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prendrez pour l'établissement d'une caisse d'amortissement.

Mais comme il est très-possible que par le résultat de vos soins et de vos travaux, les affaires générales du royaume et de la finance acquièrent un grand degré de prospérité, et qu'un intérêt de cinq pour cent devienne en peu de temps un intérêt précieux, je voudrois que le remboursement de l'emprunt proposé n'eût lieu qu'avec le consentement des prê

teurs.

Je proposerois que cet emprunt fût en billets au porteur ou en contrats, au choix des prêteurs, et qu'il fût stipulé que dans le cas où le roi, de concert avec l'assemblée nationale, ordonneroit la conversion en contrats des effets au porteur actuellement existans, ceux de l'emprunt proposé ne pourroient jamais être soumis à cette conversion sans lé consentement des prêteurs.

Je proposerois encore que l'on dressât une liste de tous les prêteurs et de tous les souscripteurs qui, par eux-mêmes ou par la confiance de leurs correspondans et de leurs cliens, auroient rempli cet emprunt patriotique, et que cette liste fût communiquée à votre assemblée, et conservée, si vous le jugiez à propos, dans vos registres.

Vous ne vous refuserez pas, messieurs, à la

sanction de cet emprunt. Plusieurs cahiers, sans doute, ont exigé que la constitution fût réglée avant le consentement à aucun impôt, à aucun emprunt; mais pouvoit-on prévoir les difficultés qui ont retardé vos travaux? pouvoit-on prévoir la révolution inouïe arrivée depuis trois semaines? Vos commettans vous crieroient, s'ils pouvoient se faire entendre: Sauvez l'état, sauvez la patrie; c'est de notre repos, c'est de notre bonheur que vous êtes comptables. Et combien ne l'êtes-vous pas aujourd'hui, messieurs, que le gouvernement ne peut plus rien, et que vous seuls avez encore quelque moyen pour résister à l'orage! Pour moi, j'ai rempli ma tâche; je dépose entre vos mains la connoissance des affaires; et de quelque moyen que vous fassiez choix, mon devoir se borne à respecter vos opinions, et à donner jusqu'au dernier moment des témoignages de zèle et de dévouement.

On ne doit pas se dissimuler qu'au milieu des troubles dont nous sommes environnés, le succès de cet emprunt n'est pas démontré. Cependant un premier emprunt, garanti par les représentans de la nation la plus attachée aux lois de l'honneur, et la plus riche de l'Europe, présente un emploi à l'abri de toute inquiétude réelle. On apercevra sans doute aussi, qu'indépendamment des sentimens généreux

et patriotiques qui doivent favoriser le succès de cet emprunt, il y a bien des motifs de politique propres à déterminer les capitalistes. Il est manifeste que chacun a un intérêt majeur à prévenir une confusion générale, et à vous laisser le temps d'arriver à votre terme. Ah! messieurs, que ce terme est nécessaire ! qu'il est pressant! vous voyez les désordres qui règnent de toutes parts dans le royaume; ces désordres s'accroîtront, si vous n'y portez pas sans délai une main salutaire et conservatrice; il ne faut pas que les matériaux du bâtiment soient dispersés ou anéantis, pendant que les plus habiles architectes en composent le des

sin.

Vous considérerez, messieurs, s'il n'est pas devenu indispensable d'inviter ceux qui disposent aujourd'hui de quelque manière d'une puissance exécutrice, à maintenir le recouvrement des droits et des impôts établis, tant qu'ils font partie des revenus de l'état. On ne peut payer sans recevoir; on ne peut recevoir sans l'action des lois, et cette action s'affoiblit lorsque aucun pouvoir ne la rassure et ne la soutient. L'habitude de se soustraire aux charges publiques, déjà si attrayante par ellemême, acquiert de nouvelles forces. par l'exemple; et lorsqu'elle n'est pas combattue de bonne heure, il n'est souvent plus possible

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de la dominer sans les moyens les plus vio lens. Vous ne pouvez donc, messieurs, vous dispenser de jeter un regard d'inquiétude sur l'état de la France, afin d'empêcher que des précautions trop tardives n'ôtent à ce beau royaume tout le fruit des bienfaits que vous lui préparez. Le roi, messieurs, est disposé à concourir à vos vues, et les ministres auxquels il a donné sa confiance s'en serviront selon ses intentions, pour contribuer avec vous au bon. heur de la nation. Réunissons-nous donc pour sauver l'état, et que tous les gens de bien entrent dans cette coalition; il ne faut pas moins que l'efficacité d'une pareille alliance pour surmonter les difficultés dont nous sommes entourés. Le mal est si grand, que chacun est malheureusement à portée de l'apprécier; mais au centre, où les ministres du roi sont placés, il présente un tableau véritablement effrayant. Tout est relâché, tout est en proie aux passions individuelles, et d'un bout du royaume à l'autre on soupire ardemment après un plan raisonnable de constitution et d'ordre public, qui rétablisse le calme et présente l'espoir du bonheur et de la paix.

Malgré nos maux, le royaume est entier, et la réunion de vos lumières peut féconder tous les germes de prospérité. Que personne donc, ni dans cette assemblée, ni dans la nation, ne

perde courage: le roi voit la vérité; le roi veút le bien; ses sujets ont conservé pour sa personne un penchant que le retour de la tranquillité de son royaume fortifiera et augmentera. Livrons nous donc, messieurs, à tout ce que nous offre de consolant l'heureuse perspective que nous pouvons découvrir: un jour, peut-être, au milieu des douceurs d'une sage liberté et d'une confiance sans nuages, la nation françoise effacera de son souvenir ces temps de calamité; et en jouissant des biens dont elle sera redevable à vos généreux efforts, elle ne séparera jamais de sa reconnoissance le nom du monarque à qui, dans votre amour, vous venez d'accorder un si beau titre.

RAPPORT de M. Necker, premier ministre des finances, lu à l'assemblée nationale le 27 août 1789.

PROJET D'UN EMPRUNT DE QUATRE-VINGTS MILLIONS.

MESSIEURS, j'aurois pu depuis quelques jours vous annoncer l'issue vraisemblable de l'emprunt que vous avez décrété, si l'état de ma santé me l'avoit permis. Je profite d'un premier moment de convalescence pour vous rendre le compte qui vous est dû.

Il n'a été porté au trésor royal, depuis l'épo

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