Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

les principaux chefs de la Nobleffe expatriée ont employé, pour jetter celle qui étoit restée en France dans un parti auffi extrême, des moyens que n'avouent peut être point la générofité & la franchise; ils ont mis furtout en usage ce qu'on appelle l'Honneur, & ce qui, aux yeux d'un philanthrope calme & impartial, n'eft qu'un vain préjugé. Ils ont menacé leurs compatriotes de les regarder comme déchus de nobleffe, s'ils restoient dans un pays où elle avoit été abolie, & de les traiter en villains s'ils parvenoient, comme ils en étoient førs au moyen des puiffans appuis dont ils étoient certains, à rétablir la diftin&tion des Ordres dans leur patrie. Ils ont jetté des foupçons fur leurs fentimens de valeur & de courage. Ils leur ont fait parvenir des gravures emblématiques, avec des allufions infultantes, une quenouille, des fufeaux, &c., & par des inventions de ce genre, ils ont réufli à précipiter une multitude de familles dans la trifte alternative de se ruiner elles-mêmes ou de ruiner le pays qui leur a donné le jour. Ce ne font pas des nobles feuls qu'on y a engagés : l'on dir que la partie mécontente du Tiers-E at, quelque peu nombreufe qu'elle foit, a été invitée à s'affocier dans l'entreprise, fous l'expectative d'être également affociée aux droits des privilégiés. On écrit de Coblence que le 18 Oc tobre il n'y eft arrivé pas moins de 26 char riots chargés d'émigrans françois, la plupart bourgeois, & qu'il en arrive tous les jours en fi grand nombre, qu'on a de la peine à leur trouver des quartiers dans la ville ou même dans les environs. Le projet eft, dit-on, de former de tous les réfugiés de cette claffe une Garde Nationale Royale. It eft certain du moins qu'autour des deux princes, freres de S. M. Très

[ocr errors]

?

Chrết., on se donne des mouvemens comme s'il s'agiffoit d'une grande entreprife, & qu'on travaille affidument dans la chancellerie qu'ils cnt établie à Schonbornluft. Cependant ils vont quitter ce château pour prendre des quartiers 'dans la ville même. Les avis qui nous l'appren nent ajoutent que, le 17, il leur eft arrivé un courrier de Pétersbourg, qui leur a apporté, ainfi qu'à la Nobleffe qui les environne, de nouvelles affurances de l'impératrice qu'elle les honorera constamment de fa protection. Le .comte de Romanzow, fon ministre, s'étant rendu à Worms, y a reçu, comme à Coblence, des témoignages de refpect & de reconnoiffance. Le marquis de Vaubecourt, officier-général, a porté la parole au nom des gentilshommes françois.

[ocr errors]

Le monarque fur lequel font particulie rement fixés les yeux de tous les amis d'une contre-révolution en France, & qui vient de terminer une guerre funefte non provoquée de fa part, eft auffi éclairé, auffi fage qu'il eft puiffant. Il fcait que le premier devoir d'un fouverain eft d'épargner le fang de fes fujets de ne s'expofer à le répandre que dans la derniere néceffité & feulement quand il en peut attendre un avantage réel pour le Peu ple que la Providence lui a confié. Auffi la GaLette de Prague nous affure que jufqu'à préfent il n'y a pas eu le moindre mouvement parmi les troupes réparties dans la Boheme; ce qui devroit néanmoins déjà avoir eu lieu, vu l'approche de l'hiver, dans le cas que l'empereur voulût faire marcher contre la France les troupes dont le bruit public a déjà fi fouvent annoncé la marche réglée & le départ effectif. Pour le bonheur de l'humanité, la plupart des princes de l'Europe ne penfent pas moins pa

cifiquement que Léopold. Mais, dit on, l'intérêt de tout ce qui eft prince n'exige-t-il point d'exterminer ce monftre politique (c'eft le nom que les ennemis de la Révolution lui donnent) qui menace de ravager l'Europe entiere après avoir rempli la France de crimes & d'horreurs? C'eft fans doute l'affaire de tous les fouverains comme des peuples, de calmer une fureur politique qui pourroit plonger l'Europe, dans l'anarchie & le malheur; mais cette fureur (peutêtre vaudroit-il mieux dire cette effervefcence), elle ne peut s'appaiser que par des calmans. C'est par de tels moyens, que Louis XVI a plus gagné dans un feul mois que par deux ans de répugnance; c'eft par de tels moyens qu'il regagnera la confiance des François & prefque toute fa confidération. Quant aux autres princes de l'Europe qui fcavent penfer noblement, is travailleront d'eux mêmes à adoucir le fort de leurs fujets, à les foulager des fardeaux qui les accablent, à fupprimer toute efpece d'ef clavage, à éviter des guerres inutiles, & à arrêter par de pareils moyens, qui feuls font dignes de Peres du peuple, de la maniere la plus fûre, les progrès du défordre, qu'on redoute. Ce fera-là l'heureufe influence que la Révolution Françoile aura fur d'autres empires ».

Tel eft le langage modéré, fage & vraiment philofophique que tient dans fa feuille du 21 de ce mois un auteur périodique dans la Franconie, langage prefqu'inoui en Allemagne, non fufpect de la parr d'un écrivain très-peu prévenu d'ailleurs en faveur des nations qui ont autrefois réclamé leur liberté; langage enfin qui prouve les progrès de la faine raifon à une époque où l'on ofe dire généralement que les guerres ne doivent point dépendre du caprice ou de l'ambition d'un petit nombre d'individus, & qu'il eft peu conforme aux maximes

du droit des gens d'intervenir à main armée dans les querelles domeftiques d'un autre peuple indépendant. C'eft dans le même fens que les feuilles de l'Empire attribuent à l'archiduc François un mot dont nous ne voulons pas plus garantir l'authenticité que ne le comportent des anecdotes de cette efpece, mais qui du moins :eft très analogue aux principes qu'a manifeftés jufqu'à préfent fon augufte pere. « Une personne de la Cour dit à l'archiduc que le public fe flattoit que l'empereur vengeroit les offenfes faites à la fœur. L'Etat, répondit le prince, n'a point de fœur ; il ne venge point des offenfes individuelles ». Ce mot, dit-on, eft antérieur à l'acceptation de la Conftitution par S M. Très Chrét. A bien plus forte raifon, la -même façon de penfer doit-elle prévaloir après cet accord entre le roi & la Nation.

[ocr errors]

left vrai qu'indépendamment de la grande caule monarchique, les Etats de l'Allemagne ont à fe plaindre de l'Affemblée Nationale mais la voie des négociations refte ouverte ; & pour ce qui eft des droits utiles dont les princes germaniques ont été privés par les décrets, les représentans de la Nation Françoise ne se font pas encore refufés à une jufte indemnité. Le prince de Lowenftein en a fait l'épreuve : il est convenu avec le Gouvernement François > d'une indemnité pour les pertes qu'il a effuyées à raifon de ses poffeffions dans la Lorraine, & cette indemnité a été fixée à un million 500 mille liv., qui lui feront payées en deux termes dans le cours de l'année prochaine. En général, les amis de l'humanité ne sçauroient voir qu'avec peine combien l'on met de zele ou plutôr d'amertume à répandre, de part & d'autre, de faux bruits dans la vue de compromettre l'Allemagne avec la Nation Françoife.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

L'on a dit que l'éleâeur palatin, duc de Baviere, irrité de la perte qu'effuyoient fes fujets par le déplacement des douanes vers les frontieres, avoit mis un droit de 30 pour 100 fur les marchandifes françoiles importées dans son pays. Le fait eft d'autant plus faux, que, fuivant la Conftitution Germanique, aucun Etat de l'Empire n'a le pouvoir de hauffer arbitrairement les droits de douane.

[ocr errors]

Un Garde National de Paris ayant fini fes affaires à la foire de Francfort, fur curieux d'aller voir le vicomte de Mirabeau, & en effet, il le préfente à lui, en lui rappellant qu'il l'avoit connu à Paris. « Je ne vous connois pas, lui dit le noble émigré : vous êtes un mouchard, un propagandiste je vais vous faire arrêter ». Le Garde National fe laiffe arrêter fans en dire davantage, & on le conduit devant le cardinal de Rohan, chez qui se trouvoient de très-jolies femmes, & qui, faos fe donner la peine de l'interroger, le condamne à trois mois de prifon. C'étoit un bel homme les Dames s'intéreffent à lui, & qn modere la peine à 15 jours. Quand le Garde National vit que la chofe était férieufe, il demanda à parler encore à M. de Mirabeau, & lui dit «Ne vous rappellez-vous pas, M. • que le Peuple de Paris 'voulant vous mettre à la lanterne, vous n'avez du vore falut qu'à deux Gardes Nationaux qui vous ont fouftrait à fa fureur? Eh bien! c'eft mon frere & moi à qui vous avez cette obligacion ». M. de Mirabeau faute au cou du prifonner, & lui fait promettre de dîner le lendemain chez lui; puis il lui fait voir fon armée, & lui fait faire quelques manœuvres. Parmi les foldas, le Garde National reconnoît beaucoup d'aventuriers qu'il avoit vus dans les wipots de Paris.

« PreviousContinue »