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cité, au vagabondage, à la prostitution; elles réglaient les conditions requises pour l'exercice des diverses professions, fixaient le prix des denrées de première nécessité, et voulaient que, pour la vente des marchandises, les poids et mesures fussent toujours justes, toujours égaux.

Cette analyse, tout incomplète qu'elle soit, des anciens documens historiques et judiciaires, jusqu'à la fin du huitième siècle, suffira peut-être à démontrer que les questions de police municipale ont laborieusement occupé l'attention des hommes d'État, avant même que les besoins de la société aient reçu tous les développemens qu'entraîne avec elle une civilisation plus avancée.

Si je ne craignais de trop m'écarter de mon sujet, je ferais également remarquer quels rapports frappans existent entre les élémens de cette législation et les principes de l'ordre politique et légal de notre époque. En effet, n'y trouve-t-on pas le germe du système électoral? des magistrats municipaux électifs, administrant les communes; le jugement par jury; des comités cantonnaux; des assises provinciales; et enfin, les assemblées générales des champs de mars et de mai, qui, certes, offrent beaucoup d'analogie avec notre représentation nationale?

Les citoyens intervenaient dans l'administration des affaires du pays et dans la confection des lois, en ces temps voisins du berceau de la monarchie;

et cependant, au dix-neuvième siècle, des hommes ont osé nous parler de droit divin, et présenter comme une usurpation sur les prérogatives de la couronne la revendication de nos droits et de nos libertés !!!

En ce qui concerne plus spécialement les dispositions des lois saliques et des capitulaires sur les matières de police, je crois ne pouvoir mieux faire que de reproduire textuellement le résumé qu'en ont donné les auteurs d'un ouvrage auquel j'ai recouru avec fruit'.

« Nous n'entendons point donner ici une analyse complète des capitulaires; le peu que nous en avons dit doit suffire néanmoins pour faire comprendre combien ces lois, malgré leurs formes étrangères et leurs dispositions confuses, sont dignes des méditations de l'historien et du législateur.

» En effet, on y trouve des renseignemens de plus d'un genre, mais particulièrement sur les magistrats chargés de l'administration de la justice et de la police; sur les conditions de leur élection, leurs qualités, leurs mœurs, leur capacité et leurs devoirs dans l'exercice des fonctions qui leur étaient confiées. L'énumération de ces devoirs est le meilleur résumé que nous puissions donner des diverses attributions de police au commencement du neu

1 Nouveau Dictionnaire de police, par MM. Eloin, Trebuchet et Labat; Paris, 1835.

vième siècle : rien n'y manque, soit dans l'intérêt de la justice, soit dans l'intérêt du bien-être et de la tranquillité publique.

>> Maintenir l'ordre, l'abondance, la liberté du commerce; veiller à l'entretien des bâtimens, des routes, des ponts, des rues et des places publiques; donner aide et appui aux pauvres, aux veuves et aux orphelins; poursuivre avec une infatigable activité les coupables de toute espèce; enfin, couvrir d'une protection assurée les droits et les propriétés de chacun, et tenir constamment le caractère de juge au-dessus de tout soupçon de corruption et d'injustice telles sont les obligations imposées aux magistrats, et consignées dans un grand nombre de capitulaires. >>

Partagé entre plusieurs souverains, l'empire de Charlemagne finit par tomber dans un état d'épuisement et de dissolution que hâtèrent d'incessantes querelles et l'invasion répétée des barbares. Les liens politiques, successivement relâchés, se brisèrent; la royauté, affaiblie, déconsidérée, resta sans force au milieu des ruines de l'ordre social, qu'elle n'avait pu ni protéger ni défendre de cet état de choses naquit la féodalité.

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C'est alors qu'à la place de l'unité gouvernementale, la France vit des millions de nobles suzerains, ayant presque secoué le joug de l'autorité suprême, se substituer, pour tous les cas, dans une circon

scription plus ou moins étendue, à la puissance souveraine.

Le pays offrait cette bizarre anomalie que l'action du pouvoir royal, paralysée et même balancée par celle des seigneurs féodaux, était la seule qui ne pût pas se faire obéir d'une manière absolue dans une partie du royaume.

La royauté se trouvait donc étouffée par la vaste oligarchie qui avait envahi et fractionné à l'infini le gouvernement de la France; le peuple ne reconnaissait d'autres lois, d'autres règles, que la volonté de ces petits despotes.

Ne subissant plus la gêne d'une influence supérieure, les ducs, les comtes, les barons, voulurent aussi administrer la justice par eux-mêmes; ils convoquèrent de temps en temps, dans leurs châteaux, des assemblées auxquelles étaient confiées quelques-unes des attributions des anciens, placita minora; et, dans leur ignorance des lois préexistantes, ils imaginèrent des formes nouvelles pour établir la preuve des faits, pour constater les droits des parties; et ils adoptèrent une pénalité monstrueuse et cruelle qu'ils variaient selon leurs caprices. De là les épreuves des combats judiciaires, du feu, de l'eau; en un mot, les moyens étranges que la superstition et l'ignorance mirent en pratique sous le nom de jugement de Dieu.

Quelque facile que fût l'exercice de cette magis

trature accidentelle et expéditive, elle ne tarda

pas

à lasser la patience d'hommes toujours préoccupés de leurs propres démêlés, de leurs vues d'agrandissement, et voués d'ailleurs par inclination au métier des armes. C'est alors qu'ils se firent remplacer, dans la présidence des assemblées judiciaires, par les plus éclairés d'entre leurs vassaux. Ces délégués prirent le titre de prévôt ou de vicomte (quasi vice comitum gerentes).

Les dues, comtes et barons s'étaient néanmoins réservé une haute juridiction; mais ils s'en dessaisirent bientôt en faveur de magistrats d'un ordre supérieur, qu'ils instituèrent sous la dénomination de baillis et de sénéchaux, qualifications que s'attribuèrent, par la suite, les juges inférieurs dans les villes et les localités moins importantes, où se formèrent, sous leur surveillance, d'autres juridictions.

Placé au premier rang dans cette organisation judiciaire et administrative, le prévôt de Paris avait des pouvoirs immenses: il ne relevait que du roi, exerçait en son lieu et place, et pouvait, par conséquent, adresser des ordres aux magistrats des provinces. Les réglemens d'administration faits par le prévôt de Paris ayant été obligatoires pour tout le royaume jusqu'à la fin du quatorzième siècle, le titre d'ordonnance leur fut appliqué comme aux décisions royales; et, quoique ces mêmes actes n'aient

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