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Douze était un effet de ce morcellement du pouvoir, et elle avait pour objet de surveiller et de poursuivre les conspirateurs. Avertie, à ne pouvoir pas s'y tromper, qu'Hébert, Dobsen et Varlet étaient à la tête d'une vaste conspiration organisée à l'Archevêché, qui se proposait de changer la Commune du 10 août, pourtant fort démocratique, et de décimer la Convention, la commission des Douze les fit arrêter et conduire à l'Abbaye, dans la nuit du 24 au 25 mai 1793. On sait qu'Hébert, Dobsen et Varlet furent délivrés et portés en triomphe à la Commune, dans la nuit du 27 au 28; et une émeute formidable, organisée par Danton, fit supprimer, le 31 mai, la commission des Douze, dont les opérations furent le deuxième grief élevé contre les Girondins, qui en formaient la majorité.

Sur la déposition de Pache, disant que la commission des Douze, créée sur la proposition de Guadet, contrairement à tous les principes, était l'œuvre de la faction girondine, voici les explications de Fonfrède, de Vigée et de Boileau:

Fonfrède « Mon opinion sur les arrestations n'était pas conforme à celle de mes collègues, et la Convention nationale m'en a su gré dans le temps, puisqu'elle m'exempta du décret d'arrestation prononcé contre eux1. »

Bulletin du Tribunal révolutionnaire, 2e partie, n. 41, p. 103.

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Vigée « Si l'établissement de la commission des Douze est le résultat d'une intrigue, elle m'était absolument étrangère1. »

-Boileau: « Si l'établissement de la commission des Douze est la suite d'un complot, il paraît que les meneurs ne m'en ont nommé membre que pour inspirer de la confiance 2. »

La fermeture des barrières de Paris était l'accompagnement obligé de toutes les grandes mesures révolutionnaires. On les ferma le 10 août, le 2 septembre et le 31 mai. C'était un moyen d'arrêter plus sûrement les gens dont on voulait la bourse ou la vie, et il est à noter que cette mesure fut toujours l'œuvre de la Commune. C'est spécialement contre les Girondins qu'elle fut prise, le 31 mai; et, titre, Guadet et Gensonné la blâmèrent vivement, au sein du Comité de sûreté générale; mais on va voir que, sur ce point comme sur les autres, il n'y avait aucune sorte d'unité dans les idées de la Gironde.

à ce

-Gensonné: « J'ai appartenu au Comité de sûreté générale, et je m'y trouvai le jour où la Commune avait fait fermer les barrières de Paris. Je dis au maire, qui y vint : Cette mesure est contraire aux lois, et je vous conseille de faire ouvrir les barrières le plus tôt possible. Je fus présent à la sortie violente de Guadet; mais Pache ayant observé que ce n'était

1 Bulletin du Tribunal révolutionnaire, n. 41, p. 162. * Ibid., n. 41, p. 164.

qu'une fermeture momentanée, on fut sur-le-champ d'accord, et tout le monde qui se trouvait là blåma la sortie de Guadet. >>

Vergniaud: « Je ne sais pas si le témoin est venu deux fois au comité pour le même objet; je m'y trouvai une fois, et je le prie de déclarer si je n'appuyai pas la mesure de fermer les barrières, lorsqu'il eut déclaré que ce n'était qu'une garde de sûreté qu'on voulait y établir 1. »

IX

La révolution du 31 mai 1793, qui dura jusqu'au 2 juin, fut l'acte même par lequel les Girondins furent arrêtés sur leurs bancs, déclarés traitres à la patrie ou mis hors la loi. Une insurrection dont Pache, Hébert et Danton étaient les chefs, envahit la Convention, l'entoura de canons, empêcha les députés de sortir, et imposa par la force la suppression de la commission des Douze, l'établissement de l'armée révolutionnaire, à quarante sous par soldat et par jour, payés par les riches, et l'arrestation immédiate de vingt-deux représentants.

Certes, si jamais il y eut un acte odieux, atroce, infâme, ce fut cette révolution du 31 mai, accomplie par la Commune insurrectionnelle et par Hanriot, an

1 Bulletin du Tribunal révolutionnaire, 2o partie, p. 164-165.

cien voleur, ancien assassin, sorti marqué de Bicêtre pour commander la garde nationale', dans laquelle deux fils du bourreau étaient officiers; et il semble qu'au moins sur ce point, les Girondins auraient dû être d'accord entre eux, afin d'envelopper dans une haine et dans un mépris communs et bien légitimes, les révolutionnaires qui avaient si effrontément violé la représentation nationale, et qui les traînaient euxmêmes à l'échafaud! Eh bien il se trouva des Girondins pour se faire gloire d'avoir honoré la Commune, qui avait fait la révolution du 31 mai. Écoutez-les !

-Fonfrède: «...J'ai plaidé plusieurs fois en faveur de la municipalité de Paris 3. >>

Duprat : « ...J'approuve maintenant la révolution du 31 mai*. »

Voici l'histoire de cet étrange général de la garde nationale de Paris : « Hanriot (François), chassé pour vol par le procureur Formey, dont il était domestique; puis destitué pour vol de l'emploi de commis aux barrières; puis pour vol de l'emploi d'espion de police; puis enfermé à Bicêtre; puis fouetté et marqué; puis massacreur, tant à Saint-Firmin qu'à la Force, où il but du sang de la princesse de Lamballe; puis nommé général de la garde nationale le 2 juin 1793; puis supplicié à Paris, le 28 juillet 1794. » (Mathon de la Varenne, Histoire particulière des événements qui ont eu lieu en France pendant les mois de juin, de juillet, d'août et de septembre 1792; p. 471-472.)

Henri Samson et Pierre-Charles Samson, fils du bourreau de Paris, étaient, le premier capitaine des canonniers de la section du faubourg du Nord, et le second sous-lieutenant des canonniers de la section du Nord.-Voyez leur procès après le 9 thermidor. (Bulletin du Tribunal révolutionnaire, 6° partie, n. 10, p. 38.) 3 Bulletin du Tribunal révolutionnaire, 2o partie, n. 47, p. 188. Ibid., n. 62, p. 246.

Vergniaud: «...Je fis rendre, dans la séance du 31 mai, un décret pour instruire les armées de ce qui s'était passé à Paris. Pénétré d'admiration de la conduite qu'avaient tenue dans cette journée les habitants de cette ville, JE FIS DÉCRÉTER QU'ILS AVAIENT BIEN MÉRITÉ DE LA PATRIE 1. »

Tout cela était vrai! Vergniaud fut pénétré d'admiration pour une Commune qui cerna la Convention avec des troupes et des canons, et il fit décréter que ceux-là avaient bien mérité de la patrie, qui arrêtèrent ou qui proscrivirent plus de cent membres de l'Assemblée.

Quant à l'adresse aux armées, ce fut, si c'est possible, un acte plus lâche encore. Barrère, rédacteur de cette abominable pièce, écrivit ceci : « Les ennemis de la république vont se håter de vous dire... que des milliers d'hommes se sont précipités autour de la Convention et lui ont dicté leurs volontés pour lois de la république. Français, vos représentants sont persuadés que le bonheur des empires ne peut être fondé que sur la vérité, et ils vont vous la dire... Si le tocsin et le canon d'alarme ont retenti, du moins aucun trouble, aucune terreur n'ont été répandus. Toutes les sections, couvertes de leurs armes, ont marché, mais pour se déployer dans le plus grand ordre et AVEC

1 Bulletin du Tribunal révolutionnaire, n. 43, p. 191.

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