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l'Abbaye le 3 août et transféré au Luxembourg le 17. S'étant trouvé malade le 6 octobre, il ne fut point transféré à la Conciergerie. Il était conduit, durant le procès, du Luxembourg au tribunal révolutionnaire, et c'est du Luxembourg qu'il fut directement conduit à l'échafaud, ainsi que le constate, en marge de l'écrou, l'huissier qui le livra à l'exécuteur.

Fauchet, arrêté à Paris, fut écroué à l'Abbaye le 14 juillet et transféré à la Conciergerie le 6 octobre. Ducos, arrêté à Paris, fut écroué directement à la Conciergerie le 6 octobre, sur un mandat délivré par la mairie.

Boyer-Fonfrède, arrêté à Paris, fut écroué directement à la Conciergerie le 6 octobre.

Lasource, arrêté à Paris, fut écroué au Luxembourg le 19 août. Il resta comme Sillery et pour la même cause au Luxembourg, et fut conduit de cette prison à l'échafaud, ainsi que le constate la déclaration écrite en marge de l'écrou, par l'huissier qui donna décharge de sa personne au concierge.

Lesterpt-Beauvais, arrêté à Paris, fut écroué à l'Abbaye le 12 octobre, et transféré à la Conciergerie le 22.

Duchâtel, arrêté à Bordeaux le 4 octobre, fut conduit à Paris, et écroué à la Conciergerie le 16 novembre.

Mainvielle, arrêté à Paris, fut écroué au Luxem

bourg le 30 juillet, et transféré à la Conciergerie le 6 octobre.

Lacaze, arrêté à Paris, fut écroué directement à la Conciergerie, le 6 octobre, sur un mandat délivré par la mairie.

Lehardy, arrêté à Paris, fut écroué au Luxembourg le 26 juillet, et transféré à la Conciergerie le 6 octobre.

Boileau, arrêté à Paris, fut écroué directement à la Conciergerie le 6 octobre, en vertu d'un jugement du 4.

Antiboul, arrêté à Paris, fut écroué à la GrandeForce le 30 septembre, et transféré à la Conciergerie le 6 octobre.

Vigée, arrêté à Paris, fut écroué directement à la Conciergerie le 6 octobre, en vertu d'un jugement du 4, sur un mandat délivré par la mairie '.

On aura remarqué que le transférement général des Girondins fut opéré le 6 octobre, à la Conciergerie, qui était une maison de justice. Il avait été ordonné par un jugement rendu le 4, qui renvoyait les accusés devant le tribunal révolutionnaire.

On voit par ces faits et par ces actes, fidèlement

1 C'est un plaisir autant qu'un devoir pour nous de féliciter publiquement M. Labat, archiviste de la Préfecture de police, de l'ordre qu'il a su mettre dans l'admirable dépôt qui lui est confié, et de le remercier de la bienveillance éclairée et inépuisable avec laquelle il a bien voulu nous guider dans nos recherches.

extraits des registres d'écrou et du dépôt des mandats d'arrêt, que les Girondins furent enfermés dans les quatre prisons du Luxembourg, de l'Abbaye, de la Grande-Force et de la Conciergerie. Du reste, pas un de ces écrous ou transférements ne signale leur passage à la prison des Carmes, et le registre même de cette prison est muet à leur égard.

Il faut donc restituer à leurs vrais auteurs les inscriptions de la mansarde de la rue de Vaugirard; et le plus grand nombre d'entre elles revient au citoyen Destournelle, délivré après le 9 thermidor, et qui d'ailleurs a pris la peine de les signer de son nom.

Il est regrettable et étrange qu'un historien, après avoir accepté, sans contrôle, une fable aussi évidente que le séjour des Girondins dans une prison où il est certain qu'ils ne sont jamais entrés, ait pris sur lui de l'amplifier par des détails romanesques; mais il est bien plus fâcheux encore qu'il ait imaginé à plaisir un grand et solennel banquet, et qu'après y avoir placé les convives avec une précision affectée, il leur ait prêté des sentiments qu'ils n'ont pas eus, et des discours qu'ils n'ont pas tenus. N'est-ce pas avoir sciemment trompé l'opinion sur le caractère d'hommes qui ont joué un rôle plus ou moins important dans notre pays, mais auxquels l'histoire ne doit, comme à tout le monde, que l'exacte vérité? Il n'est pas d'ailleurs sans intérêt de rappeler par quelle accumulation d'inventions successives s'est

formée la légende relative au dernier banquet des Girondins.

III

M. Thiers est le premier qui ait parlé d'un banquet solennel que les Girondins auraient fait après leur condamnation, et des discours qu'ils y auraient tenus.

<< Les Girondins, dit-il, firent en commun un dernier repas, où ils furent tour à tour gais, sérieux, éloquents. Brissot, Gensonné, étaient graves et réfléchis; Vergniaud parla de la liberté expirante avec les plus nobles regrets, et de la destinée humaine avec une éloquence entraînante. Ducos répéta des vers qu'il avait faits en prison, et tous ensemble chantèrent des hymnes à la France et à la liberté 1.»

Ainsi voilà un récit précis et circonstancié; les Girondins parlent, discutent, s'exaltent; et le lecteur est informé ayec exactitude de la nature des sentiments des principaux d'entre eux. Malheureusement, l'historien échappe à tout contrôle, car il évite d'indiquer les sources où il a puisé ces détails.

M. Charles Nodier, homme d'imagination et d'esprit, à qui cette poétique donnée des Girondins dis

1 Thiers, Histoire de la Révolution française, 4o édit., t. V, p. 406.

cutant avec éloquence, un peu avant leur mort, ne pouvait manquer de sourire, s'empara de la scène de M. Thiers, et en fit la base d'un dialogue philosophique à la manière de Platon, intitulé: le Dernier Banquet des Girondins. Afin que le lecteur vit bien qu'il y avait un fait réel sous le récit imaginaire, M. Charles Nodier mit à son livre le passage de M. Thiers pour épigraphe, et, prenant sur lui de développer les sentiments que M. Thiers s'était borné à indiquer, il fit parler les Girondins de la manière suivante :

<«< Qui nous empêcherait plus longtemps, s'écria enfin Mainvielle, de prendre place à un repas délectable, à un repas digne, s'il en fut jamais, des voluptueuses soirées d'Hérault de Séchelles, de Quinette et de Danton, avec la brune Gabrielle et Illyrina l'évaporée ?

« J'y reconnais les soins de Bailleul, ajouta Ducos, et je conviens qu'il a présidé en conscience à l'ordonnance du festin. Il manque seul au nombre de nos convives ordinaires, et c'est la première fois que notre amitié trouve à se consoler de son absence. Nous lui voterons des remerciments, le verre à la main.

«<-Cela vaudra mieux pour lui, reprit Mainvielle, que le baiser fraternel dans le panier de Samson.

Et Mainvielle rit.

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