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-sous le nom de taille, et l'assujettissement du clergé aux vingtièmes et à la capitation, produiront, je le crois, une somme de nouveaux recouvremens dont l'étendue surpassera l'attente commune; et d'autres ressources peu onéreuses viendront encore à votre pensée, dès que vous vous occuperez essentiellement de cet important objet. Le public, en se livrant à de grandes inquiétudes, ne fait pas attention que, dans le nombre des droits dont vous méditez la suppression, plusieurs pourront être remplacés par d'autres de même genre, -mais sous la surveillance de chaque administration provinciale, condition qui suffira pour les adoucir, soit en réalité, soit en imagination. Il est instant seulement de fixer l'opinion, et d'arrêter le cours des présages funestes auxquels beaucoup de gens s'abandonnent. Tout le monde perd à des retardemens; ceux qui ont confié leur fortune à l'état, s'alarment lorsqu'ils voient la dégradation des revenus publics, et ceux qui auroient supporté avec reconnoissance le remplacement d'un impôt onéreux, ne pensent plus de même lorsque ce remplacement arrive long-temps après le moment où ils ont été affranchis de l'impôt qui les importunoit; car il suffit d'une courte habitude pour envisager son état présent comme une possession, dont la moindre

altération paroît ensuite un dommage pénible et quelquefois injuste. Vous ne devez pas perdre de vue, messieurs, qu'en destinant momentanément, comme vous l'avez fait, au soulagement d'une partie des contribuables, le produit entier de l'impôt des privilégiés, il se trouvera que dans le même espace de temps, ils auront joui d'une forte réduction sur leur taille ordinaire, ils auront payé le sel, les uns à moitié, les autres au quart de l'ancien prix, les autres en franchise absolue, et que dans plusieurs lieux, par des excès, suite d'une fausse espérance, ils n'auront point payé de droits d'aides. On ne passe pas aisément d'une exemption considérable à de nouveaux assujettissemens il est donc essentiel d'éclairer promptement les peuples sur les rapports durables de leurs contributions avec les besoins de l'état, afin qu'ils ne se livrent pas à des calculs dont le dérangement les rendroit malheureux. Vous allez avoir de grands moyens pour tout, messieurs, par l'établissement d'administrations provinciales que vous avez si soigneusement concertées. Le roi réfléchit déjà avec une satisfaction digne de son coeur, à tout le bien qu'elles pourront faire à ses peuples, si, comme on doit l'espérer, elles s'établissent avec ordre et avec tranquillité; et si, comme vous le penserez, après avoir écarté les

défiances du temps présent, défiances que les dispositions naturelles d'un excellent roi doivent vous aider à dissiper, vous mettez votre ouvrage sous la protection effective du monarque, en ne perdant jamais de vue qu'il faut un point de réunion à tant de parties éparses, et en vous souvenant qu'il n'est rien de constamment durable, sans une alliance d'amour, de confiance et de bonheur entre toutes les forces qui doivent veiller sur la destinée et sur la gloire d'un grand empire.

Discours prononcé par le roi, à l'assemblée nationale, le 4 février 1790.

MESSIEURS, la gravité des circonstances où se trouve la France m'attire au milieu de vous. Le relâchement progressif de tous les liens de l'ordre et de la subordination, la suspension ou l'inactivité de la justice, les mécontentemens qui naissent des privations particulières, les oppositions, les haines malheureuses qui sont la suite inévitable des longues dissensions, la situation critique des finances, et les incertitudes sur la fortune publique, enfin l'agitation générale des esprits, tout semble se réunir pour entretenir l'inquiétude des véritables amis de la prospérité et du bonheur du royaume.

Un grand but se présente à vos regards,

mais il faut y atteindre sans accroissement de trouble et sans nouvelles convulsions. C'étoit, je dois le dire, d'une manière plus douce et plus tranquille que j'espérois vous y conduire, lorsque je formai le dessein de vous rassembler, et de réunir, pour la félicité publique, les lumières et les volontés des représentans de la nation; mais mon bonheur et ma gloire ne sont pas moins étroitement liés au succès de vos travaux.

Je les ai garantis, par une continuelle vigilance, de l'influence funeste que pouvoient avoir sur eux les circonstances malheureuses au milieu desquelles vous vous trouviez placés. Les horreurs de la disette que la France avoit à redouter l'année dernière ont été éloignées par des soins multipliés et des approvisionnemens immenses. Le désordre que l'état ancien des finances, le discrédit, l'excessive rareté du numéraire et le dépérissement graduel des revenus devoient naturellement amener, ce désordre, au moins dans son éclat et dans ses excès, a été jusqu'à présent écarté. J'ai adouci partout, et principalement dans la capitale, les dangereuses conséquences du défaut de travail; et nonobstant l'affoiblissement de tous les moyens d'autorité, j'ai maintenu le royaume, non pas, il s'en faut bien, dans le calme que j'eusse dé

siré, mais dans un état de tranquillité suffisant pour recevoir le bienfait d'une liberté sage et bien ordonnée : enfin, malgré notre situation intérieure généralement connue, et malgré les orages politiques qui agitent d'autres nations, j'ai conservé la paix au dehors et j'ai entretenu avec toutes les puissances de l'Europe les rapports d'égards et d'amitié qui peuvent rendre cette paix durable.

Après vous avoir ainsi préservés des grandes contrariétés qui pouvoient si aisément traverser vos soins et vos travaux, je crois le moment arrivé où il importe à l'intérêt de l'état que je m'associe, d'une manière encore plus expresse et plus manifeste, à l'exécution et à la réussite de tout ce que vous avez concerté pour l'avantage de la France. Je ne puis saisir une plus grande occasion que celle où vous présentez à mon acceptation des décrets destinés à établir dans le royaume une organisation nouvelle, qui doit avoir une influence si importante et si propice sur le bonheur de mes sujets et sur la prospérité de cet empire.

Vous savez, messieurs, qu'il y a plus de dix ans, et dans un temps où le vœu de la nation ne s'étoit pas encore expliqué sur les assemblées provinciales, j'avois commencé à substituer ce genre d'administration à celui qu'une ancienne et longue habitude avoit consacré.

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