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DES

ÉTATS GÉNÉRAUX

CONVOQUÉS PAR LOUIS XVI,
Le 27 Avril 1789;

AUJOURD'HUI

ASSEMBLÉE NATIONALE

PERMANENT E.

Ouvrage accueilli & très-intéressant, où se trou-
vent toutes les motions, délibérations, discours
& opérations de l'Assemblée, séance par séance.

Par M. LE HODE Y.

TOME SEIZIE M E.

A PARIS

Chez le RÉDACTEUR, place du Palais-Royal,
au coin de la rue Fromenteau.

* 7 9 0.

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ASSEMBLEE NATIONALE

PERMANENTE.

Séance du 21 septembre, 1790.

LECTURE faite du procès-verbal, M. l'abbé Gouttes, au nom de quelques membres de la députation nommée à la cérémonie funebre qui a eu lieu hier au champ de la fédération, a dit que le procès-verbal de l'assemblée étoit le monument le plus digne de perpétuer la gloire des héros citoyens.

On devroit faire plus: le nom de ces victimes généreuses devroit y être gravé en lettres de diamant, si le diamant peut braver la dent corrosive du tems. Mais, au reste, tous les monumens sont fragiles : les beaux traits leur survivront. La mémoire d'une action vraiment patriotique surnage et s'attache à la robe de l'éternité. Généreux défenseurs de la loi, si le livre immortel de la constitution pouvoit périr ou s'obscurcir, vos freres trouveront gravés au fond de leurs cœurs vos noms ; & il reparoîtra brillant de cette devise: Vivre libre ou mourir: nous sommes François. Revenons au rapporteur; il a dit à-peuprès; car sa narration est si froide, que je regrette de n'avoir point vu une cérémonie aussi

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attendrissante, & que je ne le suivrai que dans les faits.

La députation de l'assemblée s'est rendue hier matin en cérémonie au champ de la fédération. Le maire & la municipalité ont été la recevoir; les officiers & les gardes-nationales l'ont accueillie avec cette candide fraternité qui sera désormais le caractere distinct de la nation françoise. Nous avons été conduits aux places destinées aux représentans de la nation. L'affluence des spectateurs étoit immense & alloit roujours en augmentant; un sentiment respectueux pour les mânes des citoyens morts dans les murs de Nancy commandoit & faisoit régner le plus profond silence parmi trois cents mille hommes qui veulent & qui sont dignes d'être libres. On eût dit que la douleur, le sceptre en main, avoit placé son trône au centre de la fédération; on auroit pu lire, que dis-je, on lisoit sur le front de tous les spectateurs : Nous pleurons nos freres, notre ame est affligée, mais nous vengerons leurs mânes sur les audacieux, quels qu'ils soient, qui voudront porter atteinte à la constitution. Qui que vous soyez, ennemis des loix, mécontens, parlementaires, robins, prêtres, fugitifs jadis princes, apprenez que pour rétablir les abus, il vous faut verser le sang de 24 millions d'hom& qu'il y a 24 à gager contre un, que vous serez les premieres victimes.... Je tremble & je frissonne quand j'y pense. . . .

mes,

Témoin de deux journées fameuses, le champ de Mars a vu, le 14 juillet, sur l'autel de la patrie, ces généreux citoyens dont on fait, le

20 septembre, sinon les obseques, du moins la mémoire des obseques, jurer de cimenter de leur sang l'édifice de la constitution naissante; ils l'ont juré, & prouvé au ciel & à la terre que des françois ne jurent point en vain; ils l'ont juré, & le sacrifice de leur vie n'a rien coûté à leur bravoure.

Quelle différence entre ces deux journées ! grand Dieu !... Cependant elles ont eu leur ressemblance, en ce sens qu'elles ont eu leur caractere marqué. L'une consacrée à la joié a vu se développer tout le délire de l'allégresse & cet enthousiasme, ce patriotisme fraternel, dont les françois donnent le premier exemple au monde : l'autre a vu un peuple de freres consterné sans être abattu de la perte de ses freres darmes. & prononcer fortement, par son silence réfléchi, la haine la plus invétérée contre les tyrans. Suivons les faits rapportés par M. Gouttes, aussi bien les bornes de ma feuille me le commandent.

La messe dite par M. de Saint-Martin, le commandant de la garde nationale a traversé à fied le champ de la fedération: il est venu, ac compagné du clergé, inviter la députation de l'assemblée nationale à s'approcher de l'autel pour y rendre les derniers devoirs aux mânes des généreux guerriers, dont nous avions sous les yeux la pompe funéraire.

Nous nous sommes avancés dans le champ de la fédération : nous sommes montés à l'autel qui étoit au pied du mausolée, entouré de peupliers, de torches funéraires & de jeunes gens

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