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INTRODUCTION.

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Uoique ce ne foit point fans raifon que l'on a dit qu'il n'y a rien de nouveau fous le Soleil, REX & que cet Aftre voit les chofes décrire ici bas un Cercle toûjours le même; il eft neanmoins vrai que l'Hiftoire ne nous montre en aucun Siècle l'Europe dans une fituation femblable à celle où elle étoit à la Paix d'Utrecht. Toutes les Puiffances de cette belle partie de l'Univers étoient épuisées par une Guerre de Iz. années, qui n'avoit pas moins coûté de Trefors que de fang, & qui ayant fuccedé à d'autres Guerres, qui n'avoient été interrompues que par de courtes apparitions de Paix, avoit reduit tous les Potentats dans une espece d'impuiffance de porter les armes plus long-tems & de fe plus faire de mal, Neanmoins les fondemens de cette fameufe Paix d'Utrecht étoient fi foibles, fi peu folides, en un mot fi mauvais, que dès qu'on y eut mis la dernie re main, par les Traitez de Bade & de Radftad, on previt que ce fuperbe édifice ne

man

manqueroit pas de crouler dans peu de

tems.

Peut-être feroit-ce ici le lieu d'examiner les plaintes qu'ont fouvent fait les Miniftres de l'Empereur, en accufant la Grande-Bretagne & les Etats Généraux des Provinces-Unies d'avoir abandonné la Maison d'Autriche dans le Congrès d'Utrecht. Ne pourroit-on pasdire que jamais plainte n'a été plus mal fondée? En effet que démandèrent les Miniftres Imperiaux à Utrecht? tout ce qu'ils avoient demandé à Gertruydenberg, tout ce qu'ils avoient demandé avant le 17. Avril 1711.& tout ce que les Hauts Alliez euffent fermement concouru à obtenir pour l'Augufte Maison, juxta tenorem exigentiam fœderum & conventionum, fi la Paix s'étoit faite avant cette fatale journée. Mais après cette journée, ou pour mieux dire, après le 12. Úctobre fuivant, toutes les circonftances de la Grande Alliance ne changèrent-elles point de face? & avoit-on pu prévoir en 1701., qu'en 1713., la Maifon d'Autriche,qui fe voioit alors apuïée fur l'efperance d'ure longue pofterité de deux Princes jeunes & vigoureux, feroit reduite à un feul rejeton, fous les loix duquel les nombreux & infinis Etats de l'Auguste Maison se trou

* Les Archiducs Jofeph & Charles.

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veroient tous réunis? pouvoit on prévoir que Louis XIV. qui voyoit un Dauphin fain & vigoureux, & qui comptoit trois petits-fils, qui lui promettoient nombre d'arrieres-Neveux, verroit la Couronne deftinée à un enfant d'une complection delicaté? tout cela eft neanmoins arrivé. Ces éve→ nemens ne changeoient-ils pas entierement toutes les circonftances? Etoit-il de l'intérêt & de la tranquillité de l'Europe, de faire de Charles III. devenu Empereur, un fecond Charles-Quint, ou plûtôt un Prince encore plus puiffant que ce formidable Empereur, puifqu'on n'avoit pas un jaloux François I. à opofer à Charles VI.& que la France épuisée ne pouvoit être de long-tems en état de faire tête aux forces de l'Autriche aidées des trésors de l'Amerique, dont Charles VI. auroit été le Maître, fi, fuivant les ftipulations de la Grande Alliance, on n'avoit point mis bas les armes que la Maison de Bourbon n'eut deserté l'Espagne, & que cette Couronne n'eut été affermie fur la tête de Charles. On avoit commencé la Guerre pour empê-cher une feule tête de porter les Couronnes d'Espagne & de France, auroit-ce été la terminer dans l'intention, dans laquelle elle avoit été commencée, qui étoit de pourvoir aux libertez & à la fûreté de

l'Eu

l'Europe, que d'unir fur une même tête le Diademe Impérial aux Couronnes des Efpagnes, des deux Siciles & de Sardaigne? mais dira-t-on, l'Empereur n'a-t-il pasapuïé jufqu'au bout les intérêts de fes HautsAlliez? la chofe est toute differente, les circonftances n'étoient changées que pour l'Augufte Maison, & elles étoient reftées les mêmes pour le Portugal, la GrandeBretagne, les Etats Généraux, la Pruffe &c. ainfi il étoit jufte que l'on ne changeât rien à leurs prétenfions, ni à ce qui avoit été ftipulé en leur faveur dans la Grande Alliance, & ils dont ils avoient acheté l'execution affez cherement aux depens de trefors immenfes & de dettes contractées, dont un demi-Siècle ne verra point le remboursement; au lieu que tout demandoit que l'on fuivit un tout autre fiftéme par raport à l'Augufte Maison, dont on devoir apuïer les droits & garantir les poffeffions; mais dont un nouvel agrandiffement ne pouvoit s'accorder avec l'Etat de l'Europe changé par tant de morts, depuis la Grande Alliance.

Retournons aux Traitez d'Utrecht.Quelque frêles qu'en paruffent les fondemens, ne peut-on pas dire, que fi Louis XIV, qui n'étoit pas encore dans un âge décrépit quand le Ciel l'enleva à la France, eut vê

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cu encore dix années, il eut foutenu par fon autorité, par le refpect que toutes les Puiffances portoient à fon nom & par l'adroite politique dont fon Ministere étoit en poffeffion, un ouvrage que fés intrigues avoient élevé à fa gloire & comme pour reparer les defaftres, où fes armes avoient été expofées depuis la journée de Ramelies. Mais comme les chofes de ce Monde. qui paroiffent les plus folides, font très chancelantes & que la politique la plus confommée ne peut prevoir certains coups de la Providence; celui qui auroit foutenu l'édifice de cette paix, eft tombé trop-tôt dans le cercueil; & par un de ces prodiges qu'on a de la peine à croire, la Couronne, qui paroiffoit devoir être la plus épuifée, puifque fes Provinces avoient été en proye pendant toute la Guerre aux Armées étrangères des deux partis, fut celle qui fe trouva la prémiere en état d'armer, & d'armer même d'une maniere à fe rendre redoutable :'en forte que d'autres Puiffances qui paroiffoient n'avoir aucun intérêt de prendre part à la querelle, furent les prémieres à faire des efforts. pour tenter de s'opofer à fes deffeins. On fent bien que je veux parler de l'Espagne à qui un Miniftre laborieux & intelligent aprit qu'elle avoit des forces qu'elle ne connoifsoit pas, même dans un tems où el

le

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