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LIVRE HUITIÈME

COMPLICITÉ DE PETION ET DES GIRONDINS DANS
LES TROUBLES.

Petion favorise les attroupements.

Santerre.

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Pouvoirs du maire de

Mesures

Paris. Son inertie envers les conspirateurs. atroces imaginées contre le roi. Assassin embauché par Grangeneuve veut se faire assassiner, pour que le roi soit accusé de sa mort. Lâcheté de l'ex-capucin Chabot. Le roi se résout à se défendre. - Poursuites ordonnées et commencées contre Petion et Manuel. Roederer, son caractère. - Petion et Manuel sont suspendus de leurs fonctions. - Effroi des Girondins, complices du maire. — Ils font rapporter l'arrêté de suspension.

I

Parmi les lettres des députés menacés, hués et battus par les Jacobins, pour avoir voté en faveur de La Fayette, il s'en trouvait une de M. de Lacretelle, naguère encore plein de vie, qui disait :

<< N'ayant qu'une part commune dans les outrages faits à mes collègues, je ne dois porter aucune plainte personnelle. Mais ayant été témoin des insultes et des violences commises envers M. Dumolard, je dois les dénoncer et en demander vengeance. La ville de Paris est menacée du sort d'Avignon, si un maire et

une municipalité ne s'occupent qu'à légaliser des attroupements1. »

Il était en effet visible et publiquement avéré que tous les mouvements insurrectionnels étaient alors provoqués et dirigés par les Girondins, par l'intermédiaire du comité directeur des Jacobins, et avec la connivence de Petion et du conseil général de la Commune.

Le maire de Paris était investi à cette époque de pouvoirs immenses; les ministres et l'administration du département étaient absolument désarmés, et, d'après l'organisation particulière de la municipalité de Paris, la force publique était sous les ordres immédiats du maire. Le rôle de Petion était donc fort simple; pour bouleverser Paris et la France, il n'avait qu'à laisser faire, à ne pas sortir de chez lui, et à dire de temps en temps, dans ses proclamations, que tout allait pour le mieux. Quand le moment sera venu de frapper le grand coup et d'abattre la monarchie, le 10 août, il se fera consigner à la mairie par un poste de quatre cents hommes, jusqu'à ce que tout soit fini. Jamais, en effet, fonctionnaire public ne porta plus loin que Petion la duplicité et la trahison dans la bonhomie.

Nous avons aujourd'hui toutes les peines du monde à admettre, et même à comprendre, la scélératesse

1 Moniteur du 11 août 1792.

2 Ibid., Observation de Lagrevol, député de la Haute-Loire.

que les partis politiques de la Révolution plaçaient au nombre de leurs moyens; l'assassinat était parmi les plus vulgaires, et tout ce mois de juillet fut employé à imaginer un moyen d'assassiner le roi et la reine. Santerre en essaya un, Grangeneuve un

autre.

Santerre prit le grand chemin des tribuns et des sicaires; il embaucha un garde national du faubourg Saint-Antoine, et lui donna un prix débattu pour tuer la reine. Toute cette abominable affaire est contée par le menu dans les Mémoires de Bertrand de Molleville, qui prit une part directe et personnelle aux mesures concertées avec la justice pour arrêter l'assassin. Il fut arrêté en effet le 14 juillet.

Les plumes de son bonnet, qui étaient d'une couleur différente de celles du bataillon alors de service, dit Bertrand de Molleville, le firent remarquer, et on le reconnut à la cicatrice de sa joue. Après l'avoir conduit au corps de garde, on le fouilla, et on trouva un grand coutelas caché dans la doublure de son habit. Le lendemain matin, tandis qu'on le conduisait chez le juge de paix, il fut délivré par une bande de scélérats qui l'attendaient à la porte du château.

<«< Je fus informé de cet événement par M. Grammont, que je déterminai à faire sa déclaration des faits ci-dessus à M. Maingeot, juge de paix de la section des Tuileries, et à les faire certifier par les officiers

de garde aux appartements de la reine. On dressa du tout un procès-verbal.

« Cet acte de notoriété fut fatal à M. Maingeot. Il fut du nombre des honnêtes gens qui périrent dans la journée du 10 août. Santerre, informé qu'il avait dressé le procès-verbal relatif au grenadier, envoya. chez lui une bande d'assassins qui le massacrèrent, saisirent ses papiers et les portèrent en triomphe à leur digne chef1. »

Le moyen d'assassinat proposé par le Girondin Grangeneuve est sans exemple dans l'histoire, et dépasse toutes les proportions connues du fanatisme dans la férocité. Laissons-le raconter par madame Roland, qui en a eu la connaissance personnelle, le fait s'étant passé dans sa société :

<«< Grangeneuve, dit-elle, est bien le meilleur humain qu'on puisse trouver, sous une figure de la moindre apparence; il a l'esprit ordinaire, mais l'âme vraiment grande, et il fait de belles choses avec simplicité, sans soupçonner tout ce qu'elles coûteraient à d'autres que lui.

<«< Dans le courant de juillet 1792, la conduite et les dispositions de la cour annonçant des vues hostiles, chacun raisonnait sur les moyens de les prévenir ou de les déjouer.

« Chabot disait, à ce sujet, avec l'ardeur qui vient

Bertrand de Molleville, Memoires, t. II, p. 301, 302, 303.

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