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dissimuler, il faut encore pour tout le secours de l'espérance.

Je me flatte, messieurs, que vous me pardonnerez toutes ces réflexions relatives à la non-réussite de votre emprunt; je ressens de cette contrariété un chagrin inexprimable, et ce sentiment m'arrête plus long temps que je ne devrois sur une circonstance irrémédiable. Il faut que nous cherchions tous ensemble à préserver les finances du désordre dans lequel elles sont près d'être plongées; il faut que nous écartions, s'il est possible, le danger qui menace les fortunes, danger pressant, puisque l'instance des besoins s'accroît chaque jour, et que le dernier terme des ressources s'avance à pas précipités. Je connois parfaitement les inconvéniens et les risques attachés à présenter des projets, à faire aucune espèce de proposition dans de pareilles circonstances; mais si des motifs personnels avoient pu me guider, je n'aurois pas cédé à vos bontés, je n'aurois pas renoncé à ma retraite, je ne serois pas revenu me placer au milieu de la tempête. Je regarde ma vie ministérielle, pendant sa durée, comme un vrai sacrifice, et dans ce sacrifice je dois comprendre et je comprends santé, repos, réputation, bienveillance publique même, le plus cher de mes biens; car au milieu des malheurs on ne peut plus calculer l'opinion des

hommes quelquefois ils s'en prennent au dernier qui a agi, au dernier qui a parlé; et, mus impérieusement par le présent, l'égide du passé ne sert plus à personne. Mais je laisse à l'écart toutes ces considérations, et sans aucune combinaison personnelle, obéissant aux lois du devoir, je me mettrai en avant toutes les fois que j'apercevrai dans cette conduite le plus léger avantage public.

Le succès de toute espèce d'emprunt dans ce moment-ci, messieurs, est très-incertain; cependant il n'est aucune circonstance où il fût plus de l'intérêt de tous les particuliers de chercher à sauver l'état par un acte universel de zèle et de confiance. Mais, soit par un défaut de lumières, soit par un manque d'esprit public, soit plutôt par ce sentiment qui fait que personne ne veut agir pour la chose commune, que dans les mêmes proportions où les autres agissent, il devient, je crois, nécessaire, après avoir perdu le moment de l'abandon, d'exciter davantage l'esprit de calcul.

Je vous proposerois donc, messieurs, d'examiner s'il ne conviendroit pas d'ouvrir un emprunt, non-seulement à cinq pour cent d'intérêt, mais en y ajoutant encore, pour encouragement, la faculté de fournir pour moitié de la mise les effets publics portant cinq pour cent d'intérêt exempt de toute retenue,

Je proposerois que l'emprunt fût de quatrevingts millions, remboursable en dix années, à raison d'un dixième chaque année; mais vous observerez que la moitié étant payable en effets publics, il n'en résulteroit qu'un secours effectif de quarante millions pour le trésor royal. Cette addition au premier projet d'emprunt est nécessaire à mesure que nous approchons du mois de septembre, puisqu'il devient alors raisonnable de porter ses vues un peu plus loin.

Il résulteroit des dispositions qu'on vient de vous proposer, qu'en assignant un remboursement successif au nouvel emprunt, cette faveur se trouveroit applicable non-seulement aux capitaux effectifs qu'on y auroit destinés, mais encore aux effets publics qui auroient été donnés en payement pour une moitié. Mais ces effets publics font essentiellement partie de ceux dont le remboursement n'a été que suspendu, ainsi ce seroit un commencement de justice envers les personnes qui en sont les propriétaires; d'ailleurs, il résultera sûrement de vos dispositions la détermination d'un fonds quelconque, applicable à une caisse d'amortissement; ainsi votre disposition présente ne seroit qu'une anticipation sur vos arrangemens prochains.

Les effets qui seroient reçus pour moitié

dans la mise du nouvel emprunt, éprouvent une grande perte à la bourse, et cette perte formeroit un avantage pour les prêteurs, puisqu'ils seroient bien certains que votre emprunt, sous le titre d'emprunt national, que votre emprunt, remboursable à des époques fixes, se maintiendroit à peu près au pair, et qu'il vaudroit au delà, lorsque les dispositions générales qui établiront bientôt un ordre constant dans les finances, seront assurées pour toujours.

Ceux qui ont déjà fourni le peu de fonds por tés aux trésor royal pour l'emprunt à quatre et demi pour cent, auroient à se plaindre, s'ils n'avoient pas la faculté de jouir de la faveur plus grande attachée à votre second emprunt. Vous trouverez sûrement juste de les autoriser à faire la conversion qu'ils désireront.

Je m'empresse maintenant de faire connoître à l'assemblée nationale que dans l'état présent des choses, dans le cours actuel des opinions, ni l'emprunt dont je viens de donner l'idée, ni aucun autre, ne pourra pleinement réussir, si vous ne déterminez pas la confiance par une suite de délibérations et par une marche soutenue qui relève les esprits de leur abattement; et je crois de mon devoir de m'expliquer en cette occasion avec la plus parfaite franchise.

Vous avez mis la dette publique sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté françoise. Ces belles paroles ont retenti jusqu'aux extrémités de l'Europe; et quand les représentans d'une nation ont pris un engagement si solennel, ce seroit leur faire outrage que de vouloir les y confirmer au nom même de la sagesse, de la raison et de la politique. Mais ce qu'il est indispensable de dire, messieurs, c'est qu'aujourd'hui votre noble et vertueuse déclaration ne suffit plus pour assurer le crédit public. La première condition nécessaire pour fonder la confiance, c'est la certitude entre les revenus et les dépenses

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le dépérissement de plusieurs nt à l'existence d'un ancien déficit, rendent une alarme raisonnable. On vous demande, donc avec instance, au nom de la tranquillité publique, de faire l'examen et le choix le plus diligent des moyens propres à mettre l'équilibre entre les revenus et les besoins de l'état. Il n'est pas nécessaire que votre travail soit porté à sa dernière perfec tion; il est encore moins nécessaire que vous l'arrêtiez définitivement; mais il est indispensable que la nation puisse juger incessamment de la solidité de vos projets, et que les esprits sortent d'une incertitude qui entretient la plus funeste défiance. Le temps qui se pas-.

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