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passage, que pour l'irrigation de son terrain, et celui dont ce courant traverse l'héritage n'a le droit d'en user, à sa volonté, dans l'intervalle qu'il y parcourt, qu'à la charge de le rendre ensuite à son cours ordinaire.

Ces deux dernières dispositions embrassent-elles les eaux pluviales aussi bien que les eaux vives?

Si l'on s'arrête à la lettre de la loi, il faudra décider Ja négative: car la loi parle d'eau courante, et ce terme ne peut s'entendre que d'une eau vive qui a un cours permanent ou au moins habituel. Mais, en entrant dans l'esprit du législateur, nous inclinecions à adopter une solution contraire. Les motifs d'équité et d'intérêt public sur lesquels repose l'art. 644 ne militent peut-être pas avec autant de force pour les eaux pluviales que pour les eaux vives; mais cependant ils s'y appliquent aussi, et il peut arriver que des eaux pluviales coulant dans un fossé ou dans un canal procurent aux fonds qu'elles bordent une irrigation très-utile, ou d'autres avantages qu'il importe de conserver ou de généraliser."

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Quoi qu'il en soit, la Cour d'Aix a décidé la question dans un sens opposé à cette opinion, et la Cour de cassation a rejeté le pourvoi dirigé contre son arrêt, par le mo tif qu'il n'avait pas violé le texte de l'art. 644.

Voici l'espèce : une partie des eaux pluviales de la ville de Tretz sort par la porte Neuve, et va se jeter dans un canal qui longe d'abord le pré de la Ramade, appartenant au sieur Roccas, et ensuite d'autres prairies appartenant aux dames de Peynier.

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L'élévation du terrain du sieur Roccas ne lui permettant pas de se servir de ces eaux pour l'irrigation de sa propriété, il a pratiqué dans le mur du canal une ouverture par laquelle il les fait entrer et séjourner dans des espèces de cloaques où elles déposent les engrais qu'elles entraînent dans leurs cours. Elles rétournent ensuite dans le canal, et vont arroser les prairies des dames de Peynier.

paraît que cet état de choses nuisait aux dames de

Peynier, en ce que les eaux arrivaient sur leurs fonds, dégagées des matières fécondantes qu'elles portaient avec elles.

Elles ont demandé la suppression du nouvel œuvre da sieur Roccas. Elles se fondaient, d'une part, sur la disposition de l'art. 644 du Code civil, et d'autre part, sur une possession immémoriale que troublait l'entreprise du sieur Roccas.

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Un jugement du tribunal civil d'Aix,, du 27 août 1819, leur adjugea leurs conclusions, et enjoignit, au sieur Roccas de n'user des eaux pluviales de la ville de Tretz que pour l'irrigation de sou pré, et à la charge de les rendre à leur cours ordinaire, conformément à l'art. 644 du C. civ.

Mais, sur l'appel, la Cour royale d'Aix a infirmé ce jagement, par arrêt du 18 août 1826, portant que l'art. 644 n'est pas applicable à la cause; que, par eau courante, cët article ne désigne que l'eau de source, et que cette quali fication ne peut comprendre les eaux pluviales, qui n'ont qu'une existence et un cours purement accidentels; que ces eaux ne sont pas susceptibles d'une possession permanente et régulière; qu'elles appartiennent toujours au premier occupant, et qu'ainsi le sieur Roccas avait le droit d'attirer les eaux pluviales de la ville de Tretz dans sa proprié té, et de les y retenir autant de temps et en telle quantité qu'il le jugerait convenable (1).

Les dames de Peynier ont provoqué la cassation de cet arrêt, pour violation de l'art. 644 du Code civil.

Elles ont soutenu que le texte et l'esprit de cet article s'appliquaient aux eaux pluviales réunies dans un canal ouvert par l'autorité publiqué.

Et en effet, ont-elles dit, il ne faut pas confondre les

(1) Le 5 mai précédent . la même Cour avait rendu un arrêt semblable en faveur du sieur Nard, contre un sieur Imbert.

eaux pluviales, éparses dans les champs, dans les chemins et dans les rues, avec celles qui se rassemblent et qui coulent dans un lit. Les premières échappent sans doute à l'application de l'art. 644 du Code civil, et toute personne peut s'en emparer, dans tous les temps, et en disposer d'une manière, exclusive et absolue. Mais les secondes sont véritablement des eaux courantes, dans l'acception naturelle de ce mot; et, sous ce rapport, elles sont soumises aux droits respectifs d'irrigation et d'usage des propriétaires riverains, tels qu'ils sont réglés par l'art. 644.

Vainement la Cour d'Aix allègue-t-elle, à l'appui de sa décision, que les eaux dont il s'agit n'ont qu'une existence et un cours accidentels. En sont-elles moins des eaux courantes toutes les fois que la pluie les reproduit? N'y a-t-il pas des rivières dont le lit restè à sec à certaines époques de l'année, et pendant un temps assez considérable? Dira-t-on pour cela qu'elles ne forment pas des eaux courantes quand elles reprennent leur cours?

La disposition de l'art. 644 est d'une évidente équité. Lorsqu'une eau courante est bordée par plusieurs propriétés particulières, il est juste que chacun en profite également, que le fonds supérieur ne s'en serve que pour l'irrigation, et qu'il la rende immédiatement au fonds inférieur pour que celui-ci l'emploie au même usage.

Ce principe de justice n'est-il pas le même pour les eaux pluviales et pour les eaux vives qui coulent également dans un lit qui les reçoit? et le sieur Roccas ne l'a-t-il pas ouvertement violé par l'entreprise qu'il a faite sur les eaux pluviales de la ville de Tretz? Il les attire dans des cloaques, les y retient pendant plus ou moins de temps, leur fait subir une décomposition qui en sépare les matières fécondantes, et ce n'est qu'après les avoir ainsi dénatàrées qu'il les rend à leurs cours ordinaire. Cet usage, ou plutôt cet abus, ressemble-t-il en rien à une irrigation? L'immense avantage que le sieur Roccas en tire, au grand préjudice des fonds inférieurs, ne se restreint même pas à

son pré de la Ramade, qui borde le canal. Il transporte les engrais que l'eau déposé dans ses cloaques sur d'autres fonds, et de cette manière il détourne, au profit de ces fonds, éloignés du canal, des sucs nourriciers que la nature des choses et le vœu de la loi réservaient aux propriétés riveraines. C'en est assez pour justifier le reproche fait à l'arrêt de la cour d'Aix, et pour assurer le succès du pourvoi.

Le défendeur à la cassation s'est principalement attaché à prouver que la lettre de l'art. 644 ne comprenait que les eaux vives, et que dès lors la Cour d'Aix n'avait pas pale violer en refusant de l'appliquer à des eaux pluviales. En rapprochant les art. 641, 642, 643 et 644, il est facile de voir, disait-il, que le dernier article, aussi bien que les trois qui le précèdent, ne s'occupe que des eaux de source. Et comment peut-on équivoquer sur le sens des mots eau courante? Cette dénomination n'est-elle pas inconciliable avec l'idée d'une eau qui n'est pas un produit de la terré que la terre, ne reçoit qu'à des intervalles plus ou moins éloignés, qui est stagnante de sa nature, et qui ne coule que par l'effet de la situation accidentelle du sol?

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Du 14 Janvier 1823, ARRÊT de la section civile, M, Brisson président, M, Henri-Larivière rapporteur, MM., Nicod et Lassis avocats', par lequel:

́« LA COUR,

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Sur les conclusions conformes de M. Joubert, avocat-général, après délibéré en la chambre du Attendu qu'il s'agit dans la cause, non pas conseil; d'une eau courante qui traverse ou qui borde des héritages, mais bien d'un égout qui reçoit les eaux pluviales qui découlent de la ville de Tretz sur la voie publique ; qu'ainsi l'art. 644 du Code civil n'est pas applicable à l'espèce, et ne peut dès lors avoir été violé; REJETTE, etc. »

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COUR DE CASSATION.

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La question sur un fait d'excuse non mentionné dans l'acte d'accusation peut-elle être posée au jury avant que le président de la Cour d'assises ou la Cour elle-même, dans le cus de quelque difficulté sur laquelle le président ne puisse statuer seul, ait décidé que ce fait d'excuse résulte des dė– bats? (Rés: nég.)

L'accusé déclaré coupable d'homicide par le jury peut-il être condamné par la Cour d'assises comme coupable d'homicide involontaire, si le jury n'a pas déclaré que l'homicide a été commis par maladresse, imprudence, etc.? (Rés. nég.)

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LE MINISTÈRE PUBLIC, C. LAUrent.

Ainsi jugé entre le Ministère public et le nommé Laurent, par ARRÊT du 6 Mars 1825,, section eriminelle, M. Barris président, M. Aumont rapporteur, M. Marchangy avocatgénéral. Il est conçu en ces termes :

« LA COUR, Vu, en premier lieu, les art. 410 et 408 du Code d'instruction criminelle, aux termes desquels la Cour de cassation annule les arrêts qui contiennent fausse application de la loi pénale et violation des règles de compétence; Attendu que, suivant l'art. 338 du même Code, a s'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aga gravantes, nou mentionnées dans l'acte d'accusation, le « président ajoutera la question suivante: L'acensé a-t-il

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commis le crime avec telle ou telle circonstance? » →→ Que le vœu de la loi, dans cet article, est nécessairement son vœu dans l'art. 339, qui le suit immédiatement, et que ce n'est que lorsque le fait d'excuse non mentionné dans l'acté d'accusation résulte des débats qu'il doit être l'objet d'une question soumise au jury; qu'avant que le jury soit interrogé sur le fait d'excuse, il est nécessaire qu'il soit jugé si ce fait résulte des débats, puisque, sans cela, il pourrait arriver qu'on soumît à sa décision un fait sur lequel les débats ne lui auraient fourni aucune lumiè

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