AVERTISSEMENT. La France, après des triomphes inouïs, avait besoin' d'oublier dans le récit des victoires qui, pendant vingt-cinq ans, ont eu l'Europe entière pour théâtre, les désastres de la fatale expédition de 1812, et des malheureuses campagnes de 1813, 1814 et 1815. Jamais, en aucun temps, on n'avait vu des armées aussi formidables, des exploits aussi dignes de mémoire, des événements aussi rapides, des révolutions aussi inattendues, des changements aussi divers. L'Europe, remuée jusque dans ses fondements depuis.1792, offrit dès lors un vaste champ de bataille où, tour à tour et simultanément, les peuples ont lutté pour la défense de leur liberté ou l'accroissement de leur puissance. Tous les événements qu'on admirait dans l'histoire des siècles précédents semblent s'être renouvelés, pour être surpassés. Les territoires entiers des nations deviennent les théâtres des guerres. On voit dans toute l'Europe des essaims de soldats se précipiter les uns contre les autres et poursuivre le cours de leurs exploits, de la Hollande aux confins de l'Italie, du Tage à ceux du Niémen. Le but de ces Annales a été de retracer tous les faits d'armes que présente cette époque si féconde en événements militaires; de faire succéder au tableau des actions générales l'intérêt des faits particuliers, et de montrer les Français, tantôt enchaînant la victoire à force d'audace, tantôt triomphant de la mauvaise fortune à force de constance; de placer dans le récit des combats l'histoire de la science militaire, de ses changements, de ses progrès; de dire avec la même sincérité les fautes, les succès, les revers, et, dans cette longue période d'années où tant de citoyens, presque toujours égaux en courage, mais souvent divisés d'opinions, figurent tour à tour sur les champs de bataille, de louer indistinctement tous ceux dont les paroles, les sentiments, les actions portent l'empreinte du caractère national dans ce qu'il a de plus noble et de plus belliqueux. Ces Annales sont comme un monument consacré à la mémoire de tous les Français, qui, sous quelque étendard qu'ils aient marché, dans quelque rang que les ait placés la fortune, et quels que soient les lieux témoins de leurs exploits, ont fait admirer dans les combats cette habileté, ces talents, ce vaste génie, ce courage calme, ou cette intrépidité brillante, qui préparent, disputent et fixent la victoire. Abandonnée de la fortune, éprouvée par les revers, la nation française ne perdit jamais le sentiment de sa force ni celui de sa dignité. L'Europe conjurée a vaincu la France, mais n'a pu lui ravir l'estime des peuples, ni sa propre estime, ni ses glorieux souvenirs; et c'est à la puissance de ces souvenirs qu'il faut attribuer le prodigieux succès de l'ouvrage dont nous annonçons une nouvelle édition. « C'est une tâche bien noble et bien utile que celle de l'écri<< vain qui s'attache à recueillir, pour les conserver dans la mé«moire des hommes, les actions dignes d'être célébrées. Les a peuples s'éteignent, les empires s'écroulent, les villes tom<< bent en ruines, et finissent sans laisser de traces de leur exis«tence; mais les actions héroïques survivent à tous les siècles, « à toutes les destructions; leur souvenir reste immortel. Les |