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river, à tout prix, au gouvernement de leur pays. Ce livre est le premier, consacré au récit de ce lugubre événement, où la vérité soit dite tout entière, et appuyée sur des preuves irrécusables. Jusqu'ici, les plus graves historiens de la Révolution française, M. Thiers, M. Mignet, M. de Lamartine, M. Michelet, M. Louis Blanc, accерtant, faute d'avoir pu la contrôler sérieusement, une ancienne tradition sur les massacres de Septembre, les avaient présentés comme le résultat regrettable d'une exaspération populaire, terrible, indomptable et imprévue, produite par la nouvelle répandue à Paris, le dimanche 2 septembre 1792, de l'entrée des Prussiens à Verdun.

D'après cette tradition, les volontaires de Paris, appelés aux armes, auraient résolu, avant de voler aux frontières, d'exterminer les aristocrates enfermés dans les prisons, ne voulant pas qu'ils pussent, en leur absence, égorger leurs femmes et leurs enfants.

L'examen même superficiel des faits aurait peutêtre dû suffire pour discréditer une fable aussi manifeste.

D'un côté, en supposant, contre toute probabilité, que les volontaires parisiens eussent voulu inaugurer leur carrière militaire par un crime épouvantable, et que cette jeunesse, poussée à la frontière par le plus noble enthousiasme, se fût réduite aux cent dix ou douze assassins, employés à tuer, moyennant salaire, dans les neuf prisons de Paris, recevant huit francs par jour à l'Abbaye, et seulement cinquante sous à la Force 1; d'un autre côté, qui donc, parmi elle, eût pu sérieusement redouter, en son absence, de voir massacrer sa famille par les vieux prêtres de Saint-Firmin ou des Carmes, par les pauvres de Bicêtre ou par les folles de la Salpêtrière?

Un peu de réflexion eût donc fait soupçonner la fausseté d'une tradition acceptée jusqu'ici sans examen sur les massacres de Septembre; ce livre la met pour la première fois et pour toujours en évidence.

Les massacres de Septembre ne furent pas l'effet du hasard; le gouvernement de fait sorti de la révolution du 10 août médita ce crime, le résolut froidement, l'organisa, le dirigea, l'exécuta, lé régla et le paya par voie administrative.

1 On verra, dans le cours du livre, que le prix de la journée des assassins de l'Abbaye fut fixé à vingt-quatre livres pour trois jours, par Billaud-Varennes.

Quant au prix bien inférieur de 50 sous, pour les assassins de la Force, il résulte de l'acte dressé contre Badot, dans le procès qui lui fut fait le 23 floréal an IV, -12 mai 1796.

Nous publions les délibérations, les arrêtés, les ordonnances de l'administration, et les quittances signées par les assassins.

Toutes les pièces relatives à l'ensemble et aux détails de cette épouvantable tragédie existent encore aux Archives de la Préfecture de Police, aux Archives de l'Hôtel de ville, et à la section criminelle des greffes des palais de justice de Paris et d'Orléans.

C'est là que nous avons puisé les éléments officiels et jusqu'ici inconnus de la révélation historique contenue dans ce livre.

On possédera pour la première fois une liste complète et authentique des victimes de Septembre, et, chose qu'aucun historien n'aurait crue possible, une liste exacte des assassins.

Des faits si nouveaux et si graves exigeaient des preuves irrécusables; nous avons reproduit trèssouvent les textes officiels, et toujours indiqué les sources. Ce livre ne contient donc pas une seule assertion dont l'exactitude ne puisse être immédiatement vérifiée.

A la distance où nous sommes de ces événements, nous avons pensé que l'histoire pouvait remplir, dans toute sa sévérité, envers les personnes comme envers les choses, sa nécessaire et redoutable fonction: pour elle, tout dire est un rigoureux devoir, dès qu'elle peut parler sans scandale inutile.

Paris, 10 mars 1860.

A. GRANIER DE CASSAGNAC.

LIVRE PREMIER

SOMMAIRE.-Caractère général des hommes nommés Girondins. --Ils n'ont évidemment aucun principe politique. Ce sont de purs ambitieux, disposés à accepter tous les régimes, pourvu qu'ils dominent. - Ils ne sont unis par aucun lien d'estime mutuelle. La versatilité de leur politique est expliquée par les palinodies de leur mort. Ils s'accusent, s'outragent et désavouent leurs actes en présence de leurs juges.

I

Une tradition ancienne et des erreurs modernes, l'éclat toujours, plus ou moins vif que jettent les sciences et les lettres, l'intérêt qui s'attache à la jeunesse et au malheur, toutes ces causes, réunies à la sinistre mémoire laissée par les Montagnards, ont rendu célèbre le groupe d'hommes connus sous le nom de Girondins. Ils n'en furent pas moins, de tous les partis engendrés par la Révolution, le parti le plus funeste à la France; car leur orgueil, leur légèreté, leur ambition aveugle autant qu'insatiable, favorisèrent l'asservissement de Paris à la tyrannie des clubs, la souillure et la prise d'assaut de la de

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