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qualité et le prix des grains étant nécessairement variables, ce serait un pacte aléatoire, dans lequel il serait impossible de voir le caractère de l'usure.

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et

Cette défense du sieur Cordier fat rejetée par un jugement du 8 janvier 1823, ainsi conçu : « Le tribunal, Considérant que l'action des demandeurs a pour but de faire réduire au taux légal les obligations que leur impose l'acte du 12 av. 1809; que cette action, instituée par la loi du 3 sept. 1807, n'ayant été limitée par aucun laps de temps particulier, se place de droit dans la catégorie géné rale des actions qui ne se prescrivent que par 30 ans, non dans celle particulière créée par l'art. 1304 du C. civ., qui n'embrasse que les actions en nullité on en rescision ; qu'il en était de même sous l'empire des anciennes lois; que, tandis que les ordonnances, et notamment celle de 1510, art. 46, contenaient la même disposition que l'art. 1304, les actions en conversion ou réduction des obligations usuraires étaient admises non seulement pendant 30 ans, qu'elles l'étaient même indéfiniment quand il s'agissait de servir à l'avenir une rente usuraire, quelque antique que fût sa constitution, ainsi que l'attestent les jurisconsultes les plas recommandables, notamment Dumoulin, dans son Traité des contrats usuraires, par la raison décisive que, par quelque temps que la fraude à la loi ait eu lieu, le droit de continuer l'offense ne peut pas être acquis; qu'ainsi, si au fond il est prouvé que, par l'acte du 12 avril 1809, Cordier a fait l'usure, il serait intolérable de prétendre que, parce qu'il l'a faite alors, et pendant plus de 10 ans, il doit obtenir l'autorisation de la faire toujours...;-Considérant que le sieur Cordier, défendeur, entendu en personne, avoue avoir acheté de l'auteur des héritiers Baudot, moyennant 1000 f., le 1er avril 1809, par acte privé, les héritages qu'il lui a revendus, le 12 du même mois, par acte authentique, moyennant une rente de grains remboursable en valeur de grains ; qu'ainsi, il est évident que la vente du 12 avril 1809 n'est qu'une voie indirecte imaginée par le

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défendeur à l'effet d'obtenir, à son profit, une renté en grains en ne fournissant que de l'argent pour capital; que, par cela seul, la rente devrait être convertie en argent; 'qu'en effet, l'édit de 1565 défend de constituer une rente de grains pour un capital en argent, à peine par les constituans d'être poursuivis comme usuriers; que cette prohibition est renouvelée, implicitement il est vrai, mais nécessairement, par la loi de 1807, qui a interdit toute autre stipulation d'intérêt conventionnel qu'au taux de 5 p. 100 du capital, ce qui suppose un revenu fixe et en numéraire, et est inconciliable avec un intérêt consistant en denrées, dont le prix varie sans cesse;-Considérant, en outre, que, indépendamment de cette première violation de la loi, le contrat du 12 avril 1809 a créé une énorme usure, le capital fourni par Cordier n'étant que de 1000 f., et devant lui produire, au lieu de 50 f., seize bichets de blé, à raison, en tout temps, de 6 f. 12 c. le bichet, indépendamment de ce que le capital à rembourser est lui-même fixé en grains, en sorte qu'il y a double usure;-Le tribunal, par ces motifs, réduit la rente de seize bichets de froment, créée par l'acte du 12 avril 1809 pour 1000 f., en une rente constituée de 50 f. d'arrérages et 1000 f. de capital; et attendu que Cordier ne s'est pas expliqué sur la quotité de la somme à lui offerte, en donnant acte aux demandeurs de ces offres de 1000 f., ordonne que les parties viendront sur ce point à l'audience du 15 de ce mois, et condamne Cordier aux dépens faits jusqu'à ce jour,

Le sieur Cordier interjeta appel de cé jugement, et reproduisit devant la Cour les moyens qu'il avait développés devant les premiers juges.

Mais, le 2 mai 1823, ARRÊT de la Cour royale de Paris, rendu sous la présidence de M. le baron Séguier, pair de France, premier président, par lequel :

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« LA COUR, — Faisant droit sur l'appel interjeté par Cordier de la sentence rendue par le tribunal de première instance d'Auxerre le 8 janv. dernier, adoptant les motifs des premiers juges, A MIs et MET l'appellation aŭ néant;

ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet; condamne l'appelant en l'amende et aux dépens. »

COUR D'APPEL DE CORSE.

La reconnaissance d'une dette consignée dans un testament qui a été ensuite révoqué est-elle valable, surtout si elle avait été faite au profit d'une personne incapable de recevoir? (Rés. nég.)

SANTELLI, C. GUASCO.

le sieur

Par un premier testament, du 10 brum. an 10, Guasco, étant dangereusement malade, a reconnu qu'outre les 3,000 f. apportés en dot par Anna Prela son épouse, il avait reçu d'elle des valeurs pour une somme de 10,000 f., ajoutant qu'il faisait cette déclaration pour l'acquit de sa conscience.

Mais Guasco a guéri de sa maladie; et le 12 fruct. an 11, il a fait un second testament par lequel il a déclaré avéc, ser*ment que la disposition relative à son épouse, contenue dans celui de brum. an 10, n'avait d'autre objet que d'avantager celle-ci, et qu'il la rétractait comme préjudiciable à ses enfans. Il a confirmé cette rétractation par un troisième testament, du 20 brum, an 12, avec les mêmes

motifs.

Il faut remarquer qu'Anne Prela avait été engagée dans les liens d'un premier mariage avec Nicolas Santelli, dont elle avait des enfans, et qu'il lui en est issu d'autres de sou second mariage avec Guasco.

Elle est décédée en 1813.-Les enfans du premier lit ont réglé avec Guasco leurs droits comme héritiers de Nicolas Santelli leur père, et d'Anne Prela, et ont donné une quittance sans réserve.

Guasco est décédé en 1817.

Le 15 av. 1821, les héritiers Santelli ont signifié aux héritiers Guasco le testament fait par ce dernier, le 10 brum.

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an 10, ét en vertu de la reconnaissance de 10,000 f. § énoncée en faveur d'Anne Prela ils ont formé une demande en paiement de cette somme, comme provenant de la succession de Nicolas Santelli leur père, et qui en avait été soustraite par leur mère, en faveur de son second mari, et à leur préjudice.

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Les héritiers Guasco ont opposé les rétractations insérées aux testamens de l'an 11 et de l'an 12, une quittance donnée par Anne Prela à ses tuteurs, le 17 av. 1766, de la somme de 3,000 f., montant de sa dot, et celle délivrée par les demandeurs à Guasco après le décès de leur mère.

Les héritiers Santelli ont demandé subsidiairement à prouver que la succession de Nicolas Santelli était opulente; que Guasco, second mari, était dans l'indigence quand il avait épousé la veuve, et qu'il avait sur elle assez d'empire alors pour la déterminer à spolier la succession de son premier mari et la fortune de ses enfans; enfin que dans l'année du second mariage Guasco aurait acquis une maison à Bastia, du prix de 10,000 f., dont le testament de l'an 10 n'aurait contenu que la restitution.

Un jugement du tribunal civil de Bastia, dù 27 mars ́1822, à écarté la déclaration de l'an 10 par celles de l'an 11 et de l'an 12; il a déclaré les faits articulés non pertinens, et néanmoins il a ordonné que, par devant un juge commis, les demandeurs prouveraient légalement qu'outre les 3,000 f. de la dot d'Anne Prela, celle-ci avait apporté à son second mari une somme de 10,000 f., provenant t de la succession de son premier époux.

Appel de la part de toutes les parties.

Pour les héritiers Santelli on a posé en principe que la reconnaissance d'une dette peut être renfermée dans un testament comme dans tout autre acte; qu'alors elle vaut titre pour celui au profit duquel elle est insérée; qu'elle ne peut cesser d'obtenir cet effet, quel que soit le changement qui arrive dans la volonté de celui de qui elle émane.

Telle est d'abord l'opinion de Pothier, Traite des obliga

tions, no 835, qui s'exprime ainsi : « A l'égard de ce que dit Dumoulin, que la confession faite à un tiers ne fait qu'une preuve imparfaite de la dette, observez qu'il y a certains cas où elle doit en faire une prenve complète. Guthierez, de contr. jura, quest. 54, no 5, rapporte pour exemple le cas où le débiteur, en faisant cet aveu à des tiers, dit qu'il le fait pour la décharge de sa conscience. Par exemple, si un malade fait venir deux personnes auxquelles, dans la crainte où il est d'être surpris par la mort, il déclare qu'il me doit une somme de 100 liv., que jé lai ai prêtée sans billet, une telle confession, quoique faite à des tiers, me paraît faire une preuve complète de la dette. »

Ricard, dans son Traité des donations, chap. 2, sect. 3, dit : « Si un testateur, en faisant son testament, y mêle une clause qui emporte une donation entre vifs, ou qui en ait toutes les qualités nécessaires, je dis que cet acte, à l'égard de cette clause, demeurera irrévocable, parce qu'elle contient en soi un acte séparé, et qui, pour être engagé dans le corps d'un autre, n'en emprunte point la nature; rien n'empêche que nous ne puissions mêler ensemble des actes de qualités différentes, sans que les uns détruisent les autres. Ainsi, il est hors de doute qu'un testateur, en faisant son testament, peut contracter une obligation et reconnaître les dettes desquelles il est tenu. »

M. de Maleville, Analyse du Code civil, sur l'art. 1355, ajouté « que, s'il s'agissait d'un aveu écrit, quoique fait dans un acte étranger à la partie, comme dans un inventaire, il doit faire une preuve entière. »

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On citait encore M. Delvincourt, Cours de Code civil, tom. 2, p. 837, qui pose en principe que le testament n'est pas révocable si l'acte, nul comme testament, était encore suffisant pour prouver une obligation.

Enfin, les héritiers Santelli observaient qu'en supposant que la reconnaissance portée dans le testament de l'an 10 ne fit pas une preuve entière, elle devait être considérée du moins comme un commencement de preuve pour faire admettre la preuve des faits par eux articulés.

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