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cueillis par d'autres; que la monarchie, dont ils n'avaient voulu qu'être les ministres, était abattue, et que les révolutionnaires de Paris, dont ils avaient cherché à se faire des auxiliaires, étaient devenus leurs maîtres, que les Girondins se virent clairement perdus, s'ils ne parvenaient pas à maîtriser les forces insurrectionnelles des faubourgs, les Jacobins et la Commune. Une garde de vingt-quatre mille hommes, fournie par les quatre-vingt-trois départements, leur parut être un moyen sûr de maintenir Paris. Lanjuinais la proposa le 3 octobre, et, le principe une fois voté, Buzot présenta le rapport sur son organisation cinq jours après1.

Comme on le pense bien, les révolutionnaires de Paris voyaient aussi clair que les Girondins dans cette question; les pétitions des clubs et des faubourgs y mirent bon ordre; et la garde départementale fut dissoute le 12 août 1793, avant d'avoir été complétement organisée 2.

Ce fut donc là le premier grief élevé contre les Girondins. Or, voici, sur la déposition de Pache, les réponses de trois des principaux accusés :

Vergniaud « Le témoin dit que la faction avait voté pour l'établissement de la force départementale, et il en a tiré la conséquence qu'elle voulait fédéraliser la république. Ceci s'adresse à tous les

1 Moniteur du 7 et du 9 octobre 1792.

2 Moniteur du 14 août 1793.

manda s'il pouvait venir avec nous. Nous lui dîmes que oui. Pendant le diner, la conversation se passa, de notre part, en peintures du caractère des membres de la faction et de leur marche, et de celle de Ducos en atténuations. A la fin du dîner, Ducos nous dit : « Vous les jugez très-bien; ce que vous dites est vrai; mais vous avez oublié de parler du plus scélérat d'entre eux, c'est Gensonné. » Honteux d'une telle révélation, faite en présence de ses amis qu'elle outrageait, Ducos voulut en atténuer la portée: « Il est vrai, dit-il, que l'indépendance de mon caractère et de mon opinion me permettait de fréquenter les députés des deux partis. » J'assistais au diner dont a parlé Fabre. La conversation tomba sur les personnes avec lesquelles j'étais lié dans l'Assemblée législative. La partialité n'entrait point dans le portrait qu'on faisait d'eux. Alors je dis : « Vous jugez vos adversaires sans prévention; mais il en est qui mettent de la haine dans leur jugement. Quant aux propos que le témoin me prête sur Gensonné, je dédéclare qu'il avait des opinions politiques qui ne me plaisaient pas, qu'il avait des liaisons dont je voulais éclaircir le motif; mais je n'ai jamais dit qu'il fût un scélérat. »

Persistant dans sa déclaration, Fabre ajouta : « Danton, Camille Desmoulins et Tallien pourront attester le fait. »-Et Ducos se tut1.

1 Bulletin du Tribunal révolutionnaire, 2o partie, n. 58, p. 231.

Ainsi, les Girondins n'étaient unis entre eux ni par les relations, ni par les affections, ni par l'estime. On a vu Grangeneuve nier le patriotisme de Vergniaud, de Guadet, de Gensonné et de Brissot, et donner la plus misérable ambition pour mobile à leur conduite; on a vu Vigée déclarer qu'il connaissait fort peu ses collègues; on a vu Vergniaud se défendre de toute intimité avec Brissot et avec Gensonné; on a vu Sillery renier Petion, auquel il avait pourtant confié sa femme; on a vu Ducos soupçonner la pureté des liaisons de Gensonné, détester ses opinions politiques, et convaincu par témoins d'avoir dit qu'il était le plus scélérat du parti; on a vu les Girondins, assis au tribunal, s'accorder pour rejeter toute la responsabilité sur les Girondins en fuite; on a vu enfin Boileau abjurer les doctrines de la Gironde, se déclarer Jacobin et Montagnard, à l'audience, et faire planer sur ses compagnons le soupçon d'avoir assassiné Marat.

Quelles vues politiques pouvaient avoir en commun des hommes séparés par des sentiments si bas, que la conformité du malheur ne pouvait pas les unir, au moins en apparence, et tant qu'ils restaient sous les yeux de leurs bourreaux? Nous allons montrer qu'en effet ils n'en avaient pas; et que ces chefs d'un des plus grands partis de la Révolution n'avaient aucune opinion politique arrêtée, pas même celles dont on les accusait, et pour lesquelles ils allaient mourir.

VII

Cinq griefs ou cinq prétextes étaient mis en avant par les Montagnards pour égorger les vaincus du 31 mai 1793, indépendamment des conspirations banales, qui étaient comme la ritournelle obligée de tous les actes d'accusation à cette époque.

On reprochait aux Girondins d'avoir voté une force départementale pour opprimer la ville de Paris;-d'avoir dirigé et exagéré les opérations de la commission des Douze, chargée de poursuivre les conspirateurs;-d'avoir fait un crime à Pache, maire de Paris, de la fermeture des barrières, le 2 juin;— enfin d'avoir attaqué la municipalité insurrectionnelle du 31 mai, et de n'avoir pas aimé Marat. C'étaient là les crimes, et les plus grands, pour lesquels on montait à l'échafaud, sous le régime de la Terreur.

Eh bien! la plupart des Girondins vont s'inscrire en faux contre ces accusations, et déclarer qu'ils ont repoussé la garde départementale, blámé la commission des Douze, approuvé Pache, vanté la Commune insurrectionnelle et défendu Marat!

C'est vers la fin de septembre 1792, lorsqu'ils eurent vu que les fruits du crime du 10 août étaient

cueillis par d'autres; que la monarchie, dont ils n'avaient voulu qu'être les ministres, était abattue, et que les révolutionnaires de Paris, dont ils avaient cherché à se faire des auxiliaires, étaient devenus leurs maîtres, que les Girondins se virent clairement perdus, s'ils ne parvenaient pas à maîtriser les forces insurrectionnelles des faubourgs, les Jacobins et la Commune. Une garde de vingt-quatre mille hommes, fournie par les quatre-vingt-trois départements, leur parut être un moyen sûr de maintenir Paris. Lanjuinais la proposa le 3 octobre, et, le principe une fois voté, Buzot présenta le rapport sur son organisation cinq jours après1.

Comme on le pense bien, les révolutionnaires de Paris voyaient aussi clair que les Girondins dans cette question; les pétitions des clubs et des faubourgs y mirent bon ordre; et la garde départementale fut dissoute le 12 août 1793, avant d'avoir été complétement organisée 2.

Ce fut donc là le premier grief élevé contre les Girondins. Or, voici, sur la déposition de Pache, les réponses de trois des principaux accusés :

Vergniaud « Le témoin dit que la faction avait voté pour l'établissement de la force départementale, et il en a tiré la conséquence qu'elle voulait fédéraliser la république. Ceci s'adresse à tous les

1 Moniteur du 7 et du 9 octobre 1792.

2 Moniteur du 14 août 1793.

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