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réprime et qui leur résiste; mais une simple. indication des moyens les plus propres à remplir ce but, ne seroit pas suffisante; car on ne peut se dispenser de considérer en même temps le rapport de chacun de ces moyens avec les principes fondamentaux de la constitution que la nation désire d'établir d'une manière solide. Ainsi des questions si vastes, des questions qui vous occupent depuis plusieurs mois, ne peuvent pas être réduites à une simple déclaration ministérielle des moyens nécessaires pour assurer la libre circulation des grains. Il faudroit être appelé à traiter ces objets avec vous, messieurs, dans leur ensemble; il faudroit au moins pouvoir les discuter par voie de conférence, et les ministres du roi accepteront toujours avec empressement les rapprochemens de tout genre que vous désirerez d'avoir avec eux. Les sentimens généreux de S. M. nous sont connus; ainsi vous nous trouverez, et comme ses ministres, et comme citoyens, également pénétrés de la nécessité d'assurer les fondemens d'une constitution libre et heureuse, et de la nécessité aussi dé chercher à ramener dans le royaume l'ordre, la paix et la subordination. Ce sont ces deux intérêts éminens qu'il faut concilier, qu'il faut faire marcher de front, si l'on veut prévenir la subversion dont nous sommes me

nacés, et rendre les François heureux et la France prospère. Il en est temps encore, on doit l'espérer; il ne faut qu'une intention véritable et commune, il ne faut qu'un abandon, qu'une suspension du moins des méfiances et des passions personnelles qui luttent contre le bien public. Ah! que de reproches nous seront faits, que de larmes nous verserons, si, au milieu d'un siècle de lumières, la confiance généreuse de tout un peuple n'a pas produit ces heureux effets, avec tant de moyens pour y réussir! C'est l'objet ardent de nos vœux, c'est le terme chéri de nos souhaits, et vous nous trouverez réunis à vos sentimens de la manière la plus franche et la plus entière.

Il faut cependant un autre lien entre vous, messieurs, et les ministres du roi, et vous seuls pouvez le garantir; c'est celui d'une confiance fondée sur les sentimens d'estime qu'ils ont droit d'attendre de vous, comme de tous les François que vous représentez. Et si d'autres personnes, avec plus de moyens ou de ressources qu'eux pour captiver votre bienveillance, obtenoient par là des facilités particulières pour servir le roi et l'état, n'hésitez pas à les indiquer, et nous irons au-devant d'elles. Il faut aujourd'hui bien moins d'efforts, bien moins de vertu pour sacrifier les grandes places que pour les garder; et vous croiriez aisément

à cette vérité, si vous connoissiez comme nous toutes les peines et toutes les angoisses qui accompagnent l'administration, et combien il faut de constance dans l'amour du bien pour n'être pas découragé.

Signé

l'archevêque de Bordeaux, le maréchal de BEAUVAU, le comte DE MONTMORIN, le comte DE LA LUZERNE, NECKER, le comte de Saint-Priest, l'ancien archevêque de Vienne, le comte DE LA TOUR du Pin.

MÉMOIRE lu par le premier ministre des finances, à l'assemblée nationale, le 14 novembre 1789.

PROJET D'UNE BANQUE NATIONALE.

MESSIEURS, c'est une pénible situation pour moi, que d'avoir si souvent à vous entretenir des embarras et des difficultés des finances. Je n'ai eu que des inquiétudes et des déplaisirs dans cette administration, depuis l'instant où je l'ai reprise, au mois d'août de l'année dernière.

Le discrédit général à cette époque, l'existence d'un déficit immense, et l'extrême pénurie du trésor royal ont déployé devant moi les premiers obstacles. Cependant les revenus de l'état étoient au moins dans leur entier, et les recouvremens s'exécutoient avec la ponctualité usitée. On ne prévoyoit pas encore

l'affreuse disette des subsistances dont nous étions menacés, et l'on ne soupçonnoit pas les malheureux événemens qui ont contrarié la perception des droits et des impôts, et qui, en jetant l'alarme dans les esprits, ont détourné le cours de toutes les affaires, et ont fait disparoître, à la fois, l'argent et la confiance. Un avenir favorable se présente à nos regards, mais il n'est embrassé que par l'espérance, et les affaires de finances n'en éprou vent point encore la salutaire influence.

L'assemblée nationale, de concert avec le roi, a cependant déterminé deux grandes dispositions pour l'encouragement du crédit, et pour le rétablissement de l'ordre dans les finances par l'une, elle assure, à commencer du 1er janvier prochain, un parfait équilibre entre les revenus et les dépenses fixes; et par l'autre, elle autorise une contribution patriotique dont elle a présumé que le produit pourroit être équivalent aux besoins extraordinaires de cette année et de l'année prochaine.

Une immense difficulté reste à vaincre encore. Cette contribution patriotique ne fouruira que des ressources graduelles, puisque le dernier terme de payement s'étend jusqu'au 1er avril 1792. Cependant les besoins sont instans, et l'état du crédit en ces momens cri

tiques n'offre aucun secours sur lequel on puisse solidement compter.

L'assemblée nationale verra, par le tableau annexé à ce Mémoire, qu'en acquittant les engagemens pris avec la caisse d'escompte, pour le 31 décembre, les besoins de cette année s'élèveroient à quatre-vingt-dix millions; mais les anticipations sont fort dimi

nuées.

Les dépenses extraordinaires pour l'année prochaine peuvent être évaluées à environ quatre-vingts millions, et l'on vous en remettra l'aperçu.

Le besoin seroit plus grand, si, à commencer du 1er janvier prochain, l'équilibre entre les revenus et les dépenses n'étoit pas encore établi dans son entier;

Si le remplacement de la diminution de produit sur la gabelle n'étoit pas effectué, à commencer pareillement du 1er janvier prochain;

Si le payement de l'année ordinaire des droits et des impositions essuyoit des retards;

Si les anticipations sur l'année 1790, quoique infiniment réduites, ne pouvoient pas être renouvelées complétement.

On ne peut donc encore en cet instant déterminer d'une manière positive quel sera le secours extraordinaire indispensable pour

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