Page images
PDF
EPUB

Au reste, quoique dans l'indication d'une taxe extraordinaire relative aux circonstances présentes, je donne simplement une forme aux propositions qui ont été signées de toutes parts dans la capitale, il n'est pas moins douloureux pour moi d'avoir à mettre en avant une idée momentanément à charge à la nation; toute mon administration passée prouve assez ce qu'il m'en coûte, et je range l'obliga tion où je me trouve en cet instant au nombre des grands sacrifices auxquels je me suis exposé, en revenant prendre le timon des affaires de finance; et cependant je ne puis pas dire que pour mon bonheur, j'eusse fait mieux en passant le reste de mes jours dans l'éloignement et dans la retraite, puisqu'un seul des maux de la France que j'eusse présumé, que j'eusse imaginé d'avoir eu le pouvoir ou l'occasion d'adoucir, auroit troublé le repos de ma vie : il faut donc se soumettre avec résignation à sa destinée.

TROISIÈME PARTIE.

Le moment présent.

Si vous ne perdez pas un instant, messieurs, pour décréter la contribution extraordinaire qu'on vient d'indiquer, et si ce décret est accompagné d'une délibération propre à inspirer une pleine confiance dans le rétablissement

général de l'ordre, on pourra considérer la taxe extraordinaire comme le dernier sacrifice, comme le complément de tout, et il y aura, je crois, de l'empressement à la payer; cet empressement donnera des secours prochains, et surtout il influera d'une manière universelle sur la circulation. Il faut cependant quelque chose de plus pour le moment, afin de réunir toutes ses ressources contre un mal éminent, et qui nous serre de si près.

C'est dans une pareille vue que le roi a autorisé les directeurs des monnoies à recevoir de la part de ceux qui voudront suivre l'exemple de S. M., la vaisselle et les bijoux d'or et d'argent, en échange desquels il leur sera délivré des récépissés ; et l'époque du remboursement de ces récépissés, l'intérêt à payer en attendant, ainsi que la fixation du prix de la vaisselle, sont des dispositions réservées par le roi à votre délibération, et je vous proposerois que l'on pût donner cinquante-cinq francs de la vaisselle contre des récépissés remboursables à six mois de date, sans intérêt, ou cinquante-huit francs, si l'on remettoit ces récépissés dans l'emprunt national de quatre-vingts millions, à condition néanmoins qu'en payant la mise de cette manière, on ne jouiroit pas de la faculté d'en fournir la moitié en effets royaux.

Il n'est pas douteux qu'en portant aujour d'hui sa vaisselle à la monnoie, on ne rende un grand et véritable service à la chose publique, puisque la rareté extrême et sans égale du numéraire effectif nous met dans le plus pénible embarras. Nous avons par cette raison un grand intérêt à ménager la caisse d'escompte, qui, au milieu des difficultés géné rales, fait pour nous tout ce qu'elle peut raisonnablement; et ses services, dont nous ne pouvons pas nous passer en ce moment, seront plus décisifs, si vous approuvez, si vous encouragez son zèle. Il faut surtout, messieurs, vous garder de mal juger de ses administrateurs sans les entendre; ils ne demandent pas mieux que de mettre leur conduite au grand jour. Vous verrez qu'en cédant quelquefois aux circonstances, pour donner à la finance des secours indispensables, ils n'ont jamais perdu de vue leurs devoirs particuliers d'administrateurs; mais dans les grandes révolutions amenées par le trouble et le discrédit, toutes les caisses publiques ont un intérêt qui les réunit, et elles se ressentent en même temps de l'empire des circonstances.

La caisse d'escompte cependant, ayant reçu à des époques différentes un échec dans l'opinion par le contre-coup du discrédit général, il y auroit peut-être de la convenance à lui

proposer de se fondre et se transformer par quelque coalition en un établissement nouveau, sous le titre de banque nationale, et de former ainsi l'une des portions intégrantes d'un grand établissement, auquel vous donneriez, messieurs, une approbation immédiate et décisive; mais une condition indispensable de tout établissement de ce genre, c'est de réunir une somme de numéraire effectif, suffisante pour assurer à tout moment l'échange des billets circulans contre de l'argent comptant. Ce qui se passe aujourd'hui à l'égard des billets de la caisse d'escompte, est une suite de la crise actuelle et des temps précédens; et il seroit impolitique et déraisonnable de vouloir, dans ce moment, la ramener par force à une marche différente.

Enfin, messieurs, et pour l'instant présent, et pour toute l'année, et pour tous les temps, ce qui devient chaque jour, chaque moment, plus indispensable, c'est que vous rendiez les deux décrets que je sollicite de vous avec tant d'instances; l'un pour prêter de la force au recouvrement des droits sur les consommations, et l'on m'a dit que vous veniez de le déterminer; l'autre, plus pressant encore, pour soutenir de même le recouvrement des impositions foncières, en expliquant ceux de vos décrets qui sont mal interprétés par les

contribuables et qui les engagent en plusieurs lieux à refuser le payement de la taille, des vingtièmes et de la capitation. Je me réfère à tout ce qui vous a été représenté à cet égard par les douze membres du comité que vous avez nommés pour conférer avec moi, et qui sont informés, dans les détails, de la nécessité absolue de ces deux décrets. Rien n'ira, messieurs, rien ne pourra s'améliorer, si le payement des impositions est interrompu, si les recouvremens ne sont pas protégés par la publicité de vos intentions et par l'expression forte de votre volonté, si les recouvremens n'ont pas l'appui des lois, si les lois ne sont pas soutenues par le pouvoir exécutif, et si ce pouvoir éprouve des résistances au-dessus de ses forces. Il arriveroit alors que les subsides et les ressources extraordinaires ne serviroient qu'à remplir le vide occasionné par la diminution des recettes, au lieu de contribuer efficacementaurétablissement de l'ordre. Mon courage, mes forces s'épuisent à représenter ces importantes vérités; et je ne puis voir, sans une mortelle peine, que les meilleurs amis de la liberté publique compromettent le succès de la plus noble entreprise, en ne s'occupant pas assez de la gravité des circonstances actuelles, comme s'ils pouvoient détacher l'avenir du présent, comme s'il suffisoit d'appliquer toute

« PreviousContinue »