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sera entre la publicité de vos plans et l'époque où vous les arrêterez définitivement, vous procurera le supplément de lumières qui naît de la contradiction, et cette marche aura toutes sortes d'avantages. Je crois, messieurs, qu'en vous livrant sans relâche aux recherches et aux discussions qu'une affaire si importante exige, et en divisant vos travaux avec méthode, vous pourriez, en très-peu de temps, asseoir les premières bases de la confiance, et dès ce moment le grand et pressant intérêt que vous paroîtriez y mettre, auroit beaucoup d'influence sur le crédit.

Il ne vous échappera pas, messieurs, qu'en vous occupant de l'équilibre entre les recettes et les dépenses fixes de l'état, il est indispensable que vous apportiez la même activité à la recherche et au choix des ressources néces saires pour arriver sans trouble et sans mal. heur à l'époque de la régénération constante de l'ordre. Il s'est joint à l'embarras provenant d'un déficit qui n'est pas encore réparé, celui qui est occasionné par la diminution sensible des revenus, et par les achats considérables des grains faits pour le compte du roi dans l'étranger. Il devient bien nécessaire que l'étendue des besoins extraordinaires pour cette année et pour la suivante, vous soient parfaitement connus, et que vous voyiez à

l'avance quelles dispositions il conviendroit d'adopter, si l'emprunt ne réussissoit pas, et quelles ressources il faudroit y joindre, s'il avoit le succès qu'on doit espérer; car il ne faut rien projeter à demi, et il importe de ne laisser aucune prise aux erreurs et aux tristes conjectures.

La caisse d'escompte, dans d'autres temps, auroit beaucoup aidé le trésor royal, en lui faisant des avances sur l'emprunt que vous déterminerez; mais elle a déjà secouru les finances autant qu'il étoit en son pouvoir, et la rareté inouïe de l'argent effectif, suite inséparable du discrédit, épuisant sa caisse, elle ne peut plus offrir que des ressources bornées. Il seroit de la plus grande importance que l'assemblée nationale prît incessamment une connoissance approfondie de cet établissement, et qu'elle appelât dans un comité quelquesuns des administrateurs de cette caisse. Remplis de zèle pour la chose publique, ils sont en état, par leurs lumières, d'indiquer à l'assemblée nationale, par quels moyens on pourroit augmenter le crédit et la circulation de leurs billets. L'on examineroit dans ce même comité les divers projets qui ont été donnés pour l'établissement d'une banque nationale, et certainement il naîtroit de cette réunion 3

VII.

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pliés dont vous avez connoissance, fixer votre principale attention sur l'impôt du sel. Il n'y a pas un moment à perdre pour prendre à cet égard une délibération provisoire. La contrebande, dans plusieurs provinces, se fait à main armée, et les défenseurs des revenus du fisc, hors d'état d'y opposer une résistance suffisante, se sont la plupart dispersés. Le peuple, dans d'autres endroits, a contraint les gardiens des greniers publics à lui distribuer le sel au prix qu'il a fixé lui-même. Il faut s'étonner que, dans la plus grande partie du royaume, l'ordre établi par les lois n'ait pas encore été renversé; mais chaque jour l'exemple gagne, et vous savez, messieurs, ce qui vient de se passer à Versailles même, autour de vous, et sous les yeux du roi. Il importe que vous considériez sans retard, sans aucun délai, ce qu'il convient de faire dans de pareilles circonstances, et je vais vous soumettre en abrégé les réflexions que la situation présente des affaires m'a suggérées.

Je doute, messieurs, qu'un décret de l'assemblée nationale, soutenu du pouvoir exécutif, dans l'état de balancement et de contradiction où ce pouvoir se trouve aujour d'hui, fût suffisant pour rétablir partout l'impôt du sel tel qu'il existoit avant la subversion de l'ordre; et quand il seroit possible d'y par

venir, trouveriez-vous conforme aux lois de la justice et de la bonté, que S. M. déployât contre ses sujets toute la puissance des armes, dans un moment où vous n'avez pas l'intention de maintenir à l'avenir l'impôt du sel selon son ancienne constitution? Le peuple, qui ignore vos intentions, et qui doit respecter les lois établies, s'est rendu coupable sans doute par ses insurrections; mais le roi, messieurs, qui a connoissance de vos dispositions futures, répugne avec raison à faire usage de moyens rigoureux pour le rétablissement d'un ordre de choses qui ne doit être que passager.

En même temps, d'autres grandes difficultés se présentent. Il ne seroit pas de votre prudence de supprimer en entier l'impôt du sel, sans avoir eu le temps d'examiner mûrement de quelle manière un revenu de soixante millions peut être remplacé convenablement, et sans avoir la connoissance des ressources auxquelles il faudra recourir pour faire face aux besoins de l'état; et vous aurez à prendre en considération l'effet que pourront faire cette année, sur les revenus territoriaux, les mouvemens populaires qui tendront encore pendant long-temps à baisser le prix du pain et celui des grains. Une multitude de circonstances, qui n'échapperont pas à votre sagacité, semblent inviter en beaucoup de choses à une

marche très-prudente et très-circonspecte. Cependant il faut prendre un parti, et promptement; car le pis de tout seroit le dépérissement graduel d'un revenu par le seul effet du désordre et de l'impunité. Le roi, fixant son attention sur toutes ces difficultés, vous invite, messieurs, à considérer s'il ne conviendroit pas, s'il ne seroit pas nécessaire de fixer dès à présent la vente du sel à six sous la livre dans tous les greniers de gabelle où il se distribue à plus haut prix; cette disposition occasionneroit une diminution de revenus de trente millions, mais l'accroissement de la consommation, effet de la réduction du prix, atténueroit cette perte. L'on trouveroit encore un dédommagement dans la diminution de la contrebande, qui seroit infiniment moins excitée, si le prix du sel étoit réduit à six sous. Une partie même de cette contrebande, à la vérité la moindre de toutes, celle entre les pays de grandes et petites gabelles, n'existeroit plus du tout, et il résulteroit de ces dispositions une économie importante sur les frais de garde. Le prix du sel une fois réduit à six sous par un décret de l'assemblée nationale, sanctionné par S. M., les réclamations quí pourroient s'élever, même contre ce prix, seroient si peu nombreuses et si révoltantes, qu'il deviendroit facile de les réprimer. Enfin,

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