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Il a cependant ajouté que ces mesures fèroient infructueufes, fi l'on n'y en joignoit pas. deux autres la premiere, de n'y envoyer que des commandans & commiffaires patrio, tes; la feconde, de s'attacher à bien traiter & à réarmer les Mulâtres. Il a démontré qu'ils étoient les plus fermes boulevards de la colonie; que cependant on les avoit imprudemment défarmés; que de ce défarmement étoit dérivée la révolte des Noirs. Il a dit qu'à la Martinique les Noirs étoient tranquilles, parce que les Mulâtres étoient armés.

Il s'est récrié contre le defpotisme auquel les Muâtres étoient foumis à Saint-Domingue, fur ce qu'ils n'avoient le droit, ni de venir ni d'écrire, ni de pétitionner. Il a demandé que les commiffaires civils fuflent autorisés & à les réarmer, & à les faire jouir de ces différens droits.

On a demandé l'impreffion de ce difcours, & elle a été décrétée malgré les clameurs de quelques partifans des planteurs,

M. Tarbé, député de Rouen, a demandé que fon difcours fût à l'inftant paraphé, & cette motion indécente a été couverte de cris d'improbation, & fuivie d'une motion que M. Tarbé fit appellé à l'ordre.

M. Guader, député de Bordeaux, qui eft enfuite monté à la tribune, a propofé de joindre des Gardes Nationales aux troupes de ligne qu'on enverroit, & a répondu du patriotifme de celles de Bordeaux, qu'il a justifiées des calomnies lancées contre elles.

M. Tarbé a combattu cette propofition & celle de M. Briffot. Il a prétendu qu'il étoit inconftitutionnel d'autorifer les commiffaires à faire rendre aux Mulâtres le droit d'aller de venir, &c. Cette doctrine, qui a rappellé

celle de MM. Regnault & Dillon, a été plus fortement improuvée encore quand cet orateur a voulu diftinguer, comme freres, les Mulâtres des Blancs, & quand il a infinué que l'on vouloit endormir la Nation.

Après quelques autres débats, M. Sers. député de Bordeaux, a obfervé qu'il étoit inutile de décréter le projet des comités, puifque le miniftre avoit déjà exécuté; qu'il falloit le laiffer exécuter fous fa refponfabilité. Un autre membre a fortement infifté fur ce

parti, & d'après les réflexions, on eft paffé à l'ordre du jour, & on s'eft féparé en bureaux pour élire le vice-président.

Du 31.

Après avoir fait l'éloge de l'inftitution des. jurés, M, Le Montey a propofé différentes additions à cette loi: elles ont été renvoyées au comité de légiflation.

L'Affemblée a ordonné l'impreffion & l'ajournement à trois jours d'un projet du comité militaire fur le remplacement des officiers déferteurs. Le comité propose deux mesures prin◄ cipales l'une eft une revue générale de l'armée, faite partiellement par les commiffaires des guerres. Les différens procès-verbaux feroient fignés par tous les officiers, & ceux qui ne l'auroient pas fait, & qui ne préfenteroient pas de congés, feroient déchus de leurs emplois, & déclarés incapables de fervir. L'autre mesure eft la fufpenfion, jufqu'au rer. Janvier prochain, de la loi qui fixe le mode d'admiffion aux places de l'armée.

Dans la féance du 29 l'Affemblée avoit accordé la priorité au projet de M. Condorcet. Ce projet préfente des vues fages; il a été dicté par des intentions très-civiques, très-philofophiques; mais il eft très-incomplet; il ne

remonte pas à la fource de l'émigration pour y appliquer le remede, & c'eft pour cela que les Ministériels l'avoient diftingué des autres projets; mais les Patriotes ont fenti que rien n'étoit fait, s'il étoit adopté. Auffi M. Ifnard, député de Marseille, s'eft-il empreffé de le repouffer par la question préalable.

Cet orateur a parlé avec cette force de raifonnement qui convainc, cette éloquence qui perfuade, cette vivacité qui entraîne. Il n'a vu dans le plan de M. Condorcet qu'une précaution infuffifante, & qui étoit bien loin de fatisfaire à ce que la prudence & la justice exigeoient. Il a prouvé, comme M. Briffor, que c'étoit furtout les chefs de l'émigration qu'il falloit frapper; il a fcruté le motif de ceux qui craignent d'adopter une grande mefure. « C'eft, at-il dit, la lâcheté qui tremble devant des princes; le fantôme du coloffe abattu de la Nobleffe les effraie encore. Eh! frappez, ne tremblez pas ». Il a fait craindre que la molleffe de Ï'Affemblée n'excitât, ne juftifiât la terrible colere du Peuple. « Oui, s'eft-il écrié, la cofere du Peuple fa vengeance n'eft fouvent, comme celle du ciel, que le fupplément terrible au filence de la loi. Et devant qui la loi fe taitelle? Devant des confpirateurs. .... Des confpirateurs! Si le feu du ciel étoit au pouvoir des hommes, s'il étoit dans mes mains, je le lancerois fur leurs têtes coupables ».

Ces grands mouvemens, ces images frappantes qui fe fuccédoient avec rapidité dans le difcours de M. Ifnard, ont produit une éinotion fi profonde, que tous les efprits fe font rappellé les fcenes d'enthoufiafme excitées fi fouvent par fon compatriote Mirabeau, au fein de l'Affemblée Conftituante.

M. Isnard a fini par de courtes réflexions

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contre le projet de M. Condorcet; il a pensé que ce feroit fouiller la fainteté des fermens que de les prendre pour gages de la foi d'une troupe de confpirateurs qui fe font un jeu, un devoir même de les violer.

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La question préalable, invoquée par M. If nard, a été fortement appuyée par MM. Mer lin & Girardin, mais furtout par ce dernier. Il a démontré que le ferment propofé par M. Condorcet étoit inutile, puifque les honnêtes gens n'avoient pas befoin d'être liés par un ferment, & qu'il ne lieroit pas les ennemis de la patrie.

Le projet de M. Condorcet a donc été rejetté par la queftion préalable, & le comité de légiflation a été chargé de fondre en un feul tous les autres projets de décret.

Suivant le compte rendu par le ministre de la marine fur la fituation de fon département, nos forces navales confiftent en 86 vaiffeaux, de ligne, 78 frégates, 47 navires, 7 chaloupes canonnieres & 28 gabarres; en tout, 246, bâtimens. Malgré ces forces confidérables l'infubordination qui continue de regner rendroit difficile un grand raffemblement. Le miniftre a ajouté que le dey d'Alger fe difpofoit à nous déclarer la guerre, & que le roi avoit donné ordre d'armer à Toulon.

M. Montmorin a rendu un compte dé taillé de la manière dont les diverfes Puiffances ont reçu la notification de l'acceptation du roi. L'efpace nous manquant pour préfenter ici fon mémoire, nous dirons feulement qu'aucune grande Puiffance n'annonce des intentions hoftiles. Un intérêt vif pour le roi & de l'indifférence pour la Nation fe montrent dans prefque toutes les répontes; il faut cependant en excepter l'électeur de Saxe & le duc de Brunf

wick. Naples, Turin, Pétersbourg, n'ont pas encore répondu. L'Espagne s'obtine à croire que le roi n'eft pas libre. La Suede a répondu ne pouvoir reconnoître de miffion de la France. « Le roi m'a donné ordre, a ajouté le miniftre, d'écrire à fon ambaffadeur pour qu'il infifte, avec ordre, en cas de refus, de quitter Stockholm fans prendre congé ». Vifs applaudiffemens.

DEPARTEMENT DE

PARIS.

La liberté abfolue & illimitée de tous les cultes religieux eft un des principaux points & un des plus grands bienfaits de la Conftitution. Il étoit donc impoffible que l'adminiftration ne prit pas des mesures de rigueur pour réprimer les violences exercées dernierement contre des perfonnes affemblées dans Féglife des Irlandois, pour y entendre la mesfe d'un prêtre non affermenté. Le directoire du département a pris, le 12 Octobre, un arrêté par lequel il mande à la municipalité << de veiller à ce qu'il ne foit plus à l'avenir porté aucune atteinte à la liberté religieufe ni au droit qu'a tout individu de pratiquer fa maniere & de faire exercer par qui il lui plait le culte religieux qu'il juge à propos de préférer, quel que foit ce culte, pourvu qu'il ne trouble pas la tranquillité publique ».

En conféquence de cet arrêté, le Corps municipal en a pris un, le 14, dont voici

l'énoncé.

« Confidérant que les citoyens ne connoîtront véritablement les principes de la liberté & les droits de l'homme en fociété qu'autant qu'ils fe perfuaderont que tous ont le droit d'adorer l'Etre Suprême felon le rit ou le culte que leur confcience leur dicte, pourvu qu'ils obéiffent aux loix de l'Etat & ne troublent en

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