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EXTRAIT des délibérations de l'assemblée générale des électeurs, du 30 juillet 1789.

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Sur le Discours vrai, sublime et attendrissant de M. Necker, l'assemblée des électeurs, pénétrée des sentimens de justice et d'humanité qu'il respire, a arrêté que le jour où ce ministre si cher, si nécessaire, a été rendu à la France, devoit être un jour de fête; en conséquence, elle déclare, au nom des habitans de cette capitale, certaine de n'être pas désavouée, qu'elle pardonne à tous ses ennemis, qu'elle proscrit tout acte de violence contraire au présent arrêté, et qu'elle regarde désormais comme les seuls ennemis de la nation ceux qui troubleroient par aucun excès la tranquillité publique.

Arrêté en outre que le présent arrêté sera lu au prône de toutes les paroisses, publié à son de trompe dans toutes les rues et carrefours, et envoyé à toutes les municipalités du royaume; et les applaudissemens qu'il obtiendra distingueront les bons François.

Fait à l'Hôtel-de-Ville, le 30 juillet 1789.

Signé, MOREAU DE SAINT-MERY, De Lavigne, pré

sidens.

DUVERYER, BERTOLIO, GARNIER, DESROCHE,
DELIESSE, secrétaires.

DISCOURS de M. Necker, premier ministre des finances, à l'assemblée nationale, le 7 août 1789.

PROJET D'UN EMPRUNT DE TRENTE MILLIONS.

Je viens, messieurs, vous instruire de l'état présent des finances, et de la nécessité deve

nue indispensable de trouver sur-le-champ des ressources.

A mon retour dans le ministère, au mois d'août dernier, il n'y avoit que quatre cents mille francs en écus ou billets de la caisse. d'escompte au trésor royal; le déficit entre les revenus et les dépenses ordinaires étoit énorme, et les opérations antérieures à cette époque avoient détruit le crédit entièrement.

Il a fallu, avec ces difficultés, conduire les affaires sans trouble et sans convulsion, et arriver à l'époque où l'assemblée nationale, après avoir pris connoissance des affaires, pourroit remettre le calme et fonder un ordre durable.

Cette époque s'est éloignée au-delà du terme qu'il étoit naturel de supposer; et en même temps des dépenses extraordinaires et des diminutions inattendues dans le produit des re

venus,

ont augmenté l'embarras des finances. Les secours immenses en blés que le roi a été obligé de procurer à son royaume, ont donné lieu, non-seulement à des avances considérables, mais ont encore occasionné une perte d'une grande importance, parce que le roi n'auroit pu revendre ces blés au prix coûtant sans excéder les facultés du peuple, et sans occasionner le plus grand trouble dans son royaume. Il y a eu de plus, et il y a jour

nellement des pillages que la force publique ne peut arrêter. Enfin, la misère générale et le défaut de travail ont obligé S. M. à répandre des secours considérables.

On a établi des travaux extraordinaires autour de Paris, uniquement dans la vue de donner une occupation à beaucoup de gens qui ne trouvoient point d'ouvrage, et le nombre s'en est tellement augmenté, qu'il se monte maintenant à plus de douze mille hommes. Le roi leur paye vingt sous par jour, dépense indépendante de l'achat des outils et des salaires des surveillans.

Je ne ferai pas le recensement de plusieurs autres dépenses extraordinaires amenées par la nécessité; mais je n'omettrai point de vous rendre compte d'une circonstance de la plus grande gravité, c'est de la diminution sensible des revenus et du progrès journalier de ce malheur.

Le prix du sel a été réduit à moitié par contrainte, dans les généralités de Caen et d'Alençon, et ce désordre commence à s'introduire dans le Maine. La vente du faux sel et du tabac se fait par convois et à force ouverte, dans une partie de la Lorraine, des Trois-Évêchés et de la Picardie; le Soissonnois et la généralité de Paris commencent à s'en ressentir.

Toutes les barrières de la capitale ne sont

pas encore rétablies, et il suffit d'une seule qui soit ouverte, pour occasionner une grande perte dans les revenus du roi. Le recouvrement des droits d'aides est soumis aux mêmes.contrariétés. Les bureaux ont été pillés, les registres dispersés, les perceptions arrêtées ou suspendues dans une infinité de lieux dont l'énumération prendroit trop de place, et chaque jour on apprend quelque autre nouvelle affligeante.

L'on éprouve aussi des retards dans le payement de la taille, des vingtièmes et de la capitation; en sorte que les receveurs généraux et les receveurs des tailles sont aux abois, et plusieurs d'entre eux ne peuvent tenir leurs traités.

La force de l'exemple doit empirer journellement ce malheureux état des affaires; et les conséquences peuvent en être telles, qu'il devienne au-dessus de votre zèle et de vos moyens de prévenir le plus grand désordre, et dans les finances, et dans toutes les fortunes, et d'empêcher, au moins pendant longtemps, la dégradation des forces de ce beau royaume.

Je crois donc, messieurs, que vous sentirez la nécessité d'examiner, sans un seul moment de retard, l'état que je vous présente des secours indispensables pour empêcher une

suspension de payemens, et le roi ne doute point que vous ne sanctionniez ensuite l'emprunt qu'exigent la sûreté des engagemens ét les dépenses inévitables pendant deux mois; terme qui vous suffira sans doute pour achever ou pour avancer les grands travaux dont vous êtes occupés, et pour établir un ordre permanent, et tel que la France a droit de l'attendre de votre zèle éclairé, et des dispositions justes et bienfaisantes de S. M.

Il est vraisemblable qu'avec trente millions il sera possible de pourvoir aux besoins indispensables pendant l'intervalle que je viens d'indiquer; mais il n'y a pas un instant à perdre pour rassembler cette somme. Je crois qu'il ne faut point chercher à décider la confiance par de hauts intérêts; ce n'est point de la spéculation qu'il faut attendre des secours dans les circonstances présentes, mais d'un sentiment généreux et patriotique, et ce sentiment répugneroit à accepter aucun intérêt au-dessus de l'usage.

Je proposerois donc, messieurs, qué l'emprunt fût simplement à cinq pour cent par an, remboursable à telle époque qui seroit demandée par chaque prêteur, à la suivante tenue des états-généraux ;

Que ce remboursement fût placé en première ligne dans les arrangemens que vous

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