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justice qui sert de sauvegarde à la propriété, à ce droit respecté de toutes les nations, qui n'est pas l'ouvrage du hasard, qui ne dérive point des priviléges d'opinion, mais qui se lie étroitement aux rapports les plus essentiels de l'ordre public, et aux premières conditions de l'harmonie sociale.

Par quelle fatalité, lorsque le calme commençoit à renaître, de nouvelles inquiétudes se sont-elles répandues dans les provinces ? par quelle fatalité s'y livre-t-on à de nouveaux excès ? Joignez-vous à moi pour les arrêter, et empêchons de tous nos efforts que des violences criminelles ne viennent souiller ces jours où le bonheur de la nation se prépare. Vous qui pouvez influer par tant de moyens sur la confiance publique, éclairez sur ses véritables intérêts le peuple qu'on égare, ce bon peuple qui m'est si cher, et dont on m'assure que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines. Ah! s'il savoit à quel point je suis malheureux à la nouvelle d'un injuste attentat contre les fortunes, ou d'un acte de violence contre les personnes, peutêtre il m'épargneroit cette douloureuse amer

tume.

Je ne puis vous entretenir des grands intérêts de l'état, sans vous presser de vous occuper d'une manière instante et définitive de

tout ce qui tient au rétablissement de l'ordre dans les finances, et à la tranquillité de la multitude innombrable de citoyens qui sont unis par quelque lien à la fortune publique. Il est temps d'apaiser toutes les inquiétudes ; il est temps de rendre à ce royaume la force de crédit à laquelle il a droit de prétendre. Vous ne pouvez pas tout entreprendre à la fois ; aussi je vous invite à réserver pour d'autres temps une partie des biens dont la réunion de vos lumières vous présente le tableau ; mais quand vous aurez ajouté à ce que vous avez déjà fait, un plan sage et raisonnable pour l'exercice de la justice; quand vous aurez assuré les bases d'un équilibre parfait entre les revenus et les dépenses de l'état ; enfin, quand vous aurez achevé l'ouvrage de la constitution, vous aurez acquis de grands droits à la reconnoissance publique; et dans la continuation successive des assemblées nationales, continuation fondée dorénavant sur cette constitution même, il n'y aura plus qu'à ajouter d'année en année de nouveaux moyens de prospérité à tous ceux que vous avez déjà préparés. Puisse cette journée, où votre monarque vient s'unir à vous de la manière la plus franche et la plus intime, être une époque mémorable dans l'histoire de cet empire! Elle le sera, je l'espère, si mes voeux ardens, si

VII.

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mes instantes exhortations peuvent être un signal de paix et de rapprochement entre vous. Que ceux qui s'éloigneroient encore d'un esprit de concorde devenu si nécessaire, me fassent le sacrifice de tous les souvenirs qui les affligent, je les payerai par ma reconnoissance et mon affection. Ne professons tous, à compter de ce jour, ne professons tous, je vous en donne l'exemple, qu'une seule opinion, qu'un seul intérêt, qu'une seule volonté, l'attachement à la constitution nouvelle, et le désir ardent de la paix, du bonheur et de la prospérité de la France,

MÉMOIRE du premier ministre des finances, lu à l'assemblée nationale, le 6 mars 1790.

MOYENS DE COMBLER LE DÉFICIT.

Il est nécessaire de faire remarquer que ce Mémoire doit être rapporte à la date du 20 février, époque à peu près de sa composition. (*) MESSIEURS, ce n'est pas sans beaucoup de peine que je me vois dans la nécessité de vous entretenir avec inquiétude de la situation des

(*) Lettre de M. Necker au président de l'assemblée nationale.

MONSIEUR le président, j'avois mis par écrit, il y a quinze jours, la première rédaction d'un Mémoire relatif à la situation présente des finances. J'avois besoin d'une semaine pour reprendre ce travail, et pour donner tantôt plus de précision, tantôt plus d'extension aux

finances; et cependant, éclairés par vos pro pres calculs, vous vous y attendez, et je ne dois pas différer de remplir le devoir que m'imposent ma place et la confiance du roi.

Au mois de novembre dernier, je vous informai, messieurs, qu'un secours extraordinaire de quatre-vingts millions suffiroit probablement aux besoins de l'année, mais je vous fis remarquer que ces besoins s'accroîtroient;

« Si, à commencer du 1er janvier prochain « (alors 1790), l'équilibre entre les revenus et « les dépenses n'étoit pas encore établi dans <<< son entier;

<< Si le remplacement de la diminution de

parties qui le composent; mais à cette époque je suis derechef tombé malade; convalescent aujourd'hui, mais aucune contention d'esprit, ne m'étant encore permise, j'ai senti que si je voulois donner une dernière main à ce que j'avois commencé, je différerois peut-être trop long-temps la communication d'un Mémoire dont plusieurs objets sont infiniment pressés; j'ai donc pris le parti de l'adresser à l'assemblée nationale dans son état d'imperfection; il pourra toujours être utile en cette forme à la chose publique, et je n'aurai qu'à réclamer plus particulièrement l'indulgence de l'assemblée.

J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur le président, votre très-humble et très-óbéissant serviteur. Signé NECKER.

Paris, le 6 mars 1790.

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produit sur la gabelle n'étoit pas effectué, à «< commencer pareillement du 1er janvier pro«< chain, 1790;

« Si le payement de l'année ordinaire des « droits et des impositions essuyoit des re<< tards;

Si les anticipations sur l'année 1790, quoi<«< que infiniment réduites, ne pouvoient pas «< être renouvelées complétement. >>

Telles sont les observations extraites littéralement du rapport que j'eus l'honneur de vous faire le 14 novembre de l'année dernière.

Ces diminutions de revenu ont eu malheureusement un effet trop réel, et je ferai connoître:

1°. Que le vide résultant des circonstances dont je viens de rendre compte montera, depuis le 1er janvier jusqu'à la fin de février, à quarante et un millions;

2°. Que les dépenses extraordinaires, dont la majeure partie est relative aux approvisionnemens de grains, monteront pendant le même intervalle à dix-sept millions.

Total des deux articles, cinquante-huit millions.

Le trésor public a reçu de la caisse d'escompte trente-neuf millions (*), à prendre sur

(*) Cette caisse a fourni en apparence cinquante-deux

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