril, sanctionnés par S. M., tout renouvellement de ces anticipations est interdit.

J'ai de plus fait porter en dépense dans le même compte, l'année entière 1789 des rentes sur l'Hôtel-de-Ville; ainsi, conformément à vos intentions, il y aura d'ici au 31 décembre deux semestres de payés au lieu d'un.

J'ai mis encore en dépense les cent soixante et dix millions dus à la caisse d'escompte le rer de ce mois, date de mon tableau spéculatif.

Enfin, j'ai compris dans ce compte les diverses dépenses extraordinaires dont le payement paroît nécessaire ou convenable pendant le cours de cette année; et vous verrez dans le nombre une somme de douze millions pour le département de la marine, dont la majeure partie est applicable aux armemens de précaution que vous avez approuvés, armemens

dont la dépense générale a été mise sous vos yeux par M. le comte de La Luzerne.

Tous les autres articles du tableau spéculatif de l'année présentent les objets connus sous le titre de dépenses fixes ou ordinaires; et je dois faire observer que pour suivre une marche uniforme, et pour ne pas fixerà l'avance avec précipitation les diverses économies que vous n'avez pas encore décrétées, j'ai cru devoir passer tous ces articles de dépense ordinaire, tels qu'ils ont été portés en compte dans le tableau des revenus et des dépenses fixes. J'ai déduit en-suite vingt-cinq millions sur l'ensemble de ces mêmes dépenses, évaluant à une telle somme, et par aperçu, les réductions qui pourront être effectuées dans le cours des huit derniers mois de cette année; et j'ajoute que cette épargne est déjà commencée sur plusieurs parties.

Les articles de recette, dans l'état spéculatif que je viens de former, se trouvent d'abord composés des revenus fixes et ordinaires. L'on a supputé le produit des impôts indirects, conformément à l'évaluation donnée par chaque compagnie de finance, et cette évaluation se rapporte nécessairement à l'état actuel des recouvremens, état susceptible d'augmentation, comme aussi de diminution.

J'ai passé de plus en recette, à titre de res

sources extraordinaires pendant les huit derniers mois de l'année:

1o. Ce qu'on peut attendre dans cet intervalle de la contribution patriotique, ainsi que de l'emprunt de 1789 et du reliquat des emprunts des pays d'états.

2o. Les trois cent quatre-vingts millions de billets assignats dont il restoit à disposer le 1er mai; je dis trois cent quatre-vingt et non quatre cents, parce qu'avant cette époque il y en a eu vingt d'engagés sur des promesses au porteur de la caisse d'escompte, lesquels ont été appliqués aux besoins du trésor public, conformément à votre décret du 17 avril der

nier.

Il résulte du tableau spéculatif des besoins et des ressources d'ici à la fin de cette année, qu'il y auroit un excédant de onze millions quatre cent mille livres. Ce seroit peu, puisqu'il faut toujours avoir un fonds de caisse oisif, et que ce fonds doit être plus considérable lorsque la prudence exige de se munir, et d'une somme en billets-assignats pour les affaires courantes, et d'une somme de numéraire suffisante pour effectuer les payemens qni ne peuvent pas être faits d'une autre ma

nière.

Je dois faire observer encore, que dans le compte spéculatif mis sous vos yeux, je sup

pose que les impositions directes, payables pendant le cours des huit derniers mois de cette année, rentreront exactement; et il est possible qu'il y ait des retards sur une por

tion.

Il faudra donc, dans le cours de l'année, continuer à diriger avec ménagement toutes les dépenses, afin de n'ètre embarrassé ni par les circonstances que je viens d'indiquer, ni par les mécomptes possibles sur les divers articles de recettes et de dépenses qui reposent, encore en ce moment sur des bases hypothétiques.

Les finances, on l'a dit plusieurs fois, les finances ont été dans la plus grande gêne, et par l'existence du déficit dont vous avez eu connoissance à l'ouverture de cette assemblée, et par la nécessité d'acquitter une somme considérable de dépenses extraordinaires, et par le remboursement forcé de la plus grande partie des anticipations, et par le dépérissement progressif des impôts indirects, et par les retards de payemens éprouvés sur les autres contributions, et par le concours enfin de plusieurs circonstances malheureuses. Vous vérrez donc, messieurs, avec satisfaction, que, nonobstant ces contrariétés, le service du trésor public, du moins selon les vraisemblances, se trouve parfaitement assuré jusqu'à la fin

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