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Brissot se hâta de faire ressortir cette bonté du roi, et il déclara, dans le Patriote, que cette distinction, accordée au président, était une faveur infiniment précieuse pour les représentants de la nation (1).

Après l'abominable attentat du 5 et du 6 octobre, le comité des recherches de la Commune ordonna au procureur-syndic de commencer cette mémorable enquête, suivie de la procédure du Châtelet, arrêtée plus tard par une décision de la Constituante. La délibération du comité, œuvre de Brissot, et signée de lui, est remarquable par la vigoureuse indignation avec laquelle sont flétris les bandits, les brigands dont le forfait exécrable imprimait une tache ineffaçable au nom francais; paroles remarquables, si l'on songe qu'elles s'adressaient à Danton, le principal moteur de l'insurrection et des crimes du 5 et du 6 octobre 1789, ainsi qu'il s'en vanta plus tard, dans sa défense devant le tribunal révolutionnaire (2).

Il serait donc impossible de conserver le moindre doute sur les opinions monarchiques de Brissot, dès son début dans la carrière politique; et le lecteur sera pleinement édifié sur ses protestations ultérieures, lorsqu'il affectera de prétendre qu'il avait été républicain pendant toute sa vie.

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L'entrée familière était la première; elle avait lieu aussitôt après que le premier valet de chambre avait éveillé le roi en lui disant : l'heure ! »

« Sire, voilà

Cette entrée comprenait les enfants de France, les princes et princesses du sang, le premier médecin, le premier chirurgien, et le très-petit nombre de personnes à qui le roi avait accordé cette distinction.

Les personnes ayant l'entrée familière entraient, sans être annoncées, dans la chambre du roi.

(1) Brissot, le Patriote français, no 11.

(2) Notes inédites sur la défense de Danton, rédigées pendant son procès par Topino-Lebrun, l'un des jurés. - Archives de la préfecture de police.

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Opinions de Brissot au mois de juillet 1791. - Il est pour la monarchie, et désavoue la république. · Opinion conforme de Camille Desmoulins. Opinions de Brissot à la fin de 1791. Il est aux ordres de M. de Narbonne. Subsides accordés à Brissot et à Condorcet. Opinions de Brissot au Il est toujours pour la monarchie et contre la répu

mois de juillet 1792. blique. Ses discours. Lettre du 3 septembre.

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Sa palinodie. La peur le rend républicain. —
Madame ROLAND. - Portrait qu'elle fait d'elle-

Signification et résumé de ce portrait.

XXXVI

Au mois de juillet 1791, tout Paris discutait, après le retour de Varennes, la question de savoir si le roi pouvait être jugé. Brissot prononça le 10, aux Jacobins, un discours sur ce sujet; et il en prit occasion pour réduire ses vœux les plus extrêmes à la formation d'un conseil de ministres électif, soit que Louis XVI fût conservé, soit qu'il fût remplacé par le Dauphin.

«Que veulent, de leur côté, s'écria-t-il, ceux qu'on appelle républicains? Ils craignent, ils rejettent également les démocraties tumultueuses d'Athènes et de Rome; ils redoutent également les quatre-vingt-trois républiques fédérées; ils ne veulent que la Constitution représentative, homogène, de la France entière... Nous sommes donc tous d'accord, nous voulons tous la Constitution française.

« La seule question qui nous divise en apparence se réduit à ceci le chef du pouvoir exécutif a trahi ses serments, a perdu la confiance de la nation. Ne doit-on pas, si on le rétablit, si on le remplace par un enfant, les investir d'un conseil électif qui inspire la confiance, si nécessaire dans ces moments de troubles?

<< Les patriotes disent oui. Ceux qui veulent disposer, ou

disent non,

et

d'un roi méprisé, ou de son faible successeur, crient au républicanisme, afin qu'on ne crie pas contre eux à la liste civile. Voilà, messieurs, tout le mystère; voilà la clef de cette accusation ridicule de républicanisme (1). »

Camille Desmoulins se joignit alors à Brissot pour protester contre la république, et il étendait jusqu'aux Jacobins euxmêmes le bénéfice de sa protestation. Il s'agissait de la célèbre pétition signée aux Jacobins, pour demander la déchéance et le remplacement de Louis XVI: « La pétition des Jacobins était irrépréhensible, dit-il; on fabrique une pétition incendiaire, à laquelle on accote une réponse du président Charles Lameth, pour faire croire que c'est là la véritable pétition des Jacobins; et l'on fait crier par les colporteurs, sous ce titre : la grande pétition des Jacobins et la réponse du président... Les janissaires, les crieurs jurés, et ces quarante mille presses ambulantes vomissent sans cesse la calomnie contre les Jacobins. Ceux qui ont demandé que le Dauphin fut proclamé roi, aux termes, vu l'abdication faite par Louis XVI, le 21 juin; ce sont des républicains qui veulent l'anarchie; les Jacobins sont des factieux, des perturbateurs qu'on parle d'exterminer, afin de mieux tromper le peuple (2). »

Vers la fin de l'année 1791, Brissot n'était pas encore fort républicain, car il était aux ordres de M. de Narbonne, ministre de la guerre. « La grande influence des journaux sur l'opinion publique, dit Bertrand de Molleville, qui était alors ministre de la marine, fit juger au ministre qu'il était important d'assurer au moins leur silence, si on ne pouvait pas obtenir leur approbation. Cette question fut discutée à fond, dans un comité tenu chez M. de Gerville. M. de Narbonne se chargea de négocier avec Brissot, rédacteur du Patriote français, et

(1) Camille Desmoulins, Révolutions de France el de Brabant, t. VII, no 85, p. 301. - Discours de Brissot prononcé aux Jacobins, le 10 juillet 1791. (2) Camille Desmoulins, Révolutions de France et de Brabant, t. VII, no 85,

p. 330.

avec Condorcet, auteur de la Chronique de Paris. Il en résulta que ces deux journalistes chantèrent les louanges de M. de Narbonne, et attaquèrent M. de Lessart et moi avec une vioence nouvelle. Nous en fîmes l'observation à M. de Narbonne, ui nous répondit qu'il leur en avait déjà fait des reproches, qu'ils lui promettaient tous les jours de changer de style. Il us assura qu'il leur parlerait encore. Il le fit sans doute, is avec si peu de succès, que Brissot, peu content de déchiles ministres dans lesquels le roi semblait placer particuement sa confiance, poussa l'audace jusqu'à publier, dans St. feuille du 28 janvier, contre le roi personnellement, les plus infâmes calomnies (1). "

Condorcet et Brissot étaient alors membres de l'Assemblée législative; et les subsides qu'ils recevaient de M. de Narbonne, représentant semi-révolutionnaire du cabinet, ne les empêchaient pas de poursuivre, en la personne de MM. de Lessart et Bertrand de Molleville, la dislocation du ministère. Ils atteignirent en effet ce résultat après deux mois de guerre acharnée; M. de Lessart fut renvoyé devant la haute cour d'Orléans, c'est-à-dire devant les assassins de septembre; et les Girondins envahirent le cabinet au mois de mars 1792.

Au mois de juillet 1792, la veille même du 10 août et de la chute de la monarchie, Brissot n'était encore rien de ce qu'il sera plus tard, républicain et régicide; car il protestait, en ces termes, contre une faction dénoncée comme voulant fonder une république sur le meurtre de Louis XVI :

« On nous parle, disait-il le 25 juillet, d'une troisième faction, d'une faction de régicides, qui veut créer un dictateur, établir la république.

« Cette idée paraîtra sans doute un paradoxe, mais c'est une vérité; il n'est pas de meilleur moyen que le régicide pour éterniser la royauté. Non, ce n'est point avec le massacre révoltant d'un individu qu'on l'abolira jamais. La résurrection (1) Bertrand de Molleville, Mémoires, t. II, p. 20 et 21.

de la royauté, en Angleterre, fut due au supplice de Charles Ier. Il révolta le peuple, et l'amena aux genoux de son fils. Si donc ces républicains régicides existent, il faut avouer que ce sont des républicains bien stupides, et tels, que les rois devraient les payer, pour rendre le républicanisme à jamais exécrable. ( On applaudit. )

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Quoi qu'il en soit, si ce pacte de régicides existe, s'il existe des hommes qui travaillent à établir à présent la république sur les débris de la Constitution, le glaive de la loi doit frapper sur eux, comme sur les amis actifs des deux chambres, et sur les contre-révolutionnaires de Coblentz (1). »

Ces derniers mots font allusion à la séance de l'Assemblée du 7 juillet, et prouvent que Brissot persistait dans le serment de haine à la république et aux deux chambres, prononcé unanimement par les députés, sur la motion de l'évêque Lamourette (2).

Brissot voulut, plus tard, à la fin d'octobre 1792, expliquer ce discours et l'ajuster, ainsi qu'un autre qu'il prononça le 26 juillet, dans la discussion sur la déchéance de Louis XVI, et dans lequel il défendit vigoureusement la Constitution (5), avec le républicanisme fervent que lui inspirèrent les massacres de septembre.

« Les Girondins, dit-il, préparaient les esprits à prononcer la suspension du roi. Ces esprits en étaient loin encore! et voilà pourquoi je hasardai le fameux discours sur la déchéance, qui parut aux yeux ordinaires un changement d'opinion, et qui, pour les hommes éclairés, n'était qu'une manœuvre prudente et nécessaire.

« Je savais que le côté droit ne désirait rien tant que

(1) Moniteur du 27 juillet 1792, discours de Brissot à la séance de l'Assemblée législative du 23.

(2) Moniteur du 8 juillet 1792, séance de l'Assemblée législative du 7.

(5) Moniteur du 31 juillet 1792, discours de Brissot à la séance de l'Assemblée législative du 26.

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