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de voir le crédit dans toute sa vigueur. Que les jours donc sont précieux, surtout après tant d'attente !

J'éprouve pour ma part comme une sorte de honte d'avoir à rendre si long-temps toutes les nations de l'Europe confidentes de nos embarras de finance. Vous, messieurs, les représentans de la nation, comment ne partageriezvous pas ces sentimens? Vous ne sauriez imaginer à quel point vos diverses délibérations perdent de leur couleur à une certaine distance, tant qu'on ne vous voit pas occupés avec énergie de ce qui compose la force et la vigueur des états, la réparation du crédit et le rétablissement de l'ordre. On ne sait non plus au dehors comment se faire une idée complète de notre patriotisme, quand on voit comment languit en plusieurs villes la contribution fondée sur cette vertu; quand on voit comment on résiste, comment on échappe en tant de lieux au payement de celles qui sont essentiellement nécessaires aux besoins de l'état, ou à l'acquittement des obligations communes: aussi dans l'intérieur du royaume, à la vue de tant de gens qui abandonnent en cette partie l'intérêt public, chacun se refroidit, chacun s'isole, et les résistances de tout genre convertissent l'administration en une négociation continuelle avec tous les intérêts,

avec toutes les volontés, avec toutes les passions. Ah! que de peines! mais le terme que peuvent déjà saisir nos espérances n'est pas éloigné, et nous y parviendrons; car vous aurez assez de vertu pour réunir vos secours efficaces aux efforts de l'administration des finances. Voyez, messieurs, par toute la France, cette foule innombrable de citoyens qui vous en sollicitent; voyez plus près de vous ces habitans de Paris, qui, par la perte qu'ils éprou

vent sur les billets de caisse mis en circulation, par le retard du payement de leurs rentes, et par la plus douce et la plus estimable condescendance au malheur des circonstances, méritent vos plus sensibles égards. Je n'en doute point, vous ferez le bien complétement; mais aujourd'hui ce but, du moins pour les finances, ne peut être rempli que par la plus grande célérité. Les moyens décisifs, les ressources efficaces ont passé dans vos mains; vous y joindrez ce qui les met en action, une volonté ardente, un zèle soutenu, et bientôt les esprits se calmeront, la confiance reparoîtra, et un horizon brillant prendra la place de ces nuages ténébreux qui bornent aujourd'hui notre vue.

Note particulière.

SERVICE DE MARS.

ON sépare cet article du Mémoire précédent, afin qu'il fixe davantage l'attention de l'assemblée nationale.

Les administrateurs de la caisse d'escompte veulent payer en rescriptions ou assignations. reçues il y a un an du trésor royal, mais échéant dans les mois d'avril, mai et juin, la somme qui leur reste à fournir au trésor public, pour complément des quatre-vingts millions. L'administration des finances se refuse obstinément à cet arrangement, qui apporteroit un obstacle positif au service de ce mois et des premiers jours de l'autre. Le ministre des finances prie l'assemblée nationale d'empêcher par un décret, ou par une simple lettre de son président autorisé d'elle, que la caisse d'escompte ne donne au trésor public pour le reste de son engagement de quatre-vingts millions, des effets payables au-delà du mois de

mars.

MÉMOIRE du premier ministre des finances, lu à l'assemblée nationale le 12 mars 1790.

PROJET D'ÉTABLISSEMENT D'UN BUREAU DE TRÉSORERIE.

MESSIEURS, je crois l'établissement d'un bureau de trésorerie destiné à diriger, sous les ordres du roi, tout ce qui tient au trésor public, si utile en tous les temps, si nécessaire dans les circonstances particulières où nous nous trouvons, que l'assemblée nationale me permettra, j'espère, d'ajouter quelques réflexions à celles que j'ai déjà présentées dans mon dernier Mémoire.

J'entends dire que l'assemblée, en approuvant l'idée de l'établissement d'un bureau de trésorerie, ne paroît pas disposée à consentir qu'aucune des personnes dont S. M. composeroit ce bureau fût choisie dans l'assemblée nationale.

Il est de mon devoir de la prévenir qu'une telle condition mettroit absolument obstacle à l'exécution des intentions paternelles du roi; et pour appuyer cette proposition, je dois d'abord faire observer que la principale utilité de ce bureau seroit perdue, si aucun de ses membres ne pouvoit être en même temps député à l'assemblée nationale; car il importe, et surtout aujourd'hui, qu'il existe une communication de tous les jours et de tous les 19

VII.

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instans, entre le corps législatif et l'administration des finances. Il ne peut suffire que cette communication soit établie par de simples mémoires, qu'on hésite, qu'on diffère de donner, qui font toujours événement, et qu'on ne peut ni expliquer ni défendre, à moins d'être présent habituellement à votre assemblée. Ce n'est pas d'ailleurs seulement aux époques éparses d'une discussion par mémoire, que les intérêts du trésor public doivent être manifestés et soutenus, car à chaque instant il existe un rapport entre ces intérêts et vos délibérations, et personne ne peut avoir toujours présent à l'esprit ce qu'exige le soin du trésor public; personne ne peut s'en occuper avec prévoyance, s'il n'est pas associé de quelque manière à son administration, et s'il n'est pas rappelé aux soins de cette partie de la chose publique, par tous les motifs d'honneur et de devoir qui agissent sans interruption sur les hommes.

Je dois vous présenter une seconde considération, c'est qu'il seroit impossible aujourd'hui de former convenablement un bureau de trésorerie, si on vouloit le composer en entier de personnes étrangères à l'assemblée nationale. Qui voudroit s'immiscer dans l'administration du trésor de l'état en des momens si difficiles? qui voudroit s'exposer, et aux faux

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