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que les miniftres réunis fe rendent à l'Affemblée, chargés d'un meffage du roi.

Ils font introduits. Le miniftre de la juftice annonce que S. M. a donné fa fanation à divers décrets qu'il défigne, notamment à ceux qui concernent Louis-Staniflas Xavier, prince françois. Quant au décret fur les émigrans, ajoute le miniftre, le roi examinera ( formule conftitutionnelle du veto ).

L'Affemblée écoute en filence : les tribunes fe taisent à fon exemple: une feule voix, celle de M. Merlin, demande l'ordre du jour. Le miniftre reprend la parole. S. M., continue-t-il, me charge de vous dire que fi fa fanction eût été divisible, elle auroit volontiers adopté quelques difpofitions du décret..... M. Lacroix l'interrompt pour demander fi le meffage eft figné du roi. Il ne l'eft pas. Les uns s'oppofent à ce que la lecture contid'autres réclament le filence. M. le vicepréfident, M. Vaublanc, ramene le calme & obferve au miniftre que l'objet fur lequel il parle n'étant pas relatif à fon administra tion, il ne peut être entendu.

nue ;

MM. Reboul & Cambon foutiennent que permettre de motiver, au nom du roi, fon refus de fanction, c'est lui donner l'initiative des loix, c'eft violer la Conftitution. Le roi a ufé de fon droit en appofant fon veto à la loi, difoit M. Cambon refpectons fes motifs fans les connoître; refpe&tons la preuve qu'il donne à l'Europe de la liberté qu'il conferve au milieu de fon peuple, & ne voyons dans l'ufage qu'il fait de l'autorité qui lui eft confiée, qu'une preuve nouvelle de fon attachement à la Conftitution.

Quand les applaudiffemens réitérés qui ont couvert M. Cambon ont permis au miniftrę

de reprendre la parole, il a dit qu'il n'avoit qu'un fait à exprimer c'eft que le meffage u roi avoit pour objet d'inftruire l'Affemblée des mefures prifes à l'égard des émigrans, & dont l'effet devoit être le même que celui du décret.... Ici, M. le préfident arrête encore le miniftre en Jui difant: Oferois-je vous repréfenter que yous entrez dans la difcuffion ? Le miniftre s'affied, & après quelques inftans de tumulte, l'Affemblée paffe, à l'ordre du jour.

Il appelloit le rapport fur les troubles du Calvados. M. Chabot demande que le miniftre de l'intérieur faffe part de ce qu'il en a appris M. Deleffart n'a reçu qu'une lettre du directoire du département, qui, fans en trer dans de grands détails, demande des feCours de troupes que le miniftre de la guerre va lui envoyer.

M. le maire de Caen & M. Fauchet - paroif fent craindre l'emploi des troupes, & avec une extrême amertume, ce dernier déclame contre le département, qu'il accufe de manquer de civifme, & d'être, de concert avec le procureur général, le fauteur des troubles. II y a affez de forces patriotiques dans le Calvados; & fi les Patriotes n'ont rien à craindre, de quoi s'inquiéteroit l'Affemblée Nationale? L'orateur concluoit à ce qu'on n'envoyât pas de troupes.

L'Affemblée a fait juftice de cette étrange morale en paffant à l'ordre du jour.

Le rapporteur du comité de légiflation avoit commencé fon rapport fur les troubles religi eux on l'a interrompu pour entendre l'officier chargé de l'arreftation du fieur Varnier. Il n'a pu le trouver : il eft forti de l'hôtel où il loge, le matin, à huit heures.

A l'inftant, on a propofé de rendre le décret d'accufation; de longs débats ont fuivi cer

te motion. Une partie de l'Affemblée la déferdei; l'au re trouvoit de l'inconvénient à priver un homme de fa liberté fur la repréfentation dune lettre criminele fans doute, mais dont il n'eft pas conftant qu'il foit l'auteur. Enfin M. Bazire a décidé la prefqu'unanimité, en obfervant qu'il garan iffo't que la lettre étoit du particulier par lui indiqué. Le décret d'accufation a été rendu. On a écarté la propofition de l'é endre à l'individu auquel la lettre a été adreflée, & au fieur Tardy, qu'elle ind que comme complice.

On alloit lever la fence, quand on a an noncé que le prévenu, le fieur Varnier, étoit arrêté.

Sa préfentation faifoit ceffer la contumace fufpendoit naturellement le décret d'accufation, pour ne laiffer fubfifter que celui qui ordonnoit d'entendre l'accufé. Cette vérité fi fimple a trouvé longtems des contradicteurs, & a fini pourtant par triompher encore, à l'aide de M. Bazire, qui, paroiffant à cet inflant moins für de fon fait, defiroit qu'on s'affurât qu'il n'y avoit pas erreur de perfonne.

L'accufé a été introduit. M. le préfident dépofitaire de la confiance de l'Affemblée par un décret fpécial, l'a interrogé. Sur fon pays? St.-Dizier. Sur fon âge? 30 ans. Sur la durée de fon féjour a Paris? Six mois.

Sur l'emploi de fon tems? Il follicitoit & a obtenu fon remplacement dans l'état de receveur des douanes. S'il connoît le fieur Noirot de Pontarlier ( 1 ) ? ≈ Oui. = S'il a des freres? Un feul. S'il connoît quelqu'un à Paris? Le fieur Rollin & une autre perfonne privée de fon état par la Révolution.

(1) C'est celui à qui la lettre eft adreffée.

S'il a des relations à Worms, à Coblence ? Non. S'il connoît le fieur Tardy? Non. = S'il connoît qu'elqu'un du nom de Tardy à Dijon? Oui. S'il a envoyé de l'argent au fieur Noirot? = Non. S'il reconnoît la lettre qu'on Jui préfente pour avoir été écrite par lui, fi la fignature est la fienne? Non on paroît avoir eu le deffein d'imiter l'une & l'autre.

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M. le président lui fait écrire deux lignes & figner fon nom, écrire enfuite fous fa dictée le commencement de la lettre dépofée, la date, des chiffres; puis il ordonne aux huiffiers de le remettre à la Garde..

L'Affemblée, confultée, ne croit pas avoir befoin de nouvelles lumieres; ceux de fes membres qui ont confronté les deux écritures ctoient y reconnoître l'identité; les juges feuls peuvent décider. Le décret d'accufation eft rétabli, on y comprend le fieur Noirot, à qui étoit adreffée la lettre, & le fieur Tardy, qu'elle défigne. On ordonne que le juge de paix de P'arrondiffement pofera le fcellé fur les papiers du prévenu; que le pouvoir exécutif fera chargé de fa détention; que la lettre, comme piece de conviction, fera dépofée aux archives pour être remife à la Haute Cour Nationale; que la lifte du grand-juré fera faite & proclamée, les membres du tribunal de caflation qui doivent faire les fonctions de juges, désignés, & les procureurs-généraux de la Nation nommés par l'Affemblée.

Enfin l'Affemblée Nationale mande le maire de Paris pour lui enjoindre de veiller fur la perfonne de l'accufé, menacé, difoit on, par quelques attroupemens, ordonne que la féance tiendra jufqu'à ce qu'elle foit certaine qu'il eft en lieu de fûreté, fous la main de laloi, & fe fépare à 8 heures après avoir appris que

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fes vues font remplies, & avoir fait porter au roi le décret d'accufation, pour que l'ar restation des prévenus foit exécutée promp

tement.

Du 13.

Le département de la Haute-Marne annonce par une adreffe que la ville de Chaumont a été le théatre de défordres violens, excités par les inquiétudes du Peuple relativement aux subsistances, & que la force publique n'a pu garantir du pillage l'hôtel-de-ville. Les membres du département, pourfuivis par des furieux, ont été obligés de fuir, & ils récla ment la protection de la loi. Cette adreffe a été renvoyée au pouvoir exécutif.

Si on en croit les détails contenus dans les lettres que M. Faucher a présentées, les méContens de Caen ont pouflé la folie jufqu' former une conjuration dont l'iffue devroic bien apprendre à ceux qui feroient tentés de les imiter l'impuiffance de leurs efforts.

L'un des confpirateurs, M. Adolphe, écri voit que la déroute étoit complette. Il fe plaignoir d: P'inutilité de fes foins pour donner du courage aux roturiers de leur parti. Ces bourgeois ajoutoit-il, font fans énergie. Homme infenfé, defcends dans ton cœur ; & fi tu es de bonne foi, il te dira que la tête penfe mal, que le bras agit foiblement, quand le cri de notre confcience nous accufe. Voilà la fource de la lâcheté de tes complices.

Le plan, au refte, eft comme tout ce qui fort de ces Confeils, qui font fans doute préfidés par la fottife. Il eft en 15 articles. L'un établit des comités appellés d'ho nêtes gens, & compotés de cinq perfonnes. L'autre établit leur maniere de correfpondre par des dé légués, pour que tout le parti foit prêt à mar

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