Le 28 Octobre, il a été brûlé 7 millions en affignats, lefquels, joints aux 305 millions. déjà brûlés, font la fomme de 312 millions. NOUVELLES DES DÉPARTEMENS.

L'émigration continue avec fureur, ce qui annonce précisément qu'elle ne peut durer longtems. Des ci-devant nobles qui ont à peine 600 liv. de rente, partent à pied, & les plus riches femblent voler en pofte vers les frontieres. Plus de 500 officiers de marine ont quitté le royaume, &, parmi eux, des commandans de ports, d'un âge avancé, tels que MM. Hector & Soulanges. On affure qu'il ne reste plus que trois ou quatre officiers dans le département de Rochefort. Dans l'armée de terre, les colonels, lieutenans-colonels, majors & capitaines fuivent les traces des lieutenans.

Le lieutenant-colonel du premier régiment de cavalerie, qui eft déferté de Lille le 12 Octobre au foir, ainfi que nous l'avons annoncé, fe nomme M. Victor Vergnette. Voici ce que plufieurs Journaux françois rapportent pour compléter l'hiftoire de la plus lâche des défertions.

M. Victor Vergnette a emmené avec lui fa femme, fes trois enfans, le Sr. Bellamont, premier adjudant, le Sr. Troupel, maréchalde-logis en chef, & fes complices. Non-ieulement il laille à la caiffe du régiment un déficit de 7 mille liv.; mais comme elle étoit en dépôt chez lui, il l'a crochetée, & en a enlevé, en écus, la fomme de 16 mille 800 livres. Indépendamment de ce vol bien conftaté, & de celui de l'étendard blanc, il emporte 6 mille ly. au chirurgien-major du régiment, 10 mille soo liv. à un fous lieutenant, 1900 liv. au maître tailleur, 1200 liv, à un vieux Cavalier, fon blanchiffeur, 300 liva au Sr

Cornée, brigadier-fourrier, inftituteur de fes trois enfans, & enfin pour une fomme confidérable d'autres dettes que fa femme & lui ont contractées dans la Bourgeoifie.

A toutes ces horreurs, auxquelles on a peine à croire, quoiqu'elles foient bien af firmées, M. Victor Vergnette a ajouté l'au dace d'écrire aux braves cavaliers à qui il venoit de donner un fi bel exemple, une longue lettre par laquelle il cherche à juftifier fa coupable conduite. Comment le croiroiton? Par les principes de l'honneur françois. Quel honneur que celui qui confifte à jouer le rôle de parjure, & à confommer le délit d'une défertion frauduleufe! Les cavaliers ont fait à cette lettre une réponfe énergique. Is lui reprochent tous fes crimes; ils lui fignifient que tous fes efforts pour les débaucher fout inutiles. « La perte de notre éten lard nous a confternés fans doute, lui difent ils; elle feroit irréparable, fi nous n'avions l'efpoir d'ea obtenir un aux trois couleurs, que le régiment a fait folliciter par une députation auprès de la municipalité de Lille & de nos braves généraux. Nous combatirons, nous pulvériferons fans miféricorde, fous ce nouveau figne de ralliement, tous les traîtres tous les parjures, tous les fcélérats qui vous reffembleront ».

Au refois c'étoient les foldats qui défertoient; mais comment étoient-ils traités ? Parcimonieufement foldés, par conféquent, mal nourris, mal vê us, & perpétuellement confignés aux portes des villes de garnifon; battus de coups de bâtons, obligés de fervir plufieurs années au delà du terme de leur engagement, avant de pouvoir obtenir un congé abfolu; tant de motifs de plaintes, fans qu'on leur fît justice,

tant de mécontentemens, pouvoient-ils manquer de leur infpirer des dégoûts? Ils défertoient leurs drapeaux; & forique atteints dans leur fuite, ils y étoient ramenés, ils étoient fufillés ou pendus. Combien de fois n'ai je pas vu leurs fentences arrofées des larmes de leurs juges, qui ne fes condamnoient que comme forcés de fe conformer à des ordonnances affez inhumaines pour ne pas diftinguer la différence de délit qui exiftoit entre tel déferteur & tel autre? Avec quelle fatisfaction intérieure j'ai ofé plaider leur cause dans ces tems de defpotifme où c'étoit un crime que de parler en faveur du foldat françois ! J'ai prouvé par des relevés exacts, que, chaque année, il périfoit 4 à 5 mille hommes par la fufillade ou par la corde.

Tel étoit le fort d'un foldat jeune, inconftant, chagriné ou maltraité; on le lui faifoit fubir fans pitié, & l'on ufoit à fon égard d'autant de rigueur qu'envers fon embaucheur, qui, fe faifant une habitude de la défertion, avoit déjà trompé 20 capitaines. Mais du moins les uns & les autres n'emportoient ni les drapeaux ni la caiffe militaire. On en a vu plus d'un payer, la veille de fa défertion, les petites dettes qu'il avoit contrac tées, afin que, dans le cas où il feroit rattrapé, on n'eût pas à lui faire le reproche d'avoir voulu occafionner une perte à un cabaretier, blanchiffeufe, &c.

une

Auroit on jamais penfé qu'il viendroit un tems où les foldats, demeurant fermes & fideles à leurs drapeaux, auroient à déplorer l'exemple de leurs chefs? Non, ce délire n'est pas concevable furtout après avoir fait un ferment public & facré, furtout encore après avoir vu le roi adopter la Conftitution. Ah!

ee chef & ce roi des François doit bien reconnoître aujourd'hui que ce n'étoit pas fa perfonne qui étoit le pur objet du foi-difant attachement inviolable des émigrans. Ceux d'entr'eux qui, avant de prononcer le terment ou même après l'avoir prononcé, ont donné leur démiffion, ne peuvent encourir aucun bâme : ils ont agi, fuivant leur confcience, en francs & loyaux françois, & l'on doit les juger dignes d'être regrettés.

Un citoyen digne de foi raconte avoir rencontré fur le petit pont de pierre qui, près de Valenciennes, fépare le territoire françois du territoire autrichien, un affez mauvais cabriolet dans lequel étoit un homme en redingotte. Quellé a été fa furprise de voir cet homme fortir de fa voiture, y jetter fa redingotte, fecouer fortement la pouffiere de fes pies, cracher avec indignation fur la terre françoife, fe paffer un large cordon bleu, & s'acheminer à pied vers le village autrichien ! Telles font à peu près les cérémonies obfervées par tous ceux qui vont joindre la croifade féodale.

Le mariage des prêtres commence à gagner quelques départemens. A Chartres, un chanoine & un bénédictin fe font mariés publiquement, & le Peuple a beaucoup applaudi, On remarque cependant que le plus grand nombre des prêtres qui fe marient publiquement font ceux qui, ayant pris l' vance, avoient déjà des enfans. Ceux qui n'en ont pas, du moins de reconnus, fe conten ent d'un acte de mariage kccrer qu'ils s'engagent de ratifier pius folemnel'ement dans un au re tems c'est à dire, loriqu'il y aura une loi pus formelle à ce fujet. «Quel changement dans l'opinion, dit un Journante! Aujourd'hui le

Peuple eft édifié de ce qui le fcandalifoit au trefois. Il y a quelques années qu'il huoit & pourfuivoit à coups de pierres un prêtre furpris dans les bras d'une femme ». Oui, M.le Journaliste ; mais ce cas étoit donc bien rare, & d'ailleurs cette femme n'étoit pas la fienne; fi la même chofe arrivoit encore aujourd'hui, foyez fûr qu'elle produiroit le même effet. Paffe pour une autre erreur d'une claffe de citoyens plus éclairés : c'étoit de déclamer contre l'incontinence & l'inconduite de quelques prêtres, au lieu de s'élever contre les mauvaises loix du Gouvernement qui ordonnoit le célibat, fi contraire au vœu irréfiftible de la nature.

GRANDE-BRETAGNE.

LONDRES (le 22 Octobre ). Leurs Maj. & la famille royale ont été reçues, à leur re. tour au château de Windsor, aux acclamations des habitans au bruit du canon & de la moufqueterie; il y a eu une illumination générale.

On a fait l'observation qu'il y a 26 évêchés en Angleterre, dont le revenu total fe monte annuellement à la fomme de quatre-vingt douze mille cinq cens livres fterlings. En Irlande, il y en a 22, dont le revenu annuel eit évalué à foixante-quatorze mille livres fterlings. Ainfi 48 perfonnes dévorent, tous les ans la fomme énorme de 166,000 1. ft., tandis que des milliers de curés & de vicaires meurent prefque de faim dans ces deux royaumes. Cette diftribution fi exceffivement inégale des biens del'Eglife eft un fcandale qu'on n'a connu que dans la religion chrétienne, & qu'on ne peut défendre fans infulter au bon fens, à la juftice & à la religion.

PAYS-BAS.

BRUXELLES (le 31 Odobre). La fciffion