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prétendues quittances par eux opposées, lesquelles seraient déclarées sans effet, attenda leur fausseté manifeste.

Effectivement, un jugement du 18 août 1818 déclara les quittances nulles, et ordonna que les poursuites commen> cées à la requête des enfans Legras, en conséquence du contrat de vente du 17 mars 1815, seraient contiunées contre les époux Dailly jusqu'à l'entier paiement de la somme de 6,300 fr. dont ils étaient débiteurs.

En vertu de ce jugement, qui fat ultérieurement confirmé par la Cour royale d'Amiens, les enfans Legras prirent, dès le 22 sept. 1818, des inscriptions hypothécaires sur tous les biens des sieur et dame Dailly.

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Lc 17 déc. 1819, Dailly et sa femme vendirent aux sieur et dame Sohier divers immeubles, antres que celui qui était affecté par privilége aux héritiers Legras, moyennant la somme de 11,000 fr. Après la transcription et l'accom-. plissement par les acquéreurs des autres formalités requises, les enfans Legras, en qualité de créanciers inscrits. sur les biens vendus, ont provoqué l'ordre du prix et demandé leur collocation à la date de leur inscription du 22 sept. 1818.

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Cette prétention a été contestée par les autres créanciers, notamment par le sieur Lepicier et la demoiselle Fauchard, dont les inscriptions, étaient postérieures à celle prise par les enfans Legras, en vertu du jugement qu'ils avaient obtenu contre les époux Dailly, au mois d'août 1818.

Les créanciers inscrits soutenaient que ce jugement n'avait pu produire en faveur des enfans Legras aucune espèce d'hypothèque, par deux raisons également péremp→ toires d'abord parce que l'acte de vente limitait l'hypothè que spéciale des vendeurs à certains objets déterminés, et que le jugement intervenu sur l'exécution de cet acte n'avait pu rien changer, rien ajouter à la convention, ni convertir une hypothèque spéciale en une hypothèque générale; et en second lieu, parce que le jugement du 18 août 1818 ne faisait qu'ordonner la continuation des poursuites,

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qu'il ne prononçait aucune condamnation nouvelle, et que par conséquent il n'était pas susceptible de produire l'hy pothèque judiciaire.

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Cette défense prévalut devant le tribunal civil, qui rendit, le 31 août 1821, le jugement que voici a Considérant que les héritiers Legras, contredisans, n'ont originairement acquis qu'une hypothèque conventionnelle et spéciale sur les mariés Dailly, et ce, sur une maison et dépendances sises à Hirson, vendues à ces derniers par contrat notarié du 17 mars 1815, portant obligation de la part des acheteurs de payer un principal de 6,300 fr. et les intérêts, pour sûreté de quoi il a été, stipulé que les immeubles reste raient affectés et hypothéqués par privilége et préfé rence; Que le jugement depuis intervenu, le 18 août 1818, au profit des héritiers Legras, et confirmé sur l'ap pel, n'a fait que déclarer nulles des quittances opposées par les mariés Dailly, comme libératoires du prix de leur acquitision, et ordonner la continuation des poursuites encommencées; Que, ces poursuites n'ayant jusqué alors d'autre objet que l'exécution du contrat du 17 mars 1815, il s'ensuit que les jagement et arrêt intervenus n'ont puavoir et n'ont eu réellement d'autre effet que d'assurer cette exécution, en levant l'obstacle qui l'entravait, et de confirmer les effets de l'hypothèque conventionnelle et spéciale des vendeurs sur les immeubles vendus, en lui imprimant le caractère d'hypothèque judiciaire ; que les résultats de cette action judiciaire ne sortent pas, da reste, des limites du contrat du 17 mars, et ne peuvent s'étendre ni s'appliquer aux immeubles aliénés postérieu rement par les mariés Dailly aux sieur et dame Sohier, et dont le prix est l'objet de l'ordre ouvert sur ces der niers, sinon pour les frais d'instruction et de production, et ceux dont la condamnation a été prononcée par les juge ment et arrêt susdatés; d'où il sait que ces actes judiciaires, en ordonnant jusqu'à parfait paiement la continuation des poursuites faites en vertu d'un contrat authentique confé. rant hypothèque spéciale et privilégiée, n'ont pas en l'effet de

souvertir cette doublebypothèque en une hypothèque gé¬ nérale; Par ces motifs, le tribunal ordonne que les collocations provisoires seront maintenues définitivement telles qu'elles ont été arrêtées par M. le juge-commissaire, le 4 avril dernier, etc. »

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Sur l'appel, ce jugement a été infirmé par arrêt de la Cour d'Amiens, da 22 février 1822. Les motifs qui ont déterminé la Cour royale sont ceux-ci a Attendu, en droit, que, d'après les dispositions de l'art. 2123 du Code civil, l'hypothèque judiciaire résulte des jugemens, soit contradictoires, soit par défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus; que, par conséquent, la loi n'admet aucune distinction; - Attendu, en fait, que les sieurs Legras, ayant commencé des poursuites coutre le sieur Dailly, en vertu d'un contrat de vente en date du 17 mars 1815, pour être payés du prix porté audit contrat, les mariés Dailly ont prétendu arrêter les poursuites an moyen de prétendues quittances qui ont été contestées par les sieurs Legras, et déclarées nulles et de nul effet par un jugement rendu par le tribunal de Vervins le 18 août 1818, qui a ordonné que les poursuites encommencées seraient continuées jusqu'à l'entiér paiement de la somme de 6,300 fr., formant le prix principal de la vente, ensemble des intérêts, et les a condamnés en outre aux dépens;- Attendu que ce jugement, confirmé par arrêt de la Cour, du 6 juin 1819, et dont l'exécution devait être suivie d'une manière générale et sans restriction, contient évidemment des condamnations au profit des sieurs Legras contre les mariès Dailly, non seulement pour les intérêts et les frais, mais encore pour le principalde ladette qui avait été déniée et contestée; que, par conséquent, ce jugement avait constitué, de droit, aux termes de l'article du Code précité, une hypothèque générale sur tous les biens desdits Dailly et femme; que néanmoins cette hypothèque ne peut prendre rang et produire effet qu'àla date de l'inscription prise par les sieurs Legras, le 22 septembre 1818; que c'est à tort que les pre

miers juges ont délaré cette inscription inopérante quantau principal de la créance et aux intérêts y relatifs, et ne lui out accordé effet que pour les frais. »

Pourvoi en cassation pour faussé application de l'art. 2125 da C. civ., et pour violation de l'art. 2129 du même Code.

Toute la question, disaient les demandeurs, consiste à savoir si le créancier qui a une hypothèque conventionnelle spéciale, et de plus un privilége sur des immeubles déterminés par un acte authentiqué, peut, en verta d'an jugement obtenu sous un prétexte quelconque, ajouter à la sûreté qui a été restreinte par la convention des parties à un objet spécial cellé d'une hypothèque judiciaire et générale sur tous les biens du débiteur. La Cour royale d'Amiens a jugé pour l'affirmative. Mais sa décision est en opposition manifeste avec le système hypothécaire consacré par le Code civil. Quel a été l'objet de la loi nouvelle en cette matière? c'a été de faire disparaître le vice capital de l'ancienne législation, et les graves inconvéniens qui en résultaient. Autrefois la position d'un propriétaire était inconnue, parce que toutes ses conventions par acte authentique frappaient de fait et de droit toutes ses propriétés présentes et futures, et que ces hypothèques n'ap-, paraissent qu'au moment des aliénations: ce qui présentait le double inconvénient de contrarier l'intention des parties, et surtout d'induire les tiers en erreur. Au contraire, depuis le Code, l'hypothèque est spécialement déterminée, et rendue publique dès qu'elle a pris naissance. Par ce moyen, le propriétaire a l'avantage de pouvoir se ménager des ressources au besoin, et de se procurer des emprunts proportionnés à la valeur de ses immeubles. D'un autre côté, le prêteur est à même de reconnaître si les sú retés offertes sont suffisantes, et de mesurer, pour ainsi parler, l'étendue de son gage. C'est en ce sens que l'art. 2129 du Code civil dispose qu'il n'y a d'hypothèque conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre authentique constitutif de la créance, soit dans un acte authentique

postérieur, déclare spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles appartenans au débiteur sur lesquels il consent l'hypothèque de la créance. Ce même article permet au débiteur de soumettre à l'hypothèque chacun de tous ses biens présens nominativement; mais il lui défend d'hypothéquer les biens à venir.

Voilà donc le propre de l'hypothèque conventionnelle : c'est d'être assise sur des biens spéciaux et déterminés, et de ne pouvoir s'étendre au-delà. A la vérité, l'art. 2123, en définissant l'hypothèque judiciaire, lui fait produire cet effet, de frapper non seulement sur les immeubles actuels du débiteur, mais encore sur les biens à venir. Mais que résulte-t-il de là? Il en résulte que l'hypothèque judiciaire a plus de faveur, plus d'avantage que l'hypothèque conventionnelle. Et c'est précisément par cette raison que le créancier qui n'a que cette dernière espèce d'hypothèque ne peut cumuler, en vertu du même titre, l'hypothèque judiciaire. On ne peut pas confondre l'ane et l'autre. La première émane de la volonté des parties; l'autre émane de la loi. Par l'hypothèque conventionnelle le créancier a pris ou dû prendre toutes les sûretés qui lui convenaient. Par l'hypothèque judiciaire la loi vient au secours du créancier qui a suivi la foi du débiteur, s'est contenté de sa promesse, et dont la bonne foi a été trompée par la partie qui ne s'est point exécutée à l'échéance. De cette distinction sort la conséquence que le créancier qui a une hypothèque conventionnelle, ayant réglé lui-même son sort, ne peut plus recourir à l'hypothèque judiciaire, qui est un avantage légal, exclusivement réservé à celui qui n'a point stipulé de sûretés hypothécaires. Voilà ce qui résulte de l'économie et de l'ensemble de nos lois moderues sur les hypètohques,

Pour consacrer un système contraire, l'arrêt attaqué se fonde sur l'art. 2123 du C. civ., qui, selon lui, fait résulter l'hypothèque judiciaire de tous jugemens, sans distinction, en sorte qu'il attribue cet effet même aux jugemens

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