Page images
PDF
EPUB

M. Lavoisier, portant la parole, dit (1): Nosseigneurs, les actionnaires de la Caisse d'escompte, réunis en assemblée générale le 20 novembre, pour prendre connaissance du plan proposé à l'Assemblée nationale par M. le ministre des finances, nous ont confié l'honorable mission de vous porter l'hommage de leurs seniments et de leur profond respect.

Nous vous supplions en leur nom :

1o De nommer dans le sein de votre Assemblée des commissaires pour prendre la connaissance la plus exacte et la plus étendue des opérations de leur établissement, de sa gestion, de ses statuts, et de l'usage qui a été fait de ses moyens et de son crédit;

2o De vouloir bien agréer leur dévouement absolu à tout ce qu'en continuation de leur service vous jugerez à propos d'ordonner, pour l'utilité publique et l'ordre des finances;

3o D'agréer également l'offre qu'ils font à la nation, de concourir de tous leurs moyens, de tout leur crédit, et de leur fonds capital, qui est de 100 millions, à l'établissement d'une Banque nationale, si vous jugez que cette banque puisse s'aider de leur association.

Enfin, c'est dans ces mêmes dispositions qu'ils se sont occupés de l'examen du plan proposé par M. le ministre des finances, et qu'ils l'ont discuté dans leurs assemblées générales des 17 et 20 de ce mois. Les actionnaires de la Caisse d'escompte en ont approuvé les bases; et s'il est adopté par l'Assemblée nationale, ils se dévoueront à en faciliter l'exécution, par tous les efforts de leur zèle, soit que vous adoptiez ce plan, tel qu'il vous a été présenté, soit avec les modifications et changements de détail dont il pourrait être jugé susceptible.

Tels sont les voeux des actionnaires de la Caisse d'escompte nous espérons que vous y verrez une nouvelle preuve de patriotisme, dont ils n'ont cessé d'être animés, et de la confiance respectueuse que leur inspirent votre sagesse et votre justice.

Cependant la Caisse d'escompte a été attaquée plusieurs fois, et même devant vous, Nosseigneurs.

Le simple exposé des faits contenus dans le discours prononcé le 17 novembre, à l'assemblée des actionnaires suffirait, sans doute, pour établir notre justification; mais si vous pensiez que les nouvelles imputations qui nous ont été faites nous imposassent le devoir de nous disculper à vos yeux d'une matière plus détaillée ; nous nous en occuperons, et nous vous supplierons de vouloir bien nous donner l'espérance d'être admis de nouveau, pour vous soumettre, jusqu'aux moindres circonstances de notre conduite.

Nous nous bornerons quant à présent, Nosseigneurs, à déclarer, que nous n'ambitionnons aucun titre, et que nous ne réclamons d'autre privilége que celui d'être utiles.

Mais, puisque l'on a cherché à égarer votre justice, puisque l'on a voulu vous persuader que nos billets n'ont aucune valeur; qu'il nous soit permis de vous rappeler quelles sont les bases de la confiance qui leur est due.

L'Etat nous doit :

Pour dépôt fait au Trésor royal, en 1787, non pas en billets, mais en espèces ou valeurs réelles

(1) Le Moniteur ne donne qu'une analyse du mémoire des actionnaires de la caisse d'escompte.

équivalentes, une somme de 70 millions. Cette
somme, qui forme la première et la principale
garantie de nos billets, est devenue exigible, aux
termes de l'engagement pris au nom du Roi,
dès l'instant où nous avons été forcés de différer
le payement d'un seul de nos
billets....... 70,000,000 liv.
Nous avons
à recevoir de
ce jour, au 31
décembre pro-
chain, pour le
montant de
rescriptions et
assignations
qui nous ont
été fournies
par le Trésor
royal, contre

les avances
que nous lui
avons faites. 29,000,000
Il nous est
dû pour autres
avances faites
surdes billets
d'un des admi-
nistrateurs du
Trésor royal,
exigibles le
31 décembre
prochain, sou-
tenus d'assi-
gnats, sur la
contribution
patriotique.. 60,000,000

A cette somine de 159 millions due par le gouvernement, il faut ajouter les valeurs que nous avons dans nos caisses en espèces, et dans notre portefeuille en lettres de change et effets de commerce, presque tous payables dans le cours de trois mois.. 57,000,000 liv.

Nous pourrions ajouter encore le mon. tant des rescriptions et assignations qui échoient au terme moyen du 1er avril prochain, et qui sont destinés au remboursement des reconnaissances du prêt de 25 millions qui a été fait en janvier dernier par nos actionnaires : cependant, comme c'est individuellement qu'ils

159,000,000 liv.

57,000,000

A reporter.... 216,000,000 liv.

[blocks in formation]

Notre fonds capital excède donc de 102 millions la totalité de nos engagements; et c'est ceite somme imposante, offerte à la confiance publique, qui a soutenu jusqu'ici le crédit de nos billets, au point que dans les circonstances, même les plus désastreuses, au milieu du discrédit de tous les effets du gouvernenent, ils n'ont rien perdu sur la place.

La Banque d'Angleterre, cet établissement si digne de toute confiance, n'a pas toujours été aussi heureuse, puisque, dans des temps voisins de son origine, et dans des circonstances moins orageuses, ses billets ont perdu jusqu'à 15 et 20 0/0.

Enfin, pour présenter à l'Assemblée nationale cet objet sous toutes ses faces, sur les 114 millions de billets, que nous avons en circulation, 89 ont été avancés pour le service du Trésor royal; il n'en a été accordé que 25 pour l'escompte proprement dit, et pour les besoins de la place et du commerce: nous serions donc fondés à dire à nos détracteurs : « Que le Trésor royal paye les engagements que nous avons contractés pour lui, et dès demain nous serons en état d'ac

quitter tous ceux qui nous sont personnels ! » Il ne serait donc point inexact de dire que ce n'est point la à Caisse d'escompte, que c'est à luimême que l'Etat a donné des arrêts de suspension.

Veuillez de plus considérer, Nosseigneurs, que la Caisse d'escompte ne s'est pas rigoureusement prévalue de ces arrêts de suspension ses payements ont été ralentis, mais elle ne les a point interrompus, comme elle y était autorisée; puisqu'elle a échangé contre billets, depuis le mois d'août 1788, pour plus de 140 millions d'espèces. Si elle n'a pas fait davantage, elle n'a pu remplir toute l'étendue de ses engagements, si elle n'a pu satisfaire complétement à des besoins d'argent que la défiance et l'inquiétude exagéraient, qu'elle en a été l'unique cause? Les avances quelles a faites à l'Etat. Quel en a été le motif? Son dévouement sans bornes à l'Etat. Quelle est son excuse ? Le salut de l'Etat.

[blocks in formation]

M. le baron de Cernon se présente à la tribune pour entretenir l'Assemblée des affaires de la province de Champagne ainsi que cela a été décrété au début de la séance.

On réclame la priorité pour l'affaire concernant le district des Cordeliers et la commune de Paris.

M. Hébrard, au nom du comité des rapports, entre dans de nouveaux développements sur cette affaire et fait lecture d'un projet d'arrêté conçu en ces termes :

L'Assemblée nationale considérant qu'occupée de l'organisation des municipalités du royaume, elle serait détournée de son but par l'examen provisoire du plan de la municipalité de Paris; que cependant il importe à cette ville que les représentants de chaque district remplissent leurs fonctions jusqu'à l'expiration du temps limité par leur pouvoir particulier, ou jusqu'à ce qu'ils aient donné leur démission volontaire, et qu'ils ne soient tenus d'autre serment que celui de remplir avec honneur la mission qu'ils ont acceptée;

Considérant enfin que les représentants de la commune, réduits à des fonctions purement administratives, sans aucun droit de juridiction sur les districts, n'ont pu priver celui des Cordeliers de son droit de nommer trois députés pour remplacer ceux dont il avait accepté la démission, l'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qu suit :

ARTICLE PREMIER.

Elle sursoit à statuer sur le contenu aux trois titres du règlement provisoire de la municipalité de Paris, jusqu'à ce qu'elle détermine irrévocablement l'organisation générale des municipalités du royaume.

ART. 2.

Les députés de chaque district ne cesseront leurs fonctions à la commune qu'à l'expiration des délais prescrits par leur pouvoir, et ils ne seront tenus à d'autre serment que de remplir fidèlement leur mission.

ART. 3.

Les députés nommés par le district des Cor deliers, sur la démission de ceux qu'il avait précédemment élus, ainsi que les députés qui ont prêté le serment qu'il leur a demandé, seront admis par les représentants de la commune pour y remplir, pendant la durée de leur mandat, les fonctions dont ils sont chargés.

M. Treilhard. 38 districts ont rejeté l'arrêté des Cordeliers ou ont dit qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. J'ose espérer que les 22 autres se réuniront bientôt à la majorité, comme ils sont déjà tous réunis par leur patriotisme et leur respect pour vos décrets. Tel est l'effet de l'ajournement que vous avez ordonné; un second ajournement serait peut-être plus heureux encore; un jugement exciterait l'aigreur et la discorde. Je propose en conséquence le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle s'occupe de l'organisation de toutes les municipalités du royaume, et que les citoyens actifs de la capitale seront incessamment appelés à faire une élection nouvelle de leurs représentants, a décrété et décrète que la discussion élevée entre quelques districts et les représentants actuels de la commune est ajournée, toutes choses demeurant dans l'état où elles étaient au 10 de ce mois. »

Ce décret est unanimement adopté.

M. Durand de Maillane. Le comité ecclésiastique a entendu ce matin la lecture d'un plan de rapport à faire à l'Assemblée nationale. Il y aurait avantage à ce qu'il fût imprimé dans l'intérêt de nos travaux.

L'impression est ordonnée (V. ce document aux annexes de la séance de ce jour). L'Assemblée se sépare à 3 heures.

ANNEXE

à la séance de l'Assemblée nationale du 23 novembre 1789.

Plan du rapport du comite ecclésiastique à faire à l'Assemblée nationale, par M. Durand de Maillane (1).

Messieurs, l'Assemblée nationale avait décidé d'abord, par ses décrets du mois d'août :1o que les dimes ecclésiastiques seraient abolies, et néan

(1) Le rapport de M. Durand de Maillane n'a pas été inséré au Moniteur.

moins continuées jusqu'à leur remplacement; 2o Elle a, en même temps, aboli le casuel des cures de campagne, pour n'être plus payé que jusqu'à l'époque où ces cures seraient suffisamment dotées;

3 Que toutes rentes foncières, même ecclésiastiques seraient rachetables;

4° Qu'il ne serait plus envoyé à Rome non plus qu'à Avignon, aucuns deniers, ni pour annates, ni pour aucune cause que ce soit; mais que les diocésains s'adresseraient à leurs évêques pour toutes provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement;

5° Elle a aboli les droits de déport, cote-morte, dépouilles, vacants, sauf à pourvoir les archidiaconés de l'équivalent, s'ils n'étaient suffisamment dotés;

6o Elle a enfin aboli la pluralité des bénéfices ou des pensions jusqu'à 3,000 livres de revenu.

L'Assemblée a respecté les dimes inféodées, ne les soumettant qu'au rachat; et pour le remplacement des autres, ainsi que pour tous les actes et règlements exécutifs et interprétatifs des divers articles rapportés, la même Assemblée a aboli notre comité pour s'en occuper et lui faire le rapport en conséquence de tous ses résul

tats.

Vous le savez, Messieurs, le seul résultat qu'il a été possible de présenter à l'Assemblée, c'est la résolution qui fut prise unanimement parmi nous de se procurer les renseignements nécessaires pour s'assurer de la vraie valeur de tous les biens ecclésiastiques du royaume.

Notre comité avait prévu, d'une part, que les décrets nouveaux de l'Assemblée, où même leur simple annonce, donneraient lieu à des explications, à des recélés; et il avait reconnu de l'autre, que les remplacements ordonnés ou promis ne pourraient se faire que par le moyen de certaines réunions et suppressions. Or, à cet égard, il avait arrêté qu'il serait pourvu, sans éclat, aux explications, par des inventaires familiers, et au remplacement, par la suspension actuelle de toute nouvelle provision aux bénéfices non sujets à résidence ou à charge d'âmes.

Cela fut demandé à l'Assemblée par M. Treilhard, votre rapporteur, il y a deux mois; elle ne l'accorda point alors à peine accorda-t-elle le premier article, concernant les renseignements et les instructions pour la connaissance certaine de la valeur des biens ecclésiastiques; et c'est en conséquence que M. le président d'Ormesson, membre de ce comité, a fait les tableaux exacts, auxquels nous avons applaudi dans les sentimenis de notre reconnaissance. Heureusement ce travail n'a pas été perdu, et par l'événement l'Assemblée ayant soumis, par son décret du 13 de ce mois, tous les possédant biens eclésiastiques à une déclaration exacte, les officiers municipaux, à qui nous avons résolu d'envoyer ces tableaux, et que la chose intéresse, seront les plus sùrs et les plus habiles contrôleurs des déclarations que l'intérêt personnel rend toujours suspectes.

On est donc ainsi comme certain que, pour la première fois peut-être, l'on aura un relevé entier et fidèle de tous les biens ecclésiastiques du royaume et c'est là ce qu'il y a, dans ce moment, de plus nécessaire; car quelque parti que prenne l'Assemblée, quelque usage que l'on fasse de ces biens, leur valeur réelle doit toujours servir de régle fondamentale à leur destination ou à leur emploi, soit pour les remplacements dont il s'agit, soit pour leur vente au profit de l'Etat, car

Messieurs, depuis le décret du 2 de ce mois, et par d'autres encore qui s'en sont ensuivis, par le discours aussi du premier ministre des finances dans la séance du 14, et par celui de M. le marquis de Montesquiou dans celle du 18, il n'est plus permis de douter que l'intention de l'Assemblée et celle du gouvernement ne soient de disposer, et très-prochainement, des biens de l'Eglise, en tout ou en partie, soit par une voie, soit par une autre, pour l'acquit de la dette nationale, sauf les frais du culte et de l'entretien des ministres qui seront désormais payés, d'un fonds inaltérable, formé soit du prix, soit des biens mêmes en nature de l'église; ce qui est proprement la motion de M. d'Autun.

La motion ou le plan de ce prélat a précédé le décret du 2 de ce mois, et son exécution la suivra; c'est de quoi je ne doute point, et sur quoi j'ai dù compter, dans les idées que je me hasarde de proposer à ce comité sur le plan des réformes ou des opérations qui nous sont imposées.

Il est certain, Messieurs, que personne n'est en droit de nous faire aucun reproche sur ce que notre comité n'a rien dit, ni rien fait jusqu'ici. Il a dit, il a fait tout ce qu'il pouvait, tout ce qu'il devait avant que l'Assemblée lui eùt donné, par son décret du 2 novembre, les moyens d'agir. Jusqu'au rapport de M. Treilhard, l'un de nous, dont j'ai parlé, l'Assemblée ne nous avait laissé que la tâche des renseignements pour parvenir à la connaissance des biens ecclésiastiques; et vous savez, Messieurs, que les tableaux étaient sous presse au moment même où l'Assemblée en a consacré tout à la fois la nécessité et l'utilité par ses décrets des 2 et 13 de ce mois. Ges décrets, précédés de celui qui a suspendu l'émission des vœux de religion, ont produit certains effets qui semblent aller jusqu'à la commotion. Il n'est pas d'inquiétude égale à celle que les décrets de l'Assemblée, et ceux qui doivent les suivre, touchant les biens et les personnes ecclésiastiques, et séculières et régulières, causent, en ce moment, dans les esprits aussi rien ne presse peut-être comme de fixer à cet égard les dernières résolutions de l'Assemblée. Témoin assidu et coopérateur de ses travaux, j'ai souscrit à tout ce qu'elle a fait à ce sujet, et je suis bien éloigné de croire que je n'aie pas dù le faire. Mais pour justifier mon avis, et dans le public, et auprès de mes commettants, j'ai fait imprimer mon opinion personnelle avec tous ses motifs sur le décret particulier du 2 de ce mois, ou sur sa matière, demeurant convaincu qu'en suivant les mêmes principes et dans les mêmes vues, on ne fera que le bien même de l'Eglise, si on la délivre des abus qu'y causaient ses possessions, et par l'injustice dans l'inégalité de leur distribution, et par leur mauvais emploi.

N'oublions pas, Messieurs, que nous avons été appelés pour la régénération de l'Etat; que la nation une fois munie du pouvoir législatif et souverain, ce qui fait comme le pivot de la révolution, elle ne saurait composer avec aucune sorte d'abus; que si les pères du concile de Trente, de ce concile auquel nous devons tant et de si beaux décrets sur le dogme comme sur la discipline, si ces pères firent à leur zèle et à leur vertu le tort de rejeter, pour des considérations que personne n'ignore, les utiles réformes que leur proposèrent nos ambassadeurs, le clergé de France doit aujourd'hui se faire un mérite d'y concourir: ce comité doit du moins s'en faire un devoir; et puisque la nation est, depuis Charlemagne, une fois assemblée pour son bonheur, devenue en ce

moment législatrice comme elle l'était alors, il importe à sa gloire et à son intérêt de ne faire désormais que des lois dignes d'elle. Voici donc dans quels termes je désirerais qu'elle les établit relativement à nos matières.

D'abord, je ne crois pas que nous avons rien de plus ni de mieux à faire ici que de nous accomnoder aux derniers décrets de l'Assemblée, parce que ceux-là ne nous laissent aucun doute sur les desseins qu'il ne serait pas prudent de contrarier, mais sur lesquels il nous est permis seulement de présenter les observations qui peuvent servir à en rendre l'exécution plus facile et plus avantageuse. Ainsi, le décret du 2 de ce mois nous autorise à penser que dans les suppressions ou réunions à faire ou à proposer, nous n'aurons plus à craindre, comme nous craignions auparavant, la réclamation si respectable de la propriété de la part d'aucun bénéficier.

Par le même décret, l'Assemblée s'est chargée, en prenant les biens ecclésiastiques, des frais du culte et de l'entretien des ministres. Mais quels sont ces ministres dont elle a entendu payer l'entretien ou l'honnête subsistance? On en juge assez par le décret du 9, qui a ordonné la suspension des provisions de tous bénéfices, autres que des bénéfices à charge d'ames; on juge assez par là qu'elle entend réduire le clergé aux seuls ministres essentiels et utiles dans le service divin.

L'Assemblée avait de plus manifesté précédemment, par son décret du 18 octobre dernier, ses désirs ou son dessein sur le sort des religieux ou de leurs établissements. La suspension de la profession des vœux, quoique simplement provisoire, ne permet pas non plus de penser que les ordres religieux en général seront conservés, quoique l'Assemblée paraisse disposée à accueillir favorablement deux ou trois propositions qui lui ont été faites accidentellement l'une, que ceux des religieux qui sont utiles à la société, continuent d'être employés; la seconde que ceux d'entre les autres religieux des ordres ou des monastères destinés à la suppression, puissent également continuer, à leur choix, la vie monastique qu'ils ont embrassée dans l'association qui leur convient; et la dernière qu'on use de grands ménagements ou qu'on ait les égards convenables pour les monastères de filles, dont presque tous, si l'on excepte ceux où la clôture n'est pas observée, ne sont qu'édifiants, et un grand nombre très-utiles à la société.

Dans cet état des choses, qui est le dernier état où nous ont mis les plus nouveaux décrets de l'Assemblée, il n'est plus possible, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, Messieurs, de raisonner ou d'opérer dans le comité, sur les décrets du mois d'août, sans en même temps les rapprocher de ceux qui les ont suivis. C'est même principalement d'après ceux-ci que nous devons tracer nos plans de réforme ou plutôt de régénération, en telle sorte que les rapportant à l'Assemblée nationale qui les attend, et a droit de les attendre, nous soyons plus assurés de mériter son approbation.

Dans cet esprit, Messieurs, je me permets de vous présenter les idées qui m'ont paru le mieux convenir dans les circonstances présentes, et au bien de la religion et à l'intérêt de l'Etat.

BIENS ECCLÉSIASTIQUES.

Je commence d'abord par distinguer le temporel du spirituel de l'église, et je traiterai avant,

du temporel, contre l'ordre des choses, parce que c'est par le temporel que nous avons été amenés ici au spirituel. C'est par une suite ou une partie des grands effets qu'a produits dans l'Etat le déficit énorme du Trésor royal, que nous avons pris, comme en sous-œuvre, les réformes du clergé, par les changements que la nouvelle disposition et la nouvelle administration de ses biens doivent nécessairement opérer; et en cela, plusieurs, dont je suis du nombre, ont cru reconnaître la divine Providence qui semble avoir voulu tirer le bien du mal, ménager tous ces événements extraordinaires, sans lesquels on n'aurait jamais fait que gémir sur de vieux abus de tout genre, au lieu de les guérir, comme nous faisons, jusque dans leur racine.

En commençant donc par le temporel de l'Eglise, je le répète, il n'est plus permis, après le décret constitutionnel de l'Assemblée, rendu le 2 de ce mois, et dûment accepté par le Roi, de douter que son intention ne soit de disposer de ces biens, de manière à ne laisser dès ce moment à tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers qu'un traitement en argent, ou bien une jouissance si peu longue des biens-fonds de leurs bénéfices aux monastères, que nous pouvons, nous devons même tracer tous nos plans, en régler toutes les dimensions, comme s'ils en étaient déjà privés. Nous devons regarder dès aujourd'hui les biens ecclésiastiques comme les biens de la nation même, en les regardant aussi comme chargés du soin de pourvoir au culte divin, à la subsistance des ministres et au soulagement des pauvres, d'après ses propres engagements.

Ce vaste et sage dessein a paru d'abord un peu étrange; mais ce n'est que parce qu'il est nouveau car je n'en vois pas de plus sage, je dirai même de plus nécessaire dans les circonstances, s'il ne l'a pas toujours été. Le comité des finances a déjà reconnu la nécessité de prendre au moins 400 millions sur les biens eclésiastiques. Une bonne partie de ces biens a été déjà enlevée par la suppression de la dîme; et de ce retranchement où l'on n'a pas voulu comprendre les dîmes; mais s'ils ne doivent pas échapper à la justice de cette compensation par la voie des impôts, l'on ne peut pas plus recourir pour notre objet à leurs propriétés qu'à celles d'un autre. Les possessions du clergé sont donc les seules qui puissent et doivent venir au secours de son indemnité, et encore une fois, comment s'y prendre, si on leur laisse le tout entre les mains? Je ne vois pas, je l'ai déjà dit, de moyen plus tranchant que celui que le décret du 2 de ce mois nous a comme désigné. En vertu de ce décret, l'Assemblée nationale pourra facilement pourvoir à tout par ellemême, ou par les assemblées provinciales; elle pourra surtout, ce qui serait peut-être impossible autrement, corriger l'âpreté de sa loi envers les décimables inféodés (parmi lesquels précisément il ne se trouve aucun riche) que le sort a maltraités par elle, sans qu'ils fussent moins dignes que tous les autres, du bienfait de la nation. C'est aussi sur ce seul décret, dans lequel tous les autres vont comme se fondre, que j'ai dressé mon plan, et je fais à ce sujet une autre observation non moins importante.

Sans doute que l'Assemblée nationale, en décrétant que tous les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation, n'a pas entendu, ni pu même entendre excepter les biens des bénéfices en patronage laïque, ni ceux de l'ordre de Malte. Je me rappelle aussi que ce fut pour ôter à cet égard toute équivoqué, qu'aux biens du clergé,

employés d'abord dans la motion de M. le comte de Mirabeau, on substitua, sur la réclamation de plusieurs, les mots biens ecclésiastiques; et cela parce que, suivant notre jurisprudence, l'ordre de Malte n'est jamais compris sous la dénomination de clergé de France, du moins relativement aux décimes et aux autres impositions ecclésiastiques. Mais cette équivoque une fois ôtée, ce serait s'abuser volontairement que de prétendre que sous l'expression de biens ecclésiastiques, les biens de l'ordre de Malte ne sont pas compris. Indépendamment de ce que ces biens, dont ceux des Templiers, des Antonins et autres pareils sont une trèsgrande partie en France, ils sont tous dans leur origine les purs dons des fidèles; et comme tels ils sont tous, de leur nature, des biens nécessairement ecclésiastiques. Ce sont des religieux qui les possèdent, des religieux qui, quoique militaires, font les vœux solennels de religion, et reconnaissent le pape pour leur premier supérieur. Au surplus, relativement à notre sujet, les biens de l'ordre de Malte méritent encore moins de faveur que les autres, parce que leurs revenus, ou une très-grande partie, se consomment ou passent hors du royaume. Ajoutez que cet ordre est en ce moment très-éloigné, dans son esprit et dans ses exercices, du premier objet de son institution (1). Quant aux biens des bénéfices en patronage

(1) Il nous a été lu dans le comité ecclésiastique, le lundi 30 novembre, un discours très-bien raisonné, mais très politique sur l'ordre de Malte, et les améliorations dont son gouvernement est susceptible. On n'a pas oublié les avantages que la France en retire à présent même pour son commerce, et les pertes qu'elle ferait. si cet ordre donnait son île à quelque autre puissance. La chambre du commerce de Marseille a fort appuyé cette assertion; et, d'autre part, on nous a lu un décret du 16 du même mois de novembre, pris dans une assemblée de plusieurs membres de l'ordre de Malte, tenue ici à Paris, et porte une sorte d'engagement pour cet ordre, de contribuer à toutes les charges publiques de l'Etat, à l'instar du clergé et des autres citoyens. Mais reste à savoir si, dans les principes de la nouvelle constitution'à laquelle, dès ce moment, les Français paraissent attacher leur bonheur et celui de leurs enfants, les possessions de l'ordre de Malte peuvent être exceptées de la disposition générale que la nation a droit d'en faire, tout comme des autres biens ecclésiastiques; savoir encore si, après l'abolition des ordres, ou de leurs distinctions et prérogatives, on souffrira, dans ce royaume, celui de Malte, qui exige des preuves de noblesse.

Pour concilier cet établissement ou sa conservation avec les décrets de l'Assemblée, qui n'ont exprimé que le vœu général de la nation,je ne vois qu'un moyen qui conserverait les avantages que notre commerce et notre gouvernement retirent de cet ordre, ce serait de remplacer ses riches possessions en France par un subside national, ou d'y faire admettre, dans ses langues du royaume, tous les citoyens français sans distinction.

Il entre aujourd'hui dans les vues de la nation de verser les biens ecclésiastiques dans le commerce, el de les diviser, même dans leurs vente, de manière qu'ils forment de toutes les portions vendues comme autant de petits héritages dans le plus grand nombre de familles qu'il se puisse. C'est aussi le moyen d'en faire valoir le prix par le concours, si on ne préfère mettre à profit l'inquiétude de certains créanciers qui ont déjà offert de ces biens les plus grands avantages.

L'Assemblée paraît si attentive à ne point contrarier ses principes sur ce qui touche à une tant précieuse liberté qu'elle a recouvrée, que, quand même elle ne prendrait pas le parti de vendre les biens ecclésiastiques, le clergé n'en aurait pas pour cela l'administration, parce qu'elle pourrait être dans ses mains ou l'occasion, ou le moyen de rétablir, ou au moins de représenter les ordres qu'on est parvenu à abolir par la plus heureuse des révolutions.

« PreviousContinue »