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meure royale, la chute de la monarchie, les massacres de septembre, et le sanglant despotisme de la Convention.

Les Girondins furent l'expression la plus vraie de cette portion de la bourgeoisie à la fois sceptique et ardente, prête à tous les régimes qui lui promettent la domination pourvu qu'on la subisse, elle soutiendra l'étranger contre Henri IV, Condé contre Louis XIV. D'ailleurs sans parti pris révolutionnaire, elle sert avec ostentation les pouvoirs faibles, et elle ne brise les trônes que lorsqu'ils refusent de plier. Les Girondins acceptaient, avec toute la sincérité dont l'ambition est susceptible, Louis XVI et sa dynastie. Ils ne se firent ses ennemis qu'après avoir tout épuisé pour être ses ministres.

Il faut ajouter un dernier trait à l'esquisse de cet élément égoïste et turbulent des sociétés modernes. Il discerne rarement le but de l'oeuvre où il se jette, et il travaille à sa ruine avec une ardeur et un succès que ne dépasseraient pas ses ennemis. En appelant à Paris les Fédérés, en préparant les insurrections, en conduisant les émeutes dans la salle du pouvoir législatif et aux Tuileries, les Girondins préparèrent le triomphe des Montagnards et dressèrent leur échafaud; et, de nos jours, leurs successeurs, insatiables poursuivants de portefeuilles, renouvelant les scènes du 10 août 1792, ont fait chasser de sa demeure une dynastie de leur choix, par une déma

gogie qui les a immédiatement châtiés, en les chassant eux-mêmes.

II

Grâce au besoin de flatter les plus misérables préjugés, grâce à des historiens qui ont rêvé l'histoire avant de l'écrire, les Girondins sont devenus les héros d'une sorte de légende, dans laquelle le talent, la générosité et le courage des vaincus du 31 mai sont offerts à l'hommage de la postérité. La peinture a même consacré le souvenir d'un banquet plus funèbre, plus solennel, par le nombre des victimes, par l'horreur du supplice et par l'infamie des bourreaux, que celui qu'avait dressé Platon pour l'agonie de Socrate. Malheureusement, tout est imaginaire dans cette légende, comme dans la plupart des autres; et le banquet funèbre est une fable.

Les Girondins manquèrent totalement des deux éléments sans l'un desquels au moins il ne saurait y avoir de parti politique: ils manquèrent de principes et de caractère.

La première question qu'il est naturel de s'adresser, au sujet des Girondins, c'est la question de savoir quelle était leur doctrine politique. Ils n'en avaient aucune. C'étaient des ambitieux, moins unis que juxtaposés, et prêts à tout pour la domination.

Ils défendirent la monarchie, et ils proclamèrent la république; ils servirent Louis XVI, et ils le firent mourir. De tous les actes publics qu'ils accomplirent ensemble, ou auxquels ils s'associèrent ouvertement, on n'en citerait pas un seul qu'ils n'aient, dans la suite, individuellement répudié.

Ces hommes qu'on a confondus dans une appellation commune, qu'on a unis dans la même pitié et couronnés de la même gloire, n'avaient l'un pour l'autre que jalousie, haine ou mépris. Ils se dénigrèrent, se dénoncèrent, s'outragèrent en présence de leurs vainqueurs, qui les respectaient du moins avant de les immoler.

C'est pour cela que les mobiles, les desseins, les actes, la vie enfin des hommes du parti de la Gironde resteraient un mystère, sans le jour dont les éclairèrent les faiblesses et les palinodies de leur mort.

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Pendant les derniers moments de l'Assemblée législative, aussi longtemps qu'ils ne formèrent qu'une espèce de secte philosophique et littéraire, dirigée par Condorcet, par Brissot et par Roland, les hommes que l'on désigne sous le nom de Girondins ne s'appelaient encore que Brissotins ou Rolandins. Le nom de Girondins leur fut donné pendant les premiers

temps de la Convention, lorsqu'ils formèrent un parti considérable et puissant, maître des affaires, et plus spécialement dirigé par Gensonné, Guadet et Vergniaud.

Sur douze membres dont se composait la députation du département de la Gironde, huit seulement appartenaient au parti dit girondin. C'étaient : Pierre-Victorin Vergniaud, Armand Gensonné, JeanFrançois Ducos, Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède, Jacques Lacaze, François Bergoeing, Marguerite-Élie Guadet et Jacques-Antoine Grangeneuve.

Les quatre autres, Jay de Sainte-Foy, Garreau, Duplantier et Deleyre, appartenaient au parti montagnard.

Environ cinquante autres députés, représentant une trentaine de départements, formaient, avec les huit députés bordelais, le noyau du parti girondin, dont les auxiliaires appartenaient à la partie de la Convention nommée le Marais, et, que, pour cette raison, les démagogues désignaient par le terme méprisant de Marécageux 1.

:

Les plus célèbres de ces Girondins, étrangers au département de la Gironde, étaient Brissot et Petion, députés d'Eure-et-Loir; Condorcet, député de l'Aisne; Louvet, député du Loiret; Roland, ministre

1 Moniteur du 23 janvier 1794. Discours d'Audouin au club des Jacobins.

de l'intérieur; Buzot, député de l'Eure; Barbaroux, député des Bouches-du-Rhône; Salles, député de la Meurthe; Isnard, député du Var; Fauchet, député du Calvados; Carra, député de Saône-et-Loire; Lasource, député du Tarn; Sillery, député de la Somme; Gorsas, député de Seine-et-Oise, et Meillan, député des Basses-Pyrénées.

Deux journalistes, étrangers à la Convention, se faisaient remarquer dans leurs rangs; c'étaient : Girey-Dupré et Marchena.

Dix-huit autres Girondins méritent encore d'être nommés, parce qu'ils périrent sur l'échafaud ou se tuèrent de leur propre main, victimes des principes révolutionnaires qu'ils avaient déchaînés. C'étaient : Lauze-Duperret, Duprat et Mainvielle, députés des Bouches-du-Rhône; Gardien, député d'Indre-etLoire; Dufriche-Valazé, député de l'Orne; LesterptBeauvais, député de la Haute-Vienne; Duchâtel, député des Deux-Sèvres; Lehardy, député du Morbihan; Boileau, député de l'Yonne; Antiboul, député du Var; Vigée, député de Maine-et-Loire ; Cussy, député du Calvados; Valady, député de l'Aveyron; Lidon et Chambon, députés de la Corrèze; Biroteau, député des Pyrénées-Orientales; Rabaud Saint-Étienne, député de l'Aube, et enfin la belle et

malheureuse madame Roland.

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